Il est 11 heures, ce lundi 6 février 2023. Au Lycée Fatima Al Fihriya, sis à Ben Msik à Casablanca, les élèves ont tous rejoint leurs classes sauf un petit groupe de filles et garçons qui se sont rassemblés dans la salle des activités. À l’intérieur c’est presque un silence de cathédrale, personne ne parle… sauf un: le cadre de soutien psychosocial.
Du haut d’une estrade, le jeune cadre au ministère de l’Éducation nationale, du Préscolaire et des Sports, qui vient au lycée pour animer cette séance, parle d’art ou plutôt de fibre artistique. «Quels sont, selon vous, les principaux traits de personnalité d’un artiste?», interroge-t-il, laissant une vingtaine de jeunes répondre chacun à sa guise.
«Depuis l’arrivée du cadre de soutien psychosocial, nous organisons régulièrement ce genre d’activités pour faire de ce lycée un espace d’apprentissage, mais aussi de divertissement, de découverte et d’aiguisement des talents», annonce El Houceine Tabat, directeur du lycée, non sans fierté. «Les élèves de ce lycée en avaient vraiment besoin», poursuit-il tout en expliquant que cet établissement scolaire a la particularité d’accueillir des élèves en provenance du monde urbain, mais aussi périurbain et rural.
Un cadre, plusieurs missions
Pas loin de cette salle, le bureau du cadre de soutien psychosocial travaillant à temps plein dans ce lycée ouvre ses portes pour accueillir Salaheddine, élève en première année du baccalauréat, un habitué. «Cela fait plus d’un an que je me fais suivre par le cadre de soutien psychosocial à raison d’une à deux séances par semaine», fait-il savoir, avant de dévoiler le motif de ces moult séances d’écoute. «J’éprouve des difficultés d’apprentissage dans plusieurs matières, et les enseignants tolèrent mal mon attitude. Le cadre de soutien psychosocial me prête son oreille et écoute attentivement mes problèmes. Il m’oriente et intervient auprès de mes enseignants pour faciliter mon intégration», expose-t-il.
Quelle formation ont suivie ces cadres? Et quelles missions précises leur sont attribuées? Le ministère de l’Éducation nationale a recruté des profils provenant de cinq spécialités: la psychologie, la sociologie, la philosophie, les sciences de l’éducation, ainsi que l’assistance sociale, apprend-on de Hamid Nacif, cadre de soutien psychosocial au Lycée Fatima Al Fihriya. Ces profils ont reçu une formation d’un an dans les Centres de formation des instituteurs et institutrices, avant de rejoindre les établissements scolaires, poursuit-il.
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Cet interlocuteur souligne trois grandes missions pour les cadres de soutien psychosocial. Il s’agit tout d’abord de «l’accompagnement psychologique et social des élèves en situation difficile à travers l’organisation des séances d’écoute et d’accompagnement psychologique», fait-il savoir.
La deuxième est en rapport avec la revitalisation de la vie scolaire en organisant des activités scientifiques, culturelles et artistiques dans la limite de trois heures par semaine. La troisième est en rapport avec la communication avec les élèves, précise ce psychologue.
Une bouée pour les élèves en difficulté
«Les séances d’écoute m’ont permis de me remettre sur les bons rails et de poursuivre mes études, car le cadre de soutien psychosocial est intervenu auprès de mes enseignants pour leur expliquer que j’ai des problèmes de compréhension. Actuellement, ils fournissent un peu plus d’efforts pour m’expliquer mes cours», confie Salaheddine, l’élève de première année du baccalauréat.
Son cadre de soutien psychosocial explique: «Nous prenons en charge plusieurs catégories d’élèves qui ont du mal à s’intégrer dans la vie scolaire, ceux qui souffrent de troubles comportementaux et ceux qui se révoltent en classe et agressent les enseignants et cadres administratifs de l’établissement scolaire».
Dans le détail, ces cadres organisent des séances hebdomadaires d’écoute afin de recueillir suffisamment d’informations sur l’élève, sur son entourage et sur les problèmes dont il souffre. «Nous suivons ces élèves au cas par cas et nous entrons en contact avec leurs parents en cas de besoin, pour recueillir davantage d’informations et mieux cerner leur cas», détaille Hamid Nacif.
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Le champ d’intervention de ces cadres ne se limite pas à l’univers scolaire. Ceux-ci sont liés par des partenariats avec des associations, des centres spécialisés en accompagnement psychologique ainsi que les hôpitaux psychiatriques. «Quand un cas dépasse par sa complexité les compétences des cadres de soutien psychosocial, nous le référons vers des centres spécialisés ou même vers un hôpital psychiatrique pour qu’il y soit pris en charge», précise Hamid Nacif.
Selon lui, l’objectif escompté par le ministère de l’Éducation nationale, du Préscolaire et des Sports, à travers le recrutement de cette nouvelle catégorie de professionnels, est d’«améliorer le niveau de réussite des élèves et lutter contre la déperdition scolaire».
Et de poursuivre, sur la même lignée, en indiquant que plusieurs élèves souffrent de problèmes familiaux ou en rapport avec l’adolescence, ce qui impacte négativement leur niveau scolaire. «Il est important dans ce cas de figure de tenter de résoudre ces problèmes pour améliorer le niveau d’apprentissage de l’élève», souligne-t-il.
Sensibiliser pour mieux prévenir
En plus des séances d’écoute, de soutien psychologique et de médiation, les cadres de soutien psychosocial mettent en œuvre un ensemble de programmes de prévention et de sensibilisation au profit des élèves. «Nous organisons régulièrement une série de séances de sensibilisation et de prévention notamment sur les dangers de la toxicomanie, l’éducation sexuelle, les maladies sexuellement transmissibles, la lutte contre la violence et le harcèlement, ainsi que sur l’importance du bien-être psychologique et physique des élèves», explique encore le psychologue.
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«L’approche préventive engagée par les cadres de soutien psychosocial est très importante, car au lieu de surveiller les élèves qui s’adonnent déjà à des pratiques malsaines, il convient de les conseiller en leur montrant les conséquences néfastes de la toxicomanie ou du harcèlement», note Hamid Nacif.
En plus de ces activités, ces cadres organisent aussi des programmes d’éducation à la citoyenneté et aux droits humains, notamment à travers la célébration des fêtes nationales, poursuit cet interlocuteur, pour qui ces activités «permettent de rendre l’école plus attrayante pour les élèves et de participer au processus de leur socialisation».
Un premier bilan «positif»
Plus d’un an après leur intégration au système éducatif, le bilan de ces cadres de soutien psychosocial s’avère «positif». «Les élèves bénéficiaires de l’accompagnement du cadre de soutien psychosocial ont montré une évolution non négligeable de leur niveau scolaire», fait remarquer El Houceine Tabat, directeur du Lycée Fatima Al Fihriya.
Du même avis, Saloua Daafane, chef de service des Affaires pédagogiques à l’Académie provinciale de Ben Msik, précise que les élèves s’intéressent de plus en plus aux activités organisées par ces cadres, ce qui «a eu un impact positif sur leur psychologie et sur leur niveau scolaire».
Ces mêmes activités, qui touchent divers domaines notamment artistiques, ont permis de découvrir et d’aiguiser des talents en théâtre, musique, caricature, etc., poursuit la responsable.
«Le rôle des cadres de soutien psychosocial est déterminant pour la réussite de la feuille de route du ministère de l’Éducation nationale, du Préscolaire et des Sports», souligne-t-elle, avant de poursuivre que le ministère de tutelle se dirige vers «le recrutement de plus de cadres de soutien psychosocial pour couvrir davantage d’établissements scolaires».
Qui plus est, le ministère de l’Éducation nationale œuvre, via ses différentes académies provinciales et régionales, à l’amélioration du savoir-faire et des compétences de ces cadres à travers l’organisation des formations continues en écoute et intermédiation ainsi qu’en éducation par les pairs, relève Saloua Daafane.