La rentrée: cette période où l’on rêve déjà des prochaines vacances

Soumaya Naâmane Guessous.

Soumaya Naâmane Guessous.

ChroniqueSeptembre. Le mois du grand retour. Retour à l’école, au travail, aux embouteillages… Viennent les grandes résolutions. Celles qu’on ne respecte jamais, mais qu’on ressort chaque année avec enthousiasme

Le 05/09/2025 à 11h00

Après l’été où l’on a abusé de tout, chacun se promet une nouvelle discipline: «J’arrête de scroller TikTok jusqu’à deux heures du matin». Résolution annulée dès la première vidéo drôle. Moins de réseaux sociaux: «Je vais faire une vraie détox digitale». Traduction : 6h30 par jour au lieu de 7.

Du sport: jogging matinal, abonnement en salle, monter les escaliers à pied. Manger sain et équilibré. Mieux gérer son temps: se coucher tôt, arrêter de procrastiner, et enfin ouvrir ce livre qui traîne depuis 2021.

Tout le monde le sait: la moitié de ces résolutions s’effondre avant la fin du mois. Mais ce rituel donne à la rentrée son parfum d’optimisme, l’énergie pour entamer une nouvelle reprise.

Mais la rentrée frappe fort côté finances. Après les vacances qui ont aspiré les économies, septembre arrive avec ses lourdes factures scolaires… Les parents se transforment en acrobates financiers et repoussent le paiement du sport au mois prochain.

Ils s’arrachent les cheveux devant les frais d’inscription, les cahiers à spirales… Ceux des tout-petits vivent un autre calvaire: trouver une crèche. Entre la rareté des places, les horaires qui ne collent jamais avec ceux du travail, et les tarifs qui donnent le vertige, beaucoup finissent par se demander s’ils n’auraient pas dû mettre leur bébé directement… au télétravail. Cela arrive, maman démissionne de son emploi pour s’occuper de bébé.

Pour les petits, la rentrée est un mélange d’excitation et de souffrance: réveils matinaux pénibles, stress des transports, cartables plus lourds qu’eux, devoirs du soir…

À la campagne, la rentrée a sa propre saveur. La sécheresse a nécrosé les budgets familiaux. L’enjeu n’est pas seulement les fournitures scolaires, mais de parcourir plusieurs kilomètres pour rejoindre l’école. Les bus scolaires sont rares. Malgré cela, les enfants partent chaque matin avec une énergie désarmante et ce sourire solide des ruraux qui dit: «On s’en sortira».

Côté adultes, la reprise du travail est dure. Le retour des mails en attente, les réunions de «reprise» où personne ne se souvient de quoi on parlait en juillet. Les collègues se racontent leurs vacances ou leur absence de vacances. Ils exhibent fièrement leurs photos de vacances: «Regarde, c’est moi devant…»

Moi, ce que je déteste, c’est quand on me met un téléphone sous le nez pour que j’admire les vidéos des vacances… Un supplice que je refuse.

Les réunions s’enchaînent, chacun essaie de montrer qu’il est motivé, alors qu’au fond, tout le monde rêve déjà des prochaines vacances.

Mais rien n’annonce la fin de l’été comme le retour des embouteillages et des klaxons. Dans cette anarchie, les nerfs des conducteurs s’usent plus vite que leurs pneus.

Pour certaines familles, chanceuses, septembre rime avec larmes. L’enfant parti à l’étranger pour ses études laisse un vide immense. Les appels vidéo deviennent un rituel, les virements bancaires une plaie mensuelle.

Mais nuance. Tout le monde n’a pas eu de vacances, faute de moyens. D’autres ont jonglé avec des agendas impossibles et des congés décalés.

Et puis il y a ceux qui ont passé tout l’été à jouer les aubergistes pour des visiteurs qui s’installent pour quelques jours, surtout quand la famille habite une ville côtière. La famille du centre du Maroc vient se rafraichir avec progéniture et appétit vorace. La plage donne faim, dit-on. Repas en chaîne, marathon culinaire jusqu’à deux heures du matin. Les porte-monnaie se vident. Les mamans rêvent non pas de plages exotiques, mais de… septembre.

Il y a aussi la rentrée des jeunes mariés, partis en lune de miel, juste après la cérémonie de mariage. Ils reviennent bronzés, tout sourire. Ils postent fièrement des selfies de bonheur. Mais septembre, fini le room service. Place aux conflits sur le partage des tâches ménagères, aux disputes sur «qui a oublié d’acheter le lait» et aux premières soirées romantiques… chacun la tête enfouie dans son smartphone. Doux atterrissage pour certains, turbulence sévère pour d’autres.

Et puis, il y a la rentrée du portefeuille. Après deux mois d’hémorragie financière, le compte en banque est forcément anémique. Pire encore, beaucoup ont financé leurs vacances à coups de petits crédits à la consommation. Résultat, la rentrée est aussi la saison des tensions conjugales. Un test de solidité du couple.

Et il y a les heureux, ceux qui ne sont pas prisonniers du calendrier scolaire. Les célibataires, les retraités, les fins stratèges… Eux observent avec un petit sourire les hordes qui reviennent déprimées. Car leur été commence là où celui des autres se termine. Quand tout le monde pleure parce que «c’est fini», eux préparent leurs valises avec un plaisir sadique. Septembre, pour eux, c’est le jackpot. Moins de foule, moins de bruit, moins de touristes, et surtout moins cher. Pendant que les autres reprennent le chemin du bureau, eux se la coulent douce au bord de la mer.

Mais avouons-le. En théorie, les vacances servent à se reposer. En réalité, elles fatiguent aussi tant dans leur préparation, leur déroulement, que leur retour. On doit donc se reposer des vacances, surtout les femmes, surtout les mamans.

Et malgré tout, septembre garde un charme étrange. On râle, on peste, mais on retrouve aussi une routine rassurante. Et on sait qu’au fond, les prochaines vacances finiront par arriver. Sauf pour le portefeuille, lui, qui n’aura jamais de congés.

Et l’on garde la même phrase au bord des lèvres: «Inchaa Allah, cette année sera meilleure que la précédente».

Par Soumaya Naamane Guessous
Le 05/09/2025 à 11h00