Parlement: cinq minutes de suspension après le débat sur la profession des adouls

Abdellatif Ouahbi, ministre de la Justice, lors d'une séance des questions orales à la Chambre des représentants. (Photo: MAP)

Lors de la séance des questions orales au Parlement, le débat sur la profession des adouls a pris une tournure tendue, entraînant la suspension de la session pendant cinq minutes et l’expulsion temporaire d’un député.

Le 01/12/2025 à 21h51

Ce lundi, la séance des questions orales au Parlement a connu un rebondissement imprévu. Le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a enflammé le débat après avoir qualifié l’intervention d’une députée du Parti de la justice et du développement (PJD) de «réquisitoire digne d’un conseil révolutionnaire ». Il lui a également reproché de ne pas avoir pris connaissance du texte de loi avant de formuler des critiques jugées très sévères, provoquant rapidement des tensions au sein de l’hémicycle.

La parlementaire dénonçait le projet de loi sur la profession des adouls, accusant le ministre de revenir sur les acquis du dialogue parlementaire, de réduire le rôle des adouls, de marginaliser les femmes dans les postes décisionnels et de bloquer l’accès des doctorants à la profession, alors que la loi leur en donne normalement le droit.

Face à cette montée des eaux, Abdessamed Haiker, député du PJD, a pris le micro pour rappeler que «les parlementaires posent des questions et les ministres doivent y répondre».

Il a vivement contesté cette référence, interrogeant le ministre: quelle «révolution» évoquait-il exactement? Il a demandé que les propos du ministre soient retirés du compte rendu officiel, cherchant à calmer le flot tout en affirmant sa position.

Le ministre Ouahbi, de son côté, a insisté sur le cadre institutionnel, il a affirmé sa volonté de poursuivre les discussions «dans le respect des dispositions constitutionnelles», précisant que les accusations politiques ou les déclarations au sein de la séance «ne constituent pas un débat institutionnel». Il a ajouté que le dossier des adouls a été transmis à la commission compétente et que les discussions s’y poursuivront conformément aux procédures.

La tension a atteint son paroxysme lorsque le président de séance, Driss Chtibi, est intervenu pour tenter de calmer le jeu. Mais en qualifiant Abdessamed Haiker de «marxiste», il a involontairement mis de l’huile sur le feu, ravivant la flamme des débats.

La confrontation a rapidement dégénéré, Haiker ayant refusé de respecter pour la troisième fois la procédure, a été prié de quitter l’assemblée après trois avertissements successifs. Face à cette situation explosive, la session a été suspendue pendant cinq minutes, le temps de rétablir le calme et de rappeler à tous l’importance du respect du règlement intérieur.

Au-delà du débat sur la profession des adouls, Abdellatif Ouahbi a dévoilé plusieurs initiatives majeures, montrant l’étendue de son programme de réformes. Il a annoncé un projet de loi pour sanctionner le harcèlement et le chantage sur les réseaux sociaux, qualifiant ce phénomène de «hors de contrôle», et soulignant l’urgence de protéger les citoyens dans un espace devenu trop permissif.

Cette annonce s’inscrit dans un cadre plus large de réforme du système judiciaire, où le ministre a rappelé l’adoption de trois lois organisatrices, 11 lois ordinaires, 28 décrets et 13 arrêtés, ainsi que la transmission de neuf projets de loi à l’administration centrale, en attente de discussion.

La réforme se concrétise aussi sur le terrain, avec 114 projets d’infrastructures judiciaires: 31 déjà inaugurés, 18 prêts à l’inauguration et 47 en étude. Parmi ces projets, 14 nouveaux centres judiciaires ont été créés pour un investissement total de 238 millions de dirhams. Le ministère, qui emploie désormais 14.930 personnes, dont 51% de femmes, renforce ainsi sa capacité à répondre aux besoins croissants de la justice.

En parallèle, Abdellatif Ouahbi s’est penché sur l’exécution des jugements liés aux accidents de la route, un domaine sensible pour les citoyens. Depuis le début de l’année, les compagnies d’assurance ont réglé 2,28 milliards de dirhams sur 67.874 dossiers, tandis que 10.247 restent en attente, souvent à cause de saisies ou de retards du fonds de garantie. Pour améliorer la gestion des biens saisis, le ministre a annoncé la création prochaine d’une agence dédiée, inspirée du modèle français qui a permis de récupérer 530 millions d’euros pour l’État, afin de centraliser et accélérer les ventes.

Sur le plan judiciaire, Ouahbi a présenté une mesure clé pour l’effacement automatique des antécédents judiciaires, permettant aux citoyens de ne pas être punis deux fois pour une même infraction et facilitant leur réinsertion sociale.

Par Najwa Targhi
Le 01/12/2025 à 21h51