À quelques jours d’intervalle, le roi Mohammed VI a annoncé deux nouvelles de taille. La première exprimée par le Souverain au chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, dans sa demande de lancement du processus de réforme de la Moudawana dans un délai de six mois. Quant à la seconde, elle aussi historique: l’annonce par le Souverain de l’organisation de la Coupe du monde 2030 par le Maroc, l’Espagne et le Portugal.
Hasard du calendrier? Pas si sûr, car ces deux avancées, sociale et sportive, sont intrinsèquement liées l’une à l’autre. Le parcours incroyable des Lionnes de l’Atlas, le soutien qu’ont apporté les Marocains à leur équipe féminine, le rayonnement à l’international de cette équipe de jeunes femmes, en est le parfait exemple. Bien plus que n’importe quel discours militant, manifeste féministe ou manifestation pour les droits des femmes, l’engouement suscité par les succès des Lionnes de l’Atlas a fait faire un bond colossal dans les mentalités quant aux droits des femmes et à l’égalité des sexes. C’est là la beauté et la force du sport, réussir à effacer les barrières, donner une chance à tous et à toutes, renforcer les notions de compétences et de succès par le travail et la constance… et faire vibrer à l’unisson des millions de personnes autour de ces valeurs.
Le fait que le chantier de réforme de la Moudawana se fasse en même temps que l’organisation de la Coupe du monde 2030 est donc en soi très inspirant. Car, nous ne le savons que trop bien, tous les projecteurs du monde entier seront braqués sur nous pendant toute la durée de la préparation du tournoi et de son déroulement. Comme ce fut le cas pour le Qatar, passé au crible des critiques quant à sa politique sociale, économique, écologique et migratoire, ce sera assurément le cas du Maroc, qui sera d’ailleurs certainement même beaucoup plus scruté (et critiqué) que ses voisins espagnol et portugais.
Car l’enjeu pour un pays musulman et africain n’est pas le même que pour un pays occidental. Le traitement accordé par la presse internationale en est le reflet et les aprioris liés à nos sociétés arabo-amazigho-africano-musulmanes ne s’effaceront pas en un coup de baguette magique. Comme le Qatar, il va falloir convaincre. Convaincre que l’on peut faire aussi bien, voire beaucoup mieux que les autres. De la même manière que le Maroc, dans son incroyable performance lors de la Coupe du monde 2022, a porté l’étendard des pays arabes, musulmans et africains, il se verra assurément endosser la même responsabilité.
Parmi les enjeux qui sont au cœur de toutes nos discussions, depuis cette fantastique annonce, il y a bien sûr la remise à niveau des infrastructures sportives mais pas que… Parmi les chantiers devenus désormais urgents, car nous disposons maintenant d’une date butoir de sept ans pour les terminer, on ne peut que se réjouir à l’idée qu’enfin, les toilettes publiques ou encore l’accès aux personnes à mobilité réduite deviendront enfin des sujets de préoccupation majeure.
Il en va de même pour le développement et l’amélioration du réseau routier, ferroviaire, des transports publics, leur entretien, ne serait-ce qu’à l’échelle casablancaise, représente l’un des vœux pieux des habitants de la ville. Une ville qui pourrait d’ailleurs gagner en éclat et en blancheur avec un bon coup de peinture sur ses façades et une collecte des ordures mieux organisée.
À mesure qu’on liste les bullet points du plan d’action à mettre en place, on se prend à rêver de notre Maroc de demain. Mais au fait, dans sept ans, quel âge aurons-nous d’ailleurs? Et nos enfants?, se demande-t-on tout à coup… non, évitons cette question et restons positifs.
Un pays résolument inscrit dans son époque, moderne mais pas qu’en façade, qui accorde autant d’importance à son développement économique qu’à son développement social, lequel sera non seulement incarné par les avancées en matière de droits des femmes et de la famille mais aussi, nous ne l’oublions pas, par la reconstruction des villages d’Al Haouz et l’amélioration des conditions de vie des populations locales.
Cette Coupe du monde est une bénédiction pour le Maroc, gageons que nous saurons en tirer profit afin de ne pas risquer la même publicité catastrophique que celle qu’a gagnée la France, à la veille de l’organisation des Jeux olympiques de 2024, avec une invasion de punaises de lit. «Entre nos ennemis, les plus petits sont souvent les plus à craindre», disait à juste titre Jean de la Fontaine. Paris ne le sait aujourd’hui que trop bien. Tâchons d’en tenir compte nous aussi en nous inspirant du discours du roi Mohammed VI, l’été dernier, dans lequel le Souverain exaltait les vertus du «sérieux» comme clé de la réussite.