Huit groupes LGBTQ+ marocains apportent leur soutien à la présumée victime de Soulaiman Raïssouni

Le drapeau arc-en-ciel, symbole identitaire de la communauté LGBT.

Le drapeau arc-en-ciel, symbole identitaire de la communauté LGBT. . DR

Dans un communiqué rendu public sur les réseaux sociaux, plusieurs groupes engagés dans la lutte pour les droits de la communauté LGBTQ+ au Maroc ont apporté leur soutien à Adam Muhammed, victime présumée d'un viol par le journaliste Soulaiman Raïssouni.

Le 27/05/2020 à 17h10

Dans ce communiqué publié simultanément sur plusieurs pages Facebook et signé par huit groupes dont «Dynamique Trans», «Association Akaliyat», «SAQFE», «Nassawiyat» ou encore «Groupe d’action féministe Maroc», les défenseurs de la cause LBGTQ+ au Maroc ont pris position aux côtés de Adam Muhammed qui accuse de viol le rédacteur en chef du journal Akhbar Al Youm, Soulaiman Raïssouni et a également porté plainte contre l’avocat de ce dernier, Abd El Moulay El Mourouri, pour incitation à la haine suite à un post dans lequel celui-ci s’interroge sur la légitimité d’une plainte pour viol déposée par une personne homosexuelle.

Contacté par le360.ma, «Nassawiyat», qui se présente comme un «groupe féministe et LBTQ», «autogéré et non enregistré parce qu'il est impossible de le faire actuellement au Maroc», explique avoir l'habitude de rédiger des communiqués communs, d’autant plus «quand il s'agit de questions qui nous touchent comme dans l'affaire récente d'outing».

Pour ce groupe féministe qui qualifie de femme «toute personne qui s’identifie comme femme, y compris les femmes cis, les femmes queer mais aussi les trans, les personnes non binaires et les personnes non conformes au genre», il s’agit en effet «de lutter pacifiquement contre toutes les formes de violences et de discriminations sur la base de l’orientation sexuelle ou/et l’identité/l’expression de genres contre les communautés marginalisées au Maroc».

Des droits humains, mais en fonction de l’orientation sexuelle

Or, «récemment, les médias sociaux au Maroc ont été témoins d'un large éventail d'appels à la discrimination et à l'incitation à la haine et à la violence contre les membres de la communauté LGBT. Le plus récent est un billet publié sur Facebook par l'un des «avocats» dans lequel celui-ci juge surprenant d’accepter la plainte d’une personne LGBT», explique le collectif d’associations dans le communiqué.

Les huit groupes signataires insistent ensuite sur plusieurs points en déclarant tout d’abord apporter leur soutien inconditionnel et leur solidarité à la présumée victime et militant des droits de l'Homme Adam Muhammed «contre les appels à la haine» dont il fait l’objet.

Et de qualifier cette campagne haineuse de «violation flagrante du droit à la protection des données et de la vie privée, stipulé au chapitre 24 de la Constitution marocaine et à l'article 12 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, puis à l'article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques».

Sont aussi condamnées les déclarations de certains militants des droits de l'Homme qui voient dans cette affaire «des règlements de comptes politiques et s'efforcent de faire taire la victime en la privant de son droit à la justice».

Or, les signataires considèrent que cette affaire «n'est pas une question politique qui affecte la liberté de la presse», et que l’agresseur, «si les charges retenues contre lui sont prouvées», devra en répondre devant la justice. «Nous refusons de remettre en question la crédibilité de ce camarade en tant que victime», décrètent les signataires tout en dénonçant les «comportements qui incluent le blâme de la victime, l'accusation, la diffamation, l'accusation de honte et la prostitution», y voyant «la normalisation de la culture du viol et des agressions sexuelles».

L’article 489 du Code pénal pointé du doigt

Pour les groupes LGBT signataires, l’article 489 du Code pénal favorise les campagnes diffamatoires, discriminatoires et haineuses à l’encontre de la communauté LGBT, et va ainsi à l’encontre de leur droit «à la sécurité personnelle et physique, et le droit à une protection juridique», faisant des membres de cette communauté des personnes «vulnérables à toutes sortes d'oppression, de racisme et de haine de la société».

Dans ce communiqué, les huit groupes signataires demandent également à ce que soient décriminalisée «l'homosexualité au Maroc et supprimés tous les articles criminalisant la communauté LGBT, en premier lieu le chapitre 489 du Code pénal marocain». Il est aussi demandé de revoir «l'article 1 du chapitre 431 du Code pénal marocain afin d’y inclure un alinéa sur la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, les identités et les expressions de genre». Enfin, troisième souhait: «promulguer des lois qui garantissent, préservent et protègent le droit et la dignité de la communauté LGBT».

«L'homophobie a toujours existé et existe encore, et ce partout dans le monde. Les réseaux sociaux ont permis de la mettre un peu plus en lumière. Mais nous sommes plus forts que jamais avec la mise en place de plusieurs collectifs qui luttent pour les droits des personnes LGBTQ+ et mettent en place des campagnes de soutien, d'information et de lutte pour l'abolition de l'article 489», nous explique le groupe «Nassawiyat» qui souhaite ainsi garder espoir et rassurer les membres de la communauté LGBTQ+ qui se penseraient seuls et sans défense.

Ainsi le présumé viol du militant LGBT Adam Muhammed est devenu pour ce collectif non seulement une raison pour afficher un soutien déterminé au plaignant, mais aussi une occasion de faire avancer sa lutte et de faire valoir les droits de la communauté LGBTQ+.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 27/05/2020 à 17h10