Que faire de la dépouille d’un animal domestique lorsqu’il meurt au Maroc?

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On vit quinze ans ensemble, parfois plus, parfois moins, et un beau jour, notre compagnon à quatre pattes disparaît, laissant un grand vide derrière lui et une question qui peine à trouver réponse: que faire de sa dépouille?

Le 09/02/2020 à 16h21

La protection animale au Maroc, c’est un luxe dont la majorité se soucie peu. «Occupons-nous d’abord du bien-être des gens avant de nous inquiéter de celui des animaux», répondent systématiquement certains, en général ceux qui n’ont pas d’animaux.

«Mais à quoi vous attendez-vous? Avez-vous seulement été voir l’état d’une morgue pour les êtres humains?", nous rétorquent même certains vétérinaires, exposés pourtant à cette situation au quotidien.

Toutefois, il y a les autres, ceux qui se soucient autant d’un animal que de leur prochain, et pour qui le bien-être de leur compagnon est une priorité.

Un choix dénué de sentimentLorsque l’heure de la mort vient à sonner, la plupart des propriétaires d’animaux au Maroc se retrouvent désemparés, ne sachant que faire. Beaucoup s’interrogent sur l’existence d’un cimetière pour animaux. Or, il n’en n’existe qu’un seul, à Tanger, le cimetière Boubana qui a ouvert ses portes dans les années 40, grâce à une initiative privée, pour ensuite tomber dans l’oubli.

Dès lors, trois choix se présentent aux propriétaires et autant dire que la décision finale n’est pas facile à prendre.

Aicha, ancienne propriétaire d’un chien, nous raconte ainsi sa douleur et son désarroi lorsqu’il lui a fallu faire un choix. Car au Maroc, la plupart des vétérinaires rendent la dépouille de l’animal à son propriétaire le laissant se débrouiller pour la suite.

«J’avais le choix entre la fourrière, l’incinération ou l’enterrement dans un terrain vague», nous explique-t-elle. Mais chacune de ces options comporte son lot de doutes et un coût bien spécifique.

Un business juteux et illégalEn effet, si d’aventure certains propriétaires choisissent la fourrière, les services communaux sont normalement tenus de récupérer la dépouille pour la brûler ensuite dans un incinérateur, comme nous l’explique Tarik, vétérinaire à Casablanca.

Or, ce service, normalement gratuit, fait l’objet de dessous de table et il faut ainsi débourser la somme de 300 dirhams, parfois plus, pour que les équipes de la fourrière récupèrent la dépouille de l’animal.

S’agissant de l’incinération effectuée à la fourrière, il vous en coûtera entre 2000 et 3000 dirhams pour récupérer les cendres de votre animal, «avec toutefois aucune garantie que ce soient vraiment ses cendres qui vous sont rendues», précise le vétérinaire.

Enfin, troisième option: l’enterrement dans un terrain. C’est l’option qu’a choisie Aicha. Moyennant la somme de 800 dirhams, le propriétaire de ce terrain, situé dans la commune de Dar Bouazza, a enterré le chien de Aicha, et a filmé l’enterrement avant de lui envoyer la vidéo, en guise de preuve que l’animal a bien été inhumé.

Dans le cas de Zineb, qui elle aussi a perdu son chien il y a quelques années, aucune de ces trois options n’a été choisie. Elle a fait ce que font beaucoup de Marocains, enterrer son chien dans un parc, aux alentours d’une gare, se souvient-elle. Elle a voulu retourner à cet endroit pour commémorer la mémoire de son animal mais depuis, des immeubles ont été construits à cet endroit.

Même topo pour Ghizlaine qui, quant à elle, a préféré enterrer son chien dans le petit bout de terre dont elle dispose, dans sa maison de location. «Il est enterré là-bas, à côté du barbecue», nous précise-t-elle, nostalgique.

Khadija, elle, a choisi un terrain vague situé à proximité de son domicile pour son premier chien décédé, et pour le second, un tout jeune chiot, elle l’a tout bonnement emballé dans un sac en plastique et mis au congélateur, en attendant de prendre une décision.

La santé aux oubliettesLe hic, outre le choc émotionnel que cela implique, est avant tout d’ordre sanitaire. En effet, on ne peut pas enterrer un animal n’importe comment, et surtout n’importe où. Comme nous l’explique ainsi le vétérinaire, «il convient d’enterrer l’animal à au moins un mètre de profondeur » et ce, afin qu’il ne puisse pas être déterré par d’autres animaux.

Mais ce n’est pas tout. Si certains l’enterrent dans une boîte à chaussure ou simplement enveloppé dans une couverture, cela est loin d’être suffisant. «Il faut recouvrir le corps d’une couche d’au moins 20 centimètres de chaux» poursuit le vétérinaire. Car si d’aventure l’animal était malade, et dans ce cas on craint particulièrement la rage, il peut contaminer les autres animaux qui l'auraient déterré.

Dans le cas de l’enterrement de l’animal chez soi, on peut se référer aux lois françaises, à titre d’exemple, pour en savoir plus car au Maroc, chercher réponse à cette question s’apparente à chercher une aiguille dans une botte de foin.

On apprend ainsi qu’enterrer un animal chez soi est possible, si l’animal pèse moins de 40 kg.

Mais il faut aussi que le terrain en question, dont on est nécessairement le propriétaire, soit suffisamment grand, pour que la tombe puisse se situer à plus de 35 mètres d’une habitation, et d’un point d’eau.

Tarik, le vétérinaire casablancais, dénonce ainsi le flou juridique qui prévaut actuellement, et l'inexistence d'un suivi, qui entraînent des situations anormales.

D’un côté, il y a le manque de moyens financiers des services communaux qui favorisent la demande de pots-de-vin pour pratiquer un travail censé être gratuit.

D’autre part, les salons de beauté pour animaux qui prolifèrent dans nombre de cabinets de vétérinaires posent un vrai problème de santé publique, car la transmission de malades infectieuses est un problème national. Or, permettre aux particuliers d’enterrer leurs animaux où bon leur semble, sans contrôle sanitaire préalable, constitue un problème de santé publique.

L'incinération reste donc, malgré son coût, la solution la plus sûre.

Par Leïla Driss
Le 09/02/2020 à 16h21