«Suite à l’entrée en vigueur de la loi 19-12 et à la publication du décret n°2.18.686 relatif aux conditions d'application du régime de la CNSS aux travailleuses et travailleurs de maison, ces derniers ont désormais accès à toutes les prestations de la sécurité sociale telles qu’en bénéficient les salariés du secteur privé», annonce la CNSS sur son portail.
Sur le papier, ça fait rêver, mais dans la réalité, les choses ne se déroulent pas comme prévu compte tenu de la frilosité des employeurs. En effet, nombreux sont ceux qui se trouvent des excuses pour éviter des lourdeurs administratives. Pourtant, le risque de s’exposer à des poursuites judiciaires est bien réel.
Mais du côté des employés de maison aussi, on rechigne parfois à sauter le pas. En cause, un manque d'informations, peu de sensibilisation d'une catégorie sociale habituée à être payée au noir et qui craint parfois de perdre de pseudo avantages en signant un bout de papier. C’est le cas de l’employée de maison de Selma qui a refusé de signer un contrat de travail, préférant que son employeuse lui verse son salaire et les cotisations sociales en espèces. «Elle considère que les charges sociales sont une somme d’argent dont elle est lésée, comme une augmentation dont elle ne bénéficierait pas et préfère que je lui verse cette somme directement plutôt que de bénéficier d’une couverture sociale dont elle ne voit pas l’utilité».
Selma a eu beau lui expliquer qu’il s’agissait de sa retraite et de la prise en charge de ses soins médicaux, rien n’y a fait. «Comme j’ai toujours payé pour ses consultations chez le médecin et ses médicaments quand elle était malade, elle ne voit pas l’utilité de cotisations qui, quand elle n’est pas malade, ne servent à rien selon elle», poursuit Selma, désemparée. Entre l’application de la loi et l’emploi de cette aide précieuse qui s’occupait du ménage, de la cuisine et des enfants, il lui a fallu choisir. «J’ai dû la congédier, la mort dans l’âme», déplore-t-elle, frustrée de ne pas avoir réussi à convaincre son employée du bien-fondé de la démarche.
Après un démarrage plutôt chaotique, ponctué d’incompréhensions du public et d’une faible digitalisation du projet, la CNSS a publié cet été un guide pratique numérique visant à répondre aux questions des assurés et potentiels employeurs ou employés. Un document qui ne prend toutefois toute sa mesure que s’il est croisé avec le texte de loi 19-12 relatif aux conditions de travail et d’emploi des travailleuses et travailleurs domestiques. Le point en quelques données essentielles à connaître et à retenir...
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Qu’est-ce qu’un employé de maison?Selon l’article premier de la loi 19-12, une travailleuse ou un travailleur domestique «effectue de façon permanente et habituelle, moyennant un salaire, des travaux liés à la maison ou à la famille».
Par ailleurs, il est entendu que le travail domestique est «le travail effectué auprès d’une ou plusieurs familles». Un employé qui travaille pour plusieurs employeurs devra donc obtenir un contrat de travail de chacun d’eux.
S’agissant de la fonction précise de cet employé, elle est en fait définie par les travaux liés à la maison ou à la famille, lesquels sont précisés dans l’article 2 de cette même loi. Il s’agit ainsi d’ «effectuer les tâches ménagères», de «prendre soin des enfants», de «prendre soin d’un membre de la famille en raison de son âge, de son incapacité, de sa maladie ou de sa situation d’handicap», de «la conduite», des «travaux de jardinage» ou encore du «gardiennage de la maison».
On l’aura compris, jardiniers, chauffeurs, nounous, gardiens et autres employés qui font office d’auxiliaires de vie, font donc partie des employés de maison. La nouvelle loi ne concerne donc pas uniquement les femmes de ménage, contrairement à ce que pensent bon nombre de personnes.
La nature des tâches de l’employé(e) devra par ailleurs être précisée sur le contrat de travail en cochant les cases correspondantes. Attention à bien renseigner ces cases et à respecter par la suite les attributions de la personne employée sous peine de non-respect du contrat. Vous avez par ailleurs la possibilité d’ajouter d’autres tâches à ce contrat si elles n’y sont pas mentionnées ou de détailler le contenu de certaines d'entre elles afin de ne pas risquer de malentendu.
L’affiliation à la CNSS, le job de l’employeurDéclarer les employés de maison est une démarche qui devra être assurée par l’employeur et les différentes étapes n’étant pas encore digitalisées, il faudra donc s’armer de patience et de temps.
Il faudra que l’employeur s’affilie à la CNSS en tant qu’employeur en constituant un dossier composé de plusieurs pièces justificatives (liste consultable sur le site de la CNSS). Ensuite, l’employeur devra immatriculer son employé à la CNSS, si toutefois il ne l’est pas déjà.
Où et comment établir le contrat de travail?Ce document disponible et téléchargeable en ligne sur le site de la CNSS répond à un modèle règlementaire. Etabli en trois exemplaires, le contrat doit être signé par les deux parties et légalisé par l’autorité compétente. L’employeur conserve un contrat, en remet une copie à l’employé et une troisième copie à l’inspection du travail.
CDD ou CDI?S’agissant du contenu de ce contrat de travail, outre le fait de mentionner les habituelles informations relatives à l’identité des deux parties, l’employeur aura le choix entre deux options: contrat à durée indéterminée à compter d’une date précise ou un contrat à durée déterminée pour lequel il faudra donc déterminer des dates précises.
Quel est le temps de travail autorisé?Pour les travaux domestiques, la loi fixe la durée de travail à 48 heures par semaine, réparties sur les jours de la semaine d’un commun accord entre les deux parties. Toutefois, la durée de travail hebdomadaire dépend aussi de l’âge de l’employé(e). Ainsi, âgés de 16 à 18 ans, les travailleurs domestiques sont soumis à une durée de travail hebdomadaire de 40 heures. Cette durée de travail devra être indiquée sur le contrat de travail.
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Combien de jours de repos faut-il prévoir?Un repos hebdomadaire d’au moins 24 heures continues est imposé par la loi qui consent toutefois à ce que les parties, d’un commun accord, reportent le repos hebdomadaire, mais dans la mesure où il sera possible à l’employé «d’en bénéficier dans un délai n’excédant pas trois mois».
Par ailleurs, après six mois de service continu, l’employé bénéficie d’un congé annuel payé dont la durée minimale est d’un jour et demi de travail par mois.
«Le congé annuel peut être fractionné ou cumulé sur deux années consécutives si les deux parties parviennent à un accord», précise l’article 16 de la loi 19-21.
Les jours de fêtes religieuses et nationales, les jours de repos devront être payés et pourront le cas échéant être reportés à une date ultérieure définie entre les deux parties.
Y a-t-il une période d’essai ?Le contrat de travail prévoit également une période d’essai au cours de laquelle les deux parties peuvent rompre le contrat sans devoir ni percevoir aucune indemnité. A préciser toutefois que cette période d’essai est limitée à une durée maximale de 15 jours.
Quel est le salaire minimum?Fini le temps où les employés de maison étaient payés au lance-pierre et où les salaires s’établissaient à l’aveuglette. S’il est accepté que le salaire soit payé en espèces, le montant du salaire qui doit être clairement indiqué sur le contrat de travail ne doit pas être inférieur à 60% du salaire minimum légal appliqué dans les secteurs de l’industrie, du commerce et des professions libérales. La fourchette des salaires est donc comprise entre 8,076 dirhams de l’heure et 13,46 dirhams de l’heure correspondant au SMIG. S’agissant du calcul, il est donc plutôt simple à effectuer. Il suffit de multiplier le nombre d’heures travaillées par le salaire, soit entre 1.550 dirhams par mois de salaire minimum et 2.584 dirhams (correspondant au SMIG) pour une durée de 48 heures de travail hebdomadaire.
Le salaire mensuel figurant sur le contrat constitue la base de calcul des cotisations. En cas de modification du montant du salaire, les cotisations seront calculées sur la base du dernier salaire déclaré par l’employeur.
Ce salaire doit être payé à la clôture de chaque mois, «sauf accord contraire entre les parties», précise la loi.
Enfin, en cas d’absences sans permission, chaque jour non travaillé sera déduit du salaire.
Quelles sont les charges sociales à verser?Les charges sociales sont équivalentes à 25,66% du salaire: 19,50% à la charge de l’employeur et 6,74% à la charge des employés. Le paiement des cotisations sociales doit se faire au titre de chaque période avant la date d'exigibilité prévue par les dispositions réglementaires via le prélèvement bancaire automatique.
Les avantages font-ils partie du salaire?La réponse est non. L’article 19 de la loi 19-12 stipule ainsi que «les avantages de nourriture et de logement ne peuvent, en aucun cas, être considérés comme composantes du salaire en espèces».
Quelles sont les obligations de l’employeur sous contrat?Selon l’article 5 de la loi 19-21, «l’employeur est tenu de porter à la connaissance de la travailleuse ou du travailleur domestique toute maladie contagieuse dont il souffre ou dont souffre un membre de sa famille», chose qui fait d’autant plus sens en temps de pandémie.
L’article 12 stipule par ailleurs que l’employeur doit «d’une façon générale, prendre toutes les mesures nécessaires afin de préserver la sécurité, la santé et la dignité des travailleuses ou travailleurs domestiques lors de l’exécution des travaux qu’ils effectuent sous ses ordres».
Enfin, la loi prévoit également la protection des employés âgés de 16 à 18 ans en précisant que ceux-ci ne doivent pas être soumis à des tâches dangereuses ni exposés à des produits, outils ou matériaux dangereux.
Que prévoit la loi en cas de licenciement?L’employeur se doit de délivrer un certificat de travail, à la cessation du contrat de travail, dans un délai maximum de huit jours, sous peine de devoir verser à l’employé des dommages et intérêts.
L’employé de maison a droit à une indemnité, en cas de licenciement «après un an continu de travail effectif chez le même employeur», prévoit la loi.
Le montant de cette indemnité se calcule en prorata des années (ou fraction d’années) travaillées à raison de 96 heures de salaire pour la durée de travail effectif accompli durant les cinq premières années.
On calculera ensuite le montant des indemnités à raison de 144 heures de salaires pour une période de six à dix ans; 192 heures pour une période de onze à quinze ans et enfin 240 heures de salaire pour une période dépassant les quinze ans.
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Quel est le montant des amendes encourues par l’employeur?L’employeur s’expose à une amende de 25.000 à 30.000 dirhams dans plusieurs cas de figure. Cette amende concerne les infractions commises à l’encontre d’employés âgés de 16 à 18 ans. Ainsi, si la loi stipule que l’âge minimum d’admission à l’emploi comme travailleur domestique est fixé à 18 ans, une période transitoire de cinq ans a été fixée à partir de la date d’entrée en vigueur de la présente loi. L’amende sera imputée aux employeurs ne respectant pas cette période transitoire.
Les personnes de cet âge peuvent être dans ce cas employées à condition d’obtenir une autorisation écrite de leurs tuteurs avec signature légalisée. Ne pas obtenir cette autorisation revient à s’exposer à cette amende pour les employeurs.
Même chose pour ceux qui emploieraient une personne de moins de 16 ans.
Et si récidive il y a, le montant de l’amende sera doublé et l’auteur de l’infraction pourra encourir en plus une peine d'emprisonnement d’un à trois mois.
L’employeur devra payer une amende de 3.000 à 5.000 dirhams d’amende si celui-ci n’élabore pas de contrat de travail pour son employé et ne respecte pas les dispositions que prévoit l’article 3 de la loi 19-21 (citées ci-dessus) relatives à l’élaboration de ce contrat.
Il vous en coûtera par ailleurs une amende de 500 à 1.200 dirhams si vous ne délivrez pas un certificat de travail à l’employé(e), si vous ne respectez pas la durée du travail de l’employé(e), si vous n’accordez pas de repos hebdomadaire ou durant les jours fériés ou si vous refusez d’accorder un congé payé, annuel ainsi que les jours d’absence consentis par la loi. Enfin, le même montant sera à payer par les employeurs qui refusent ou retardent le paiement du salaire.