Près de deux mois après le tremblement de terre qui a frappé le Maroc, l’heure est à la reconstruction des bâtiments et habitations endommagés par la catastrophe. Une phase qui nécessite une bonne conception et une planification rigoureuse pour réhabiliter ces bâtisses, tout en préservant l’identité des zones sinistrées.
Dès lors, l’on s’interroge sur l’adéquation entre constructions en terre, pierre ou bois et les normes parasismiques. «C’est possible», répond Nabil Mekaoui, docteur en génie parasismique et enseignant-chercheur à l’École Mohammedia d’ingénieurs (EMI), dans un entretien avec Le360.
Un règlement parasismique des constructions en terre
Non seulement cela est possible, souligne-t-il, mais il existe en plus des normes parasismiques pour ce type de bâtiments au Maroc, en vigueur depuis 2013. Il s’agit du règlement parasismique des constructions en terre, divisé en deux grandes sections. La première concerne le règlement parasismique pour l’autoconstruction en terre (RPACT), tandis que la deuxième porte sur le règlement parasismique des constructions en terre (RPCT).
«Le temps presse et l’hiver approche. Il faut concevoir et construire, conformément à la réglementation parasismique existante sur les constructions en terre ou en pierre, des bâtiments qui respectent les normes parasismiques, tout en maintenant l’aspect architectural des régions concernées, afin de préserver leur identité», suggère notre interlocuteur.
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Face à l’urgence, Dr Mekaoui préconise d’encourager l’autoconstruction par les populations autochtones, et leur apporter le soutien nécessaire. «Ces résidents ont l’habitude de construire avec les matériaux locaux. Il faudra juste les accompagner dans la mise en place architecturale des normes parasismiques pour permettre au bâti de résister aux charges horizontales d’un tremblement de terre», propose-t-il.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, de nombreux professionnels du secteur du bâtiment ignoraient l’existence d’un tel règlement jusqu’à l’avènement du séisme. «La catastrophe d’Al Haouz a permis à de nombreux professionnels de découvrir ce règlement. Ces derniers souhaitent même obtenir ce document et étudier plus amplement les différentes dispositions qui y figurent», révèle Dr Mekaoui.
Inspection dans les zones sinistrées
Avant de reconstruire, il faudra au préalable identifier les dégâts et préparer le terrain. Le département de l’Habitat et de la Politique de la ville, relevant du ministère de l’Aménagement du territoire national, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la ville l’a bien compris, puisqu’il y a organisé des missions d’inspection suite aux instructions royales pour la reconstruction des zones sinistrées.
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Des inspections auxquelles ont participé des experts du ministère et plusieurs représentants de groupements professionnels spécialisés dans l’habitat, notamment des bureaux d’étude et de conseil, des laboratoires d’études et d’essais, l’Ordre national des architectes, ainsi que des étudiants d’écoles d’ingénieurs.
Nabil Mekaoui en faisait partie. Il s’était déplacé sur le terrain avec trois autres collègues, dont deux experts en calcul de structure et une architecte, dans le cadre d’une mission qui a duré dix jours dans les provinces de Marrakech, d’Agadir et de Taroudant. «L’objectif principal de cette mission était de récolter des données fiables sur les dégâts causés dans les bâtiments par le séisme et recueillir un échantillon représentatif de l’ensemble des dommages», confie-t-il.
Et son constat est effarant: «La totalité des cas de bâtiments construits en béton armé, effondrés totalement ou partiellement, était non réglementaire et ne respectait même pas les règles minimales parasismiques prescrites dans le règlement national», révèle-t-il.
Plus de 3.000 répliques après le séisme d’Al Haouz
Le département de l’Habitat a partagé les données récoltées dans les villes et les zones rurales avec l’ensemble des participants aux différentes missions et avec d’autres experts du secteur de l’habitat lors d’une réunion au ministère de tutelle. Des éléments qui seront transmis à l’Agence pour le développement du Haut Atlas, en charge de la mise en œuvre du programme de reconstruction.
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Pour Dr Mekaoui, une mise à jour des normes parasismiques nationales s’impose. «La mise à jour des normes parasismiques est primordiale et obligatoire. Cela se fait partout dans le monde tous les cinq ou dix ans, particulièrement dans les pays qui connaissent une grande activité sismique comme le Japon, la Nouvelle-Zélande ou l’État de Californie», soutient-il.
Cela permettra d’étudier l’aléa sismique, la probabilité de déclenchement d’autres séismes, notamment leur fréquence et leur magnitude. «D’après le Centre national pour la recherche scientifique et technique, il y a eu plus de 3.000 répliques, des séismes de petite magnitude dans cette zone, après le tremblement de terre», rappelle notre interlocuteur.
Améliorer la qualité de la construction parasismique au Maroc
Mais la question qui taraude souvent les esprits est de savoir s’il existe un moyen de prévoir les tremblements de terre? «Impossible. Ce sont des phénomènes qui se produisent souvent à des centaines de kilomètres de la surface de la Terre. La science actuelle est incapable de décrire exactement ce qui se passe dans ces profondeurs», répond Nabil Mekaoui.
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À l’en croire, le séisme a permis une prise de conscience générale du risque sismique au Maroc. «Beaucoup de gens qui croyaient que cela n’arrivait qu’aux autres ont changé de perception par rapport à cette catastrophe naturelle. Cela va permettre d’améliorer la réglementation parasismique, en y intégrant les ponts et les barrages, de même que pour le mix acier-béton, la charpente en bois industriel et la qualité de la construction parasismique au Maroc», prévoit-il.
Au-delà de l’aspect réglementaire, cet ingénieur en génie civil recommande un meilleur contrôle des constructions, de la phase de conception à la livraison, pour s’assurer du respect des normes parasismiques. «Il faut s’assurer que ce qui est construit correspond bien à ce qui a été conçu. De par mon expérience, j’ai pu constater que de grands travaux, qui étaient bien conçus, n’ont pas été convenablement exécutés sur le chantier. D’où la nécessité du contrôle technique des bâtiments en phase de construction», conclut-il.