Le magazine LePoint.fr de la semaine dernière a publié une information qui, semble-t-il, date de quelque temps: une actrice française a exigé le renvoi de l’acteur et réalisateur Roschdy Zem d’un film en préparation. Elle a refusé que son nom figure sur une affiche à côté de celui d’un Arabe.
Roschdy Zem est une star, récompensé par plusieurs prix. C’est un comédien et réalisateur reconnu et très apprécié. Il est Français et Marocain.
On ne connaît pas le nom de l’actrice raciste ni ceux du producteur et du réalisateur de ce film. Roschdy a refusé de les donner, car il est contre la délation. Il est choqué et pense que ce genre d’acte raciste direct n’avait plus cours en France. Hélas, non, le racisme anti-arabe et anti-musulman s’est tellement banalisé que les associations contre le racisme ne savent plus quoi faire pour contrer cette vague de haine, attisée, par la guerre infligée à Gaza après l’attaque du 7 octobre.
Il faut dire que l’antisémitisme ne cesse de progresser dans des milieux différents. Les agressions contre les juifs sont nombreuses. La peur dans les familles juives est réelle. Il y a une confusion entre ce qui se passe à Gaza et ce que pensent les communautés maghrébines et la communauté juive.
Mais refuser de jouer dans un film par haine des Arabes, ça, on ne l’avait pas vu depuis longtemps. En général, c’est moins direct. On dit au comédien en question qu’il ne correspond pas au rôle, mais jamais de manière aussi directe et abjecte que cette actrice a eu le culot d’utiliser.
Roschdy Zem, que j’ai contacté, m’a envoyé un message qui lui ressemble, digne et droit: «C’est une histoire ancienne que je n’évoquerais pas si l’on ne m’interrogeait pas dessus.»
Vieille, mais les traces sont toujours là. L’excellent journaliste de France 5, Karim Rissouli (marocain né en France), ainsi que son collègue Mohamed Bouhafs, (né en 1992 à Oran, qui a été maltraité par son père qui le battait ainsi que sa mère; il a raconté son calvaire dans le livre «Rêver sous les coups») reçoivent en ce moment des messages de haine de plus en plus violents. «Sale Arabe», «Racaille», «Bientôt nous serons au pouvoir et vous repartirez dans votre bled», etc.
Voici la lettre anonyme que Karim Rissouli a reçue cette semaine chez lui:
«Franchement, Karim, tu n’as pas compris le vote du 9 juin. Ce n’est pas le pouvoir d’achat, la retraite à 60 ans, la privatisation de Radio France. La seule et unique raison fondamentale du vote RN, c’est que le peuple français historique en a plein le cul de tous les bicots. Tu peux faire des pieds et des mains avec tes invités islamo-gauchiasses, tu n’y changeras rien, le souchien ne t’acceptera jamais, ni toi ni tes frérots. Et même malgré le nombre, vous ne posséderez jamais la France.»
La France a une vieille tradition raciste et antisémite. Elle a toujours eu besoin de haïr des étrangers. C’est bête, stupide, mais vrai. En face, il y a toujours eu des citoyens qui se sont battus contre ce phénomène abominable. Aujourd’hui, l’antiracisme semble contredit par les derniers résultats des élections législatives. Je ne vais pas commenter le programme du Rassemblement national, mais derrière la façade polie où les mots sont choisis, ses militants se sentent en ce moment libres de dire leur haine des étrangers, en particulier des Arabes et des musulmans. Beaucoup de reportages sur le terrain l’ont prouvé. Sur France 2, on a vu une femme d’une soixante d’années dire à sa voisine qu’elle ne l’aime pas, parce qu’elle est noire, allant jusque’à lui lancer: «Va, retourne à ta niche!»
Si la démocratie française donne, dimanche prochain, la majorité absolue au RN, et que Macron nomme Jordan Bardella Premier ministre, nous n’avons plus rien à dire. Sauf que la démocratie ne se limite pas à un vote. Ce que mes professeurs de droit m’ont appris, c’est que la démocratie est un ensemble de valeurs et de principes qui défendent et respectent les droits humains. La démocratie n’est pas une technique (voter) mais l’exercice du droit et le respect des valeurs qui fondent ce droit. Nous en sommes loin en ces jours historiques où la France est ébranlée par la vague de l’extrême droite, comme cela s’est produit dans d’autres pays européens.