La datte : Un fruit, un symbole, un complice, un poème

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Le 4ème Salon international des dattes a pris fin dimanche à Erfoud. L'occasion de replonger dans l'histoire de ce fruit qui accompagne tous les rituels de la vie religieuse et familiale. La datte fait partie d’une tradition ancestrale et toujours vive qui l’investit presque d’une valeur sacrée.

Le 04/11/2013 à 08h55

La 4e édition du Salon international des dattes a pris fin dimanche à Erfoud. Au Maroc, ce fruit a une valeur symbolique très forte. La datte accompagne en effet tous les rituels de la vie religieuse et familiale. Elle fait partie d’une tradition ancestrale et toujours vive qui l’investit presque d’une valeur sacrée. De leur mariage, un homme et une femme garderont à jamais le souvenir indéfectible de ce moment où, les bras entrelacés, ils auront goûté à la datte perlée entre les doigts de l’autre, au fruit gorgé de miel qui aura symboliquement béni et scellé une union sous le signe de la douceur et de la volupté.

Durant le mois de ramadan, la datte envahit les étals des marchés. Et pour cause. Sans elle, ce mois perdrait beaucoup de son charme. Sur les tables attendant l’annonce de la rupture du jeûne, elle trône en vedette, aux côtés de la harira. Petite et croquante ou mielleuse et charnue, ocre, ambre ou caramel, elle s’habille des robes et des saveurs les plus diverses et subtiles pour enchanter chacun. La datte vient aussi rendre hommage aux pèlerins à leur départ et leur retour de la Mecque. Accompagnée d’un verre de lait, comme lors des mariages, d’ailleurs, elle prend là l’aspect d’une délicate petite fée qui semble leur promettre protection à l’aller pour revenir les accueillir et les fêter à l’arrivée. 

Comme ce fruit fait partie de la culture marocaine, l’arbre qui le porte à sa cime comme un écrin fait, lui, partie de la terre du Maroc qui le porte comme il la porte. Le palmier aux fruits d’or escorte le visiteur à l’entrée des villes du sud marocain. Il les annonce. Il vous y mène. Rebelle, il fend l’asphalte dans les villes où on l’attend le moins, crève les trottoirs de Casablanca pour s’élancer vers le ciel, dévale en cascade les boulevards, le long des façades art-déco. La datte parle le Maroc, ses traditions nomades, paysannes, religieuses, ses coutumes familiales, ses rituels amazighs, la splendeur d’une terre lancée vers le soleil.

Mille et une dattes

La datte est d’ailleurs très présente dans la littérature orientale. Elle y est à la fois et le fruit du pauvre et celui des sultans, fruit de la survie pour l’un, gemme de la succulence pour l’autre. Et, quand on évoque la littérature orientale, nul doute que, sous tous les cieux, chacun pense aux Mille et une nuits. Non Shéhérazade n’a pas survécu grâce aux dattes. Mais la datte faisait éminemment partie non seulement de la narration mais de son charme. Ainsi, l’un des contes, "Le marchand et le génie", commence ainsi : "Sire, il y avait autrefois un marchand qui possédait de grands biens, tant en fonds de terre, qu’en marchandises et en argent comptant. Il avait beaucoup de commis, de facteurs et d’esclaves. Comme il était obligé de temps en temps de faire des voyages pour s’aboucher avec ses correspondants, un jour qu’une affaire d’importance l’appelait assez loin du lieu qu’il habitait, il monta à cheval et partit avec une valise derrière lui, dans laquelle il avait mis une petite provision de biscuits et de dattes, parce qu’il avait un pays désert à passer, où il n’aurait pas trouvé de quoi vivre".

Fruit du pauvre auquel elle donne l'énergie que ses moyens ne suffiraient pas à lui donner, fruit du désert qui a inspiré les plus grands délices de la cuisine marocaine, en l’occurrence, la datte est aussi la cerise (ou la pistache) sans laquelle les festins de Shahryar et de ses semblables mis en scène dans les contes de Shéhérazade n’auraient eu aucune allure. Car elle rend grandioses les dîners des rois. Et surtout sublimes les offrandes de la nature à l'homme le plus démuni.

Par Bouthaina Azami
Le 04/11/2013 à 08h55