Jamais le Hamas n’avait osé attaquer Israël avec autant de force, en bénéficiant de l’effet de surprise. Jamais Israël n’avait déploré autant de victimes après une attaque du Hamas. En plus, jamais le Hamas n’avait pu s’emparer d’autant de soldats israéliens devenus immédiatement prisonniers, à échanger contre des centaines sinon des milliers de prisonniers palestiniens.
Une situation nouvelle et dangereuse. À la manœuvre, l’Iran. Et l’Iran est notre ennemi. Il faut le dire sans précaution de langage.
Pour comprendre cette situation, il faut revenir au contexte actuel. L’Arabie Saoudite est en train de se préparer à rejoindre les pays arabes ayant reconnu l’État d’Israël. Récemment, un ministre israélien a rendu visite à Mohammed Ben Salmane (MBS) et les négociations, de l’aveu même de celui-ci, vont bon train.
Auparavant, pour marquer son indépendance vis-à-vis de Washington, MBS a renoué avec l’ennemi traditionnel, l’Iran. C’était, on le bien voit aujourd’hui, une manœuvre pour obtenir davantage d’acquis en cas de normalisation avec Israël. Il a cherché à jouer la carte iranienne pour obtenir davantage de concessions des États-Unis. Les Iraniens ont joué le jeu. Leur vigilance active est à l’œuvre aujourd’hui et piège tous les protagonistes d’une façon à la fois brutale et inattendue.
Ayant compris la manœuvre, l’Iran, qui par ailleurs a bien du mal à maîtriser son peuple en révolte, a donné l’ordre au Hamas (qu’il finance en partie), aidé par le Hezbollah installé au Liban (qu’il finance entièrement), de lancer les roquettes contre le territoire de «l’ennemi sioniste». Car jamais, au grand jamais, le Hamas n’aurait pu engager une opération de cette envergure, mêlant attaques terrestre, maritime et aérienne sans l’aide active du grand frère iranien.
Entre 2.500 et 5.000 roquettes auraient été lancées sur Israël en une journée. L’opération a été bien préparée. Ismaïl Haniyeh, chef du Hamas, a rencontré plusieurs fois Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah, en terre libanaise. L’Iran joue la carte de l’islam politique et marginalise les Palestiniens de Ramallah qui ne sont pas d’accord avec le groupe armé Hamas qui tient Gaza.
L’Iran n’apparaît pas officiellement dans cette guerre. Mais sans ses finances, ses armes et ses plans, le Hamas n’aurait pas pu se lancer dans une attaque de cette envergure contre Israël en sachant pertinemment que chaque victime israélienne sera vengée en tuant une centaine de Palestiniens.
Mais le sort du peuple palestinien n’est pas la priorité du gouvernement des ayatollahs. Le Hamas sait également qu’il met en danger des familles entières quand il s’attaque à Israël.
L’intérêt pour le moment de l’Iran, c’est d’empêcher les éventuels accords entre l’Arabie Saoudite et Israël et ne pas avoir le rôle d’un faire-valoir des intérêts saoudiens dans les négociations entre Ryad, Washington et Tel-Aviv.
On voit mal, en ces jours de deuil et de chagrin, MBS déclarer sa reconnaissance de l’État hébreu. Cette attaque aux conséquences énormes est un message envoyé aux pays arabes et musulmans qui penseraient à une normalisation de leurs relations avec «l’ennemi». Les autres pays, comme le Maroc, le Soudan et les Émirats arabes unis, qui ont repris leurs relations avec Israël sont considérés comme des traîtres. Cela fait longtemps que le Maroc a rompu ses relations avec l’Iran, parce qu’il a découvert que ce pays entraînait les éléments du mouvement Polisario, que le régime algérien utilise pour contrer l’intégrité territoriale de notre pays. L’Algérie est une amie de l’Iran.
Dans cette guerre, le Maroc a appelé à la désescalade et a condamné les assassinats de civils, aussi bien parmi les populations israéliennes que palestiniennes.
Pour le moment, Israël traverse une grave crise. Ses services de renseignement n’ont rien vu venir. C’est un grand échec pour eux et une remise en question de leur efficacité légendaire.
Netanyahu est de plus en plus contesté à cause de son projet de réforme du système judiciaire qui a divisé les Israéliens. Son gouvernement extrémiste et suprémaciste, qui tolère les humiliations des populations musulmanes et chrétiennes à Jérusalem, a malheureusement facilité la tâche aux ayatollahs.
Attaquer Gaza sera compliqué pour les forces israéliennes, dans la mesure où la centaine d’otages et de prisonniers sont éparpillés apparemment dans des familles. Bombarder pendant des jours et des jours ce territoire risque de tuer ces otages et ces prisonniers. C’est la première fois qu’Israël se trouve face à un tel dilemme. Israël pourrait faire du porte-à-porte en lançant une opération terrestre. La guerre deviendrait alors totale, avec un nombre considérable de victimes et de déportés palestiniens, et cela va ruiner l’élan de sympathie dont bénéficie Israël de la part de la communauté internationale et enflammer la rue arabe.
Tant que Gaza est entre les mains des islamistes du Hamas, la paix ne verra pas le jour. Ni les embargos ni les difficultés quotidiennes faites aux Palestiniens qui travaillent en Israël ne changeront la donne. Une guerre est ouverte, car Israël ne peut se permettre de ne pas venger ses morts, très nombreux.
Quant au peuple palestinien de Gaza, il résiste et subit les erreurs de ses dirigeants, lesquels obéissent d’une façon ou d’une autre à l’Iran qui a tant de comptes à régler dans la région.
Pour le moment, on compte, dans les deux camps, plus de mille morts et des milliers de blessés. Mais la guerre ne fait que commencer. Un jour, peut-être, le peuple palestinien arrêtera de confier son sort au Hamas totalement manipulé pour les intérêts iraniens, lesquels divergent avec ceux de la cause palestinienne.