L’odeur des fritures emplit l’air à Derb Sultan, à Casablanca, alors qu’une équipe de la commission de contrôle des prix et de la qualité des produits alimentaires descend de son véhicule. Casquette vissée sur la tête, Abdellah Rezki, à la tête du groupe, donne ses dernières consignes: «Soyez méticuleux. Vérifiez tout: des stocks aux factures.» À ses côtés, des agents d’autorité et de l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA) hochent la tête en signe d’approbation.
Le programme du jour: une dizaine d’établissements à inspecter. Premier arrêt dans un snack aux murs jaunis par les émanations des friteuses. Dans les cuisines, un amas de poulets repose dans une bassine en plastique, sans protection ni nettoyage préalable. «Ces conditions de conservation exposent les consommateurs à un risque élevé d’intoxication alimentaire», lance un inspecteur, qui grimace en griffonnant des notes sur son carnet. La sentence est immédiate, sans appel: «Ce lot est impropre à la consommation. Nous allons le détruire», annonce sèchement Abdellah Rizki au gérant de la gargote.
Quelques rues plus loin, l’équipe pousse la porte d’un petit restaurant à l’atmosphère paisible. Presque trop paisible. Derrière son comptoir, la gérante, visiblement nerveuse, tend quelques documents en désordre aux inspecteurs. Ces derniers examinent méthodiquement les feuilles, et un détail semble leur sauter rapidement aux yeux: l’absence de factures d’approvisionnement. Les regards silencieux se croisent puis un agent, le visage grave, prend la parole: «Sans papiers attestant de la provenance des produits que vous commercialisez, comment pouvons-nous garantir leur qualité?»
Les interdits en cuisine
Pas de réponse du côté de la gérante, dont la crispation glisse lentement vers la panique. Dans l’arrière-cuisine, les inspecteurs sont déjà affairés à scruter les stocks, ouvrant les frigos, notant l’état des denrées. Un agent prend des photos, documentant chaque anomalie. La tâche se complique: sans preuve concrète, impossible de remonter l’origine des viandes et légumes entreposés. Puis, sur une étagère à proximité des postes de préparation, un bocal de mayonnaise attire leur attention. Il ne porte aucune étiquette commerciale, trahissant une préparation artisanale.
L’un des agents examine l’objet du délit avant de lancer à la gérante, désormais au bord de l’apoplexie: «Vous avez préparé cette mayonnaise vous-même?». «C’est strictement interdit», poursuit-il, sans attendre une réponse qui ne vient pas. «La mayonnaise maison se conserve très mal et peut provoquer des intoxications si elle n’est pas manipulée dans des conditions irréprochables. Vous devez impérativement utiliser des produits certifiés par l’ONSSA», intervient doctement un autre agent. La sanction semble inéluctable…
Mais le plus dangereux se niche parfois là où on s’y attend le moins. Dans un autre restaurant bien achalandé, une bouteille de gaz trône à quelques centimètres d’une friteuse crépitante. Un agent s’arrête net devant la scène et secoue la tête, consterné par l’imprudence manifeste de l’installation. «Une étincelle suffirait à transformer cette bouteille en bombe et cette cuisine en brasier», avertit-il d’une voix ferme. Le propriétaire, visiblement embarrassé, bafouille quelques mots, tentant de justifier l’agencement hasardeux. Il finit par faire son mea culpa, promettant de réorganiser au plus vite son espace de travail.
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«Notre travail n’est pas seulement une fonction de contrôle, c’est une responsabilité morale. Malgré la pression, les longues journées et des confrontations parfois tendues, nous restons motivés par cette mission: garantir à chacun l’accès à des produits sains et de qualité», confiera Abdellah Rezki au terme des visites, le visage marqué par la fatigue.
Même son de cloche du côté de Khalid Labib Idrissi, chef de la division des affaires économiques et de la coordination de la préfecture d’Al Fida-Mers Sultan: «Chaque intervention est une occasion de sensibiliser, d’intervenir là où les normes sont négligées et d’apporter une assurance aux consommateurs».
«Les missions de contrôle ne se limitent pas à vérifier les infractions. Elles jouent un rôle crucial dans le suivi de la situation globale des marchés, qu’il s’agisse de l’approvisionnement, des prix ou encore des conditions de stockage et de présentation des produits. Notre objectif est d’assurer aux citoyens une alimentation saine, transparente et accessible», conclut-il.