Voilà qui n’a pas manqué de susciter la révolte des londoniens : les graffitis de Banksy font l’objet de ventes aux enchères ! Révolte plus que légitime, cette vénale initiative trahissant les valeurs au fondement même de l’action de cet artiste qui a fait parler de lui à travers la planète pour ses actions que l’on peut qualifier de révolutionnaires tant elles sont porteuses d’un discours critique sur le monde. Ce véritable guérillero artistique commence en effet par agir dans les milieux urbains britanniques, dénonçant, à travers les tags saisissants qu’il laisse derrière lui, les conditions de vie des laissés pour compte, la dérive des valeurs à laquelle la société de consommation condamne les esprits, les injustices et conflits qui divisent les hommes, mettant ainsi en scène, par exemple, guerre à coups de fleurs en Irlande ou étreinte de policiers britanniques s'embrassant.
Son action dépassera ensuite les frontières du Royaume-Uni pour s’exercer en Afrique ou en Palestine. En effet, ce grand maître anglais du street art dont on ne connaît, malgré les spéculations et les traques des caméras, ni le véritable nom (Robin Gunningham?) ni le visage a, entre autres et par-delà ses multiples interventions dans les milieux urbains britanniques, en particulier dans les villes de Londres et de Bristol, peint plusieurs fresques parlantes et pour le moins bouleversantes sur le mur de séparation construit par Israël, notamment en 2005. Des images qui dénoncent. Des images qui simulent ouvertures vers la liberté, vers la vie. Des images qui crient à l’enfance et à l’espoir de la voir renaître à l’innocence.
Car, quand il est porté par Banksy, l’art devient bien plus qu’un espace d’expression et d’interpellation du monde. Il se fait réellement subversif et militant par une action sur le terrain, à la fois politique et poétique en ceci que les œuvres, sur les murs improvisés espace à la fois de dénonciation des injustices et d'hommages à leurs victimes, mettent à nu le monde autant qu’elle l’habille de rêves en en transcendant l’absurdité de la violence pour le munir d’ailes lancées vers d’autres demains, demains pour temps qui demandent à renaître. Et Banksy exerçait son art en toute gratuité, comme on pousse un cri, comme on inspire, comme on expire. Il en faisait un dialogue avec cette humanité dont les dérives ou les souffrances le traversent en permanence. Un espace de partage.
Rien de plus légitime, donc, que de voir les londoniens crier à la spoliation d’une œuvre qui appartient à tous, donc l’auteur a voulu qu’elle appartienne à tous. Ils assistent en effet avec effarement à l’extraction des murs des pochoirs de Banksy : "Nous croyons fermement que cette œuvre a été donnée par Banksy à notre quartier, elle appartient à la communauté et elle doit être rendue à Wood Green", a ainsi déclaré à l'AFP Alan Strickland, élu local d’un quartier londonien qui crie à la « dépossession ».
Et, en effet, La Sincura Group a vendu un graffiti de Banksy et persiste et signe en annonçant que son œuvre « No Ball games » sera rénovée pour être soumise à la vente en 2014.
L’œuvre "Travail d’esclave", réalisée en 2012 sur un mur de Londres, a été extraite de son support et vendue 880.000 euros.
Une autre vente aux enchères prévue pour le 5 décembre à Beverly Hills mettra en vente la "Flower Girl" qu’on pouvait jusqu’ici voir sur le mur d'une station-service d'Hollywood.
"Faillite morale", c’est ainsi que qualifie Richard Howard-Griffin, directeur de Street Art London, cette politique de pillage relevant "du capitalisme pur qui illustre la cupidité inhérente à la nature humaine".