Le premier imam ouvertement homosexuel

Brahim Taougar - Le360

L’imam de la mosquée "Lumière-de-le-Réforme" de Washington est homosexuel et ne le cache pas.

Le 29/12/2013 à 03h44

L’imam Daayiee Abdullah est homosexuel et ne le cache pas, ce qui n’est pas sans lui créer des problèmes avec la communauté musulmane. Des leaders musulmans le condamnent, certains imams de son entourage l’évitent désormais. Mais Daayiee Abdullah n’en a cure. Il dit œuvrer pour un monde plus juste et rien ne le détournera de cette mission qu’il s’est donnée et dont il reste fier face à l’adversité. Daayiee Abdullah est né de parents Baptistes du Sud, auprès desquels il grandira à Détroit. Et c’est en Chine, où il ira étudier, que le jeune homme se convertira à l’Islam, à l’âge de 33 ans. Il se rendra ensuite en Egypte, en Jordanie et en Syrie pour parfaire ses connaissances religieuses. Mais, en tant qu’homosexuel, le jeune américain se rend vite compte des préjugés et pratiques d’exclusion dont est victime la communauté gay dans les milieux musulmans. Et il décide alors de devenir Imam pour lutter contre cette discrimination et rendre aux personnes marginalisées, exclues de leur propre environnement, non seulement leur dignité effilochée à l’épreuve du regard de l’autre, mais, aussi et surtout, ce faisant, leur droit à la foi, une foi qui leur est en l’occurrence niée. "Parfois la nécessité fait loi. Et à cause de cette nécessité dans notre communauté, j’ai voulu intégrer ce rôle particulier", déclare Daayiee à ce propos.

La révolution d’un imam pas comme les autres

Et Daayiee Abdullah n’est pas de ceux qui ne font que parler. Une fois Imam, il commence par organiser de belles funérailles pour un homosexuel de confession musulmane, mort du Sida. Des funérailles émouvantes dont Daayiee s’est chargé après que "personne n’a consenti à fournir ses services Janazah" (rituels de préparation du défunt pour l’ensevelissement) au défunt qui "était entré en contact avec un certain nombre d’imams". L’imam Daayiee n’a pas supporté ce refus qui lui a fait mal au cœur : "Je crois que chaque personne, peu importe si je suis d’accord avec elle ou pas, a le droit en tant que musulman de recevoir les rituels prévus. Et quiconque vous juge à tort, la décision revient à Allah, pas à moi".

Par ailleurs, il n’est pas question, pendant la prière officiée par l’imam Daayiee Abdullah, de séparer hommes et femmes. Non seulement tout le monde prie ensemble mais, de plus, les femmes sont autorisées à mener la prière. "Nous ne discriminons pas les gens pour leur genre ou leur orientation sexuelle, ou encore pour le fait qu’ils soient musulmans ou non-musulmans", précise l’imam. Pour ce qui est des mariages, l'imam de la mosquée Lumière-de-le-Réforme de Washington marie aussi bien des couples hétérosexuels que des couples de même sexe.

Une révolution qui fait polémique

Une véritable révolution, c’est le moins que l’on puisse dire. Et qui n’est pas pour plaire à tout le monde. L’imam crée la polémique dans la communauté musulmane, notamment américaine, dont il fait partie. "Quelqu’un qui a une inclination qui n’est pas acceptable doit se contrôler. Si une personne désire commettre l’adultère, boire de l’alcool ou manger du porc, je lui dirais la même chose : contrôlez vous", déclare Muzammil Siddiqi, Imam réputé de la Société islamique de la Californie d’Orange County, en faisant allusion à l’imam Daayiee Abdullah qui, pour sa part, ne se laisse pas intimider et résiste avec la conviction que toute réforme prend du temps et suscite, au départ, controverses et oppositions : "Ce n’est pas quelque chose de nouveau. L’interprétation dans l’Islam crée, tous les 100, 150 ans des discussions et des publications auxquelles des gens se sont opposés. Donc ce n’est pas quelque chose que j’invente juste comme un érudit islamique moderne, mais quelque chose qui existe depuis la nuit des temps", souligne ainsi l’imam Daayiee.

Un imam qui ne compte cependant pas que des détracteurs parmi les religieux et les théologiens. Ainsi, le Dr Hussein Rachid, professeur associé de théologie, fera cette subtile mise au point : "La tradition a toujours voulu que l’homosexualité soit un péché dans la tradition musulmane". Mais, ajoutera-t-il : "Je pense que Daayiee essaye de dire "oui, je peux être homosexuel, je peux être musulman et je peux être attiré par des personnes qui sont aussi homosexuelles et musulmanes", cela fait partie de leur identité en tant qu’être humain, et la religion musulmane enseigne aux gens à embrasser tous les aspects de leur humanité".

Par Bouthaina Azami
Le 29/12/2013 à 03h44