Les syndicats de copropriété devront désormais respecter de nouvelles normes comptables dans leur exercice. Ainsi en a décidé le gouvernement à travers le projet de décret N°2.23.70, approuvé le 21 décembre 2023 en Conseil de gouvernement, dans le cadre de la loi 18.00 régissant le statut des copropriétés d’immeubles construits. Le texte propose des améliorations dans la gestion des comptes des syndicats des copropriétés en ce qui concerne le budget prévisionnel, les charges et les produits de l’exercice, ainsi que les annexes au budget prévisionnel.
D’après Fatima Zahra El Mansouri, ministre l’Aménagement du territoire, de l’urbanisme et de l’habitat, qui a présenté ce projet, l’objectif est de renforcer la transparence de la gestion financière et comptable des comptes des copropriétés.
Contactée par Le360, Dalila Ennaciri, fondatrice de Gestis et présidente de l’Association marocaine de la copropriété (AMCOP), salue la mesure. «Nous avons accueilli ce projet de décret avec beaucoup d’enthousiasme, parce qu’il va favoriser la transparence et une gestion saine des comptes des syndics de copropriété. Cette mesure va faciliter les opérations de passation et obliger les syndicats à avoir les mêmes nomenclatures et respecter les mêmes règles comptables», confie-t-elle.
Six grandes nouveautés
«C’est un décret qui va changer le mode de gestion des syndicats de copropriété, parce qu’il apporte des nouveautés majeures. Dorénavant, la comptabilité des syndics de copropriété doit respecter un plan comptable spécifique similaire à celui mis en place dans les entreprises», souligne notre interlocutrice. Avant d’ajouter: «Aujourd’hui, les syndicats les mieux équipés utilisent différents logiciels, et les autres, un simple tableur Excel ou un document manuscrit, ce qui ne facilite pas la restitution des comptes».
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Concrètement, selon les dispositions du nouveau texte, les syndicats dont le budget dépasse les 200.000 dirhams doivent respecter un plan comptable. En revanche, ceux qui totalisent un budget inférieur à 200.000 dirhams peuvent n’établir que certaines annexes de ce plan. Quant aux syndics qui gèrent un montant supérieur à 1 million de dirhams, ils doivent faire certifier leurs comptes par un commissaire aux comptes afin de justifier leur fiabilité. Ce texte définit aussi un projet de budget type que le syndic doit adopter et utiliser.
L’autre nouveauté est l’intégration du tableau de saisie des cotisations des copropriétaires parmi les annexes qui doivent figurer dans le bilan annuel. Les archives des syndicats de copropriété doivent également être conservées pendant cinq années et faire l’objet de passation entre syndics successifs.
Vulgariser les nouvelles dispositions
Pour Dalila Ennaciri, ce nouveau projet de décret représente une grande avancée dans la gestion de la copropriété, mais reste méconnu par plusieurs syndics. D’où la nécessité de lancer une campagne de communication pour réussir sa mise en œuvre, surtout que les acteurs du secteur sont très hétérogènes.
«La grande majorité des copropriétés au Maroc est composée de petits immeubles de moins de trente lots. Ces derniers ont très souvent une gestion bénévole de voisinage et ne respectent aucun formalisme dans l’administration de leur immeuble. Le nouveau décret vient ajouter une nouvelle contrainte à laquelle ils ne sont pas outillés, et si nous ne les accompagnons pas, ce texte passera à la trappe comme le reste des dispositifs de la loi 18-00 modifiée et très souvent ignorée», explique-t-elle.
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Pour la présidente de l’AMCOP, le gouvernement devrait soutenir davantage le secteur. «On aurait apprécié que les syndicats, ayant des dépenses à travers le paiement de prestations de gardiennage, de nettoyage, etc., aient la possibilité de récupérer la TVA imposée dans le paiement de ses différentes factures, comme beaucoup d’entreprises, pour mieux encourager la formalisation prévue par ce projet de décret et adopter des pratiques comptables saines», suggère-t-elle.
Création d’un registre national de la copropriété
Dalila Ennaciri propose également la création d’un registre national de la copropriété, dans lequel les bilans annuels des syndics, désormais réglementés, pourront être publiés. Une initiative qui «favorisera une transparence dans la gestion des syndicats et permettra aux éventuels acquéreurs de biens immobiliers de connaître la santé financière de la copropriété avant d’effectuer l’acte d’achat».
Outre la mise en place de ces mesures, l’AMCOP plaide aussi pour une réorganisation du métier à travers la formation des syndics et la création d’une carte professionnelle, afin de mieux réglementer et contrôler ces entreprises et protéger une profession «souvent mal-aimée». «Nous avons entamé des pourparlers et organisé des réunions avec le ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat dans le cadre de ce chantier. Cela pourrait prendre du temps, à l’image du nouveau décret qui a pris plus de quatre ans pour être adopté», indique Mme Ennaciri.
En attendant, l’AMCOP prévoit de lancer, au cours de cette année, une fédération des professionnels de syndics de copropriété pour recenser les différents acteurs. Un premier pas vers une nécessaire structuration de la profession au Maroc.