Il y a quelques jours, un média français en ligne, Vakita media, publiait une vidéo devenue virale. Un micro-trottoir, réalisé en France, à la veille du second tour des élections législatives qui se tiennent en France ce 7 juillet.
À la question, «si le Front populaire passe, vous partez tout de suite?», posée par le journaliste à une dame de la soixantaine bien tapée, celle-ci répond du tac au tac: «oui, immédiatement. Mais tout est fait, tout est déjà organisé». Et où ira celle qui revendique son vote pour le Rassemblement national? «Au Maroc!», répond-elle avec un grand sourire, gagnée peu à peu par la gêne en se rendant peut-être compte de la cocasserie de la situation. «Vous voyez, je ne suis pas raciste», rebondit-elle en une pirouette.
Diffusé à grande échelle sur les réseaux sociaux, ce micro-trottoir en a choqué plus d’un, et fait rire les autres, tant il est révélateur de bien des incohérences dont on commence à être familier. Le Maroc, on aime y aller pour les vacances, voire même pour y poser ses valises à long terme et y passer sa retraite. On le préfère à la France, ce pays où «tout fout le camp». Il fait beau, la vie n’y est pas trop chère, on y mange bien, les gens sont gentils, accueillants, l’ordre règne, la langue et la culture françaises y sont largement répandues et en plus, pas besoin de visa pour ce paradis, à même pas trois heures de la France. Un pays idéal où on rêverait d’aller… si ce n’était pas déjà le nôtre.
Mais ces qualités dont on affuble le Maroc, terre d’accueil et d’hospitalité, on ne les souhaite pas pour autant pour la France. Non, non, la France, elle, doit refermer ses portes aux étrangers, les non européens. Oui, même aux Marocains. Parce qu’on les aime bien les Marocains, mais chez eux, cela va de soi. Ce qu’exprime cette dame, c’est un amour à sens unique, un peu comme celui auquel on s’habitue dans une relation toxique. Tout du moins à première vue. Car dans le même temps, transparait une certaine admiration pour un modèle qu’on souhaiterait voir appliquer en France.
Car ce qui alimente le tropisme marocain du Rassemblement national et de ses partisans, c’est sa souveraineté, celle à laquelle la France de l’extrême droite aspire. Certes, pas besoin de visa pour le Maroc quand on est Français, en revanche, ce qu’on nous envie, c’est la préservation d’une identité marocaine en faisant de la nationalité du pays l’une des plus difficiles à obtenir au monde. On lui envie le respect des forces de l’ordre et des institutions, l’amour porté à la monarchie, la préservation de la cellule familiale et le respect qu’on porte à nos aînés, mais aussi la cohésion nationale qui s’exprime en cas d’épreuve.
La mobilisation du peuple marocain au lendemain du tremblement de terre qui a frappé le Haouz le 8 septembre dernier, a d’ailleurs suscité une vague d’admiration dans les médias et les réseaux sociaux en France. Même sentiment quand le pays a retenu son souffle lorsque le petit Rayane a passé plusieurs jours au fond d’un puits. Et enfin, que dire de la façon dont le Maroc a fait vibrer la Coupe du monde, transmettant au monde entier des valeurs marocaines très fortes à commencer par le sens de la famille et la foi. À travers ces trois exemples, qui ont alimenté la presse internationale et éveillé en Occident la nostalgie d’un temps révolu, le Maroc a su rappeler au monde ce qui fait sa particularité. Dès lors, on comprend aisément que des étrangers soient en quête de cette particularité sous nos cieux.
En revanche, ce qui est déplorable, c’est cette relation de deux poids deux mesures qui implique qu’on trouve normal d’être bien accueilli chez quelqu’un, sans considération de notre niveau social et intellectuel, et qu’on trouve tout aussi normal de ne pas rendre l’invitation à l’autre. Ce qui choque, c’est cette très haute marche sur laquelle on se place, qui nous confère un statut privilégié, et du haut de laquelle on considère les autres. On le sait bien, au même titre que les étrangers non occidentaux et non européens, vivre en France se mérite. Ils sont nombreux en ce moments nos étudiants à penser de la sorte, eux qui font suer leur matière grise dans des écoles préparatoires marocaines qui ont pour objectif de former l’élite des grandes écoles qui font le prestige de la France.
Mais le Maroc se mérite aussi… et les Marocains tout autant.