La crainte liée à l’atteinte de l’âge légal de 18 ans, longtemps vécue comme un moment de basculement brutal vers la rue et la précarité, tend à s’estomper pour les enfants bénéficiant des services des établissements de protection sociale. Cette étape redoutée marque en effet, pour de nombreux orphelins et enfants abandonnés, la fin de toute prise en charge institutionnelle et le début d’une confrontation directe avec la vulnérabilité économique et sociale.
Afin d’atténuer ce choc et d’assurer un minimum de sécurité financière à cette catégorie particulièrement fragile, le gouvernement a décidé d’instaurer une aide financière spécifique en leur faveur, indique le quotidien Al Ahdath Al Maghribia dans son édition de ce jeudi 25 décembre. Lors de son Conseil hebdomadaire tenu le mardi 23 décembre dernier, l’Exécutif a ainsi approuvé un décret portant sur la mise en œuvre de l’allocation destinée aux enfants orphelins et aux enfants abandonnés hébergés dans les institutions de protection sociale. Cette mesure s’inscrit dans le cadre de la poursuite du déploiement du système de soutien social direct, et traduit une orientation institutionnelle claire en faveur du renforcement de la protection de l’enfance vulnérable et de son intégration effective dans le système des droits sociaux et économiques.
Cette décision découle de l’application des dispositions de la loi n° 58.23, notamment son article 16, et s’inscrit dans la mise en œuvre des Hautes Orientations Royales appelant à la consolidation des fondements de l’État social, à travers des politiques publiques fondées sur l’équité, l’égalité des chances et une attention particulière accordée aux enfants en tant que pilier du développement humain durable. Elle répond également à une situation longtemps restée en marge des dispositifs de soutien destinés aux familles, du fait de l’absence de cadre familial pour ces enfants.
Le décret prévoit l’octroi d’une allocation mensuelle uniforme de 500 dirhams par enfant bénéficiaire, versée sur un compte individuel ouvert à son nom auprès de la Caisse de dépôt et de gestion. Les fonds ne peuvent être utilisés qu’à l’atteinte de l’âge légal de la majorité, avec la garantie d’un montant cumulé, minimal, de 10.000 dirhams. Cette formule traduit une nouvelle approche de l’action sociale, fondée sur l’épargne et l’autonomisation plutôt que sur la simple réponse aux besoins immédiats, en offrant aux bénéficiaires un capital financier susceptible de faciliter leur accès à l’indépendance dans des conditions plus stables.
La mise en œuvre de ce dispositif repose en grande partie sur le rôle central de l’Agence nationale du soutien social, chargée de la gestion et de l’exécution de cette aide, écrit Al Ahdath Al Maghribia. L’Agence assure le suivi du parcours de bénéficiaire, à travers la mise en place de systèmes numériques de collecte de données, la vérification des conditions légales d’éligibilité, le contrôle de la régularité des versements et le traitement des réclamations, en coordination avec le ministère de la Solidarité, de l’Insertion sociale et de la Famille, l’Entraide nationale et les autres départements concernés. Une plateforme numérique dédiée a été créée pour recevoir et examiner les demandes et les recours, dans un souci de transparence, de bonne gouvernance et de ciblage précis des bénéficiaires, tout en veillant au respect du principe de non-cumul des aides et à la rationalisation des dépenses sociales.
Le texte réglementaire confère également un rôle clé aux directeurs des établissements de protection sociale, chargés de déposer les demandes de bénéfice de l’aide et de suivre la situation des enfants, sous la supervision des services compétents. Cette démarche reflète une approche de proximité et un lien renforcé entre responsabilité et reddition des comptes. Sur le plan social et économique, cette mesure marque une transition assumée d’une logique de simple assistance vers une logique d’autonomisation. Elle vise à protéger les enfants contre les risques de précarité après leur sortie des institutions de prise en charge et à réduire les probabilités d’exclusion sociale et économique. Ce soutien constitue également un investissement dans le capital humain, susceptible de favoriser l’insertion sociale et professionnelle et d’alléger, à terme, la pression sur les systèmes de protection sociale.
De manière générale, l’instauration de cette allocation au profit des enfants des établissements de protection sociale s’inscrit dans une vision réformatrice globale de construction de l’État social, fondée sur la garantie des droits sociaux et économiques des populations vulnérables et sur l’égalité entre tous les enfants, indépendamment de leur situation familiale. Ce chantier, porté par l’action concertée des différents départements gouvernementaux et de l’Agence nationale du soutien social, constitue une avancée concrète vers une protection sociale conçue comme un levier d’autonomisation et de durabilité, et non comme un simple mécanisme de soutien conjoncturel.
D’un point de vue social, cette aide revêt une importance particulière en raison de l’approche novatrice qu’elle adopte. Elle ne repose pas sur une consommation immédiate ou sur la gestion quotidienne au sein des institutions d’accueil, mais sur une logique d’épargne et d’investissement dans l’avenir. Le versement mensuel sur un compte bancaire individuel, sans possibilité de retrait avant la majorité, permet de constituer un capital pouvant servir de véritable tremplin vers l’autonomie, que ce soit pour la poursuite des études, la formation professionnelle ou l’accès au marché du travail.
Sur le plan économique, la mesure présente également un caractère préventif marqué. Elle contribue à réduire les risques de vulnérabilité auxquels sont exposés les jeunes quittant les institutions de protection à l’âge adulte, souvent dépourvus de soutien familial et de ressources financières, et donc particulièrement exposés à l’exclusion. Les données figurant dans le communiqué gouvernemental indiquent que le capital accumulé pourrait dépasser 100.000 dirhams si l’enfant bénéficie de l’allocation pendant une période de 15 ans, un montant de nature à atténuer à l’avenir la pression sur les politiques publiques en réduisant les situations de chômage, de rupture sociale ou le recours à des interventions sociales d’urgence.







