La France est-elle devenue une passoire pour les terroristes?

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Tribune libre. Le 15 octobre, un candidat au jihad a été interpellé à l’aéroport Mohammed V après avoir réussi à tromper la vigilance des services français. Un ratage sécuritaire extrêmement dangereux.

Le 21/10/2014 à 16h49

Les frontières de la France sont-elles devenues aussi poreuses ? Cinq mois après la fuite spectaculaire de la sœur du terroriste franco-algérien, Mohamed Merah, au nez et à la barbe des services français, pour aller grossir les rangs de "l’Etat terroriste" d’Abou Bakr Al Baghdadi en Syrie, un nouveau cas est venu malheureusement confirmer ce constat. Le 15 octobre, un candidat au jihad a été interpellé à l’aéroport Mohammed V, à Casablanca, après avoir passé les frontières de l’Hexagone sans être inquiété. Accompagné de ses deux filles de nationalité française, âgées de 4 et 2 ans, ce Marocain résidant en France a été interpellé alors qu'il cherchait à rejoindre l’organisation terroriste de Daach, via la Turquie. Mais comment cet homme lié à une cellule terroriste démantelée le 14 août et qui plus est, serait sous contrôle judiciaire, a-t-il pu passer les contrôles aux frontières et sortir du territoire français ? Comment a-t-il pu échapper à la vigilance de services français d’habitude intraitables y compris avec des personnalités étrangères possédant "l’immunité diplomatique" ? Salaheddine Mezouar, ministre des Affaires étrangères, en sait quelque chose ! Mais passons car, là n’est pas la question. Le Paysage audiovisuel français (PAF) n’a en tout cas pas cru bon de soulever l’information relative au déplacement en toute liberté d’un jihadiste de la France au Maroc.

La France, chevalier preux du droit-de-l’hommisme !

Il semblerait que la France soit davantage préoccupée par l’idéologie droit-de-l’hommiste que par la sécurité de son territoire et de ses citoyens. Idéologie sans fond du reste, puisqu’elle est réduite depuis longtemps à de simples slogans. Sinon, comment expliquer que des familles soient malmenées pour avoir voulu simplement revendiquer des valeurs ancestrales communes lors de manifestations pacifiques ? Quelle réelle liberté d’expression lorsque l’on est qualifié d’"antisémite" dès que l’on a le malheur de critiquer un Etat hors-la-loi ? Autant de questions à se poser sur l’attitude de cette France qui aime tant à se la jouer "droit-de-l’hommiste". Mais comme l’avait expliqué en 2007 l’ancien ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine, il y aurait une raison à cela. "Ce droit-de-l’hommisme est valorisant vis-à-vis des opinions publiques européennes, mais il n’a aucune influence sur les mondes russe, arabe ou chinois. Nous faisons des discours pour pallier notre absence de pouvoir ou d’influence". Absence de pouvoir manifeste dans la gestion de la lutte anti-terroriste ; car cette négligence n’est pas sans rappeler l’affaire des trois jihadistes, arrivant à Marseille au lieu de Paris, passant les contrôles de police aux frontières puis se rendant, en toute tranquillité, à la gendarmerie ! Ou encore l’affaire du départ collectif pour la Turquie de onze membres d’une même famille alors que leurs proches avaient manifesté leur inquiétude.Services français, d’un couac à l’autre !

Dans un article récent, le magazine L’Express pose à juste titre la question : "Les services français pourront-ils encore compter sur le facteur chance ?". Ces couacs successifs ne peuvent, en effet, qu’interpeller et alarmer l’opinion publique à propos de la stratégie de lutte anti-terroriste appliquée sur le territoire français. Quelles méthodes pour combattre la naissance d’idées extrémistes ainsi que l’esprit sectaire chez les jeunes quand le «cancer» fanatique s’étend sans difficulté dans les banlieues ? Quelle politique pour assimiler les Français de confession musulmane, sans qu’ils perdent pour autant leur liberté spirituelle, quand le communautarisme et la division sont mis à l’honneur ? Quel contrôle du contenu des prêches dans les mosquées et de leur financement quand des déclarations plus invraisemblables les unes que les autres sont relayées par des pseudo-imams autoproclamés ? Quels moyens sont octroyés aux services de renseignement quand on sait que les trois jihadistes ont pu passer les contrôles à cause d’une panne informatique !

Lutte antiterroriste, le modèle marocain

Ces problématiques confirment, de fait, que quelque soit le territoire concerné, la lutte contre le terrorisme devrait faire l’objet d’une stratégie sur le long terme et non pas d’improvisation. Ce qui implique la prise en considération des éléments humains, culturels, économiques et sociaux de la société en question. La démarche marocaine a été, à cet égard, qualifiée de "globale, cohérente et efficace" par le directeur exécutif du Comité contre le terrorisme de l’ONU lors de la présentation de l’expérience du Royaume devant ce dernier. Comme il a été dit lors de cette réunion de haut niveau, "l’approche sécuritaire du Maroc s’appuie certes, entre autres moyens, sur la prévention". Cependant, "l’effort sécuritaire n’aurait aucun effet sur le long terme s’il n’était pas accompagné d’une politique effective pour le développement humain ainsi que de la préservation de l’identité religieuse du Royaume du Maroc". En conclusion, la France choisira-t-elle le long terme en adoptant une stratégie claire et réaliste pour contrer le terrorisme, ou optera-t-elle pour l’instantanéité en continuant dans la voie de l’idéologie et de l’improvisation ? La question mériterait d’être soulevée.

Par Maryam Ziani
Le 21/10/2014 à 16h49