GenZ212: à Inzegane et au-delà, les protestations basculent dans la violence

Une partie des dégâts enregistrés à Inzegane après les émeutes du mardi 30 octobre 2025.

Une partie des dégâts enregistrés à Inzegane après les émeutes du mardi 30 octobre 2025. Capture d'écran.

Après quatre jours de mobilisation pacifique, le mouvement GenZ212 a basculé dans la violence, notamment à Inzegane où des scènes d’émeutes ont éclaté mardi soir. Véhicules incendiés, saccages, une pharmacie incendiée, une agence bancaire vandalisée sont les marques d’une escalade inquiétante, ternissant les revendications initiales pour la justice sociale.

Le 01/10/2025 à 07h02

À peine quatre jours après leur déclenchement, les protestations menées sous la bannière de GenZ212 ont franchi un cap inquiétant, basculant dans la violence et le chaos. Le mardi 30 octobre au soir, la ville d’Inzegane, en périphérie d’Agadir, a été le théâtre d’une flambée d’actes criminels qui ont terni une journée de contestations jusque-là marquée par un calme relatif.

Lorsque la nuit est tombée sur la place centrale, l’atmosphère a brusquement changé. Ce qui avait commencé comme un rassemblement pacifique s’est transformé en scènes de désordre rappelant les heures les plus sombres d’émeutes urbaines. Des individus encagoulés, surgis de la foule, ont semé la panique: mobilier urbain arraché et incendié, agence bancaire saccagée, pharmacie dévastée, voitures privées et véhicules de service réduits en carcasses calcinées, barrières, bennes à ordures et abords d’un centre commercial incendiés. Les forces de l’ordre, déployées pour encadrer les manifestations, ont essuyé des jets de pierres nourris, affrontant une hostilité d’une intensité inédite.

Une partie des dégâts enregistrés à Inzegane après les émeutes du mardi 30 octobre 2025. Capture d'écran.

Ces actes de vandalisme, délibérés et organisés, tranchent radicalement avec les revendications sociales initiales qui avaient alimenté la mobilisation. Le «mouvement» GenZ212, né sur la plateforme Discord et se présentant comme un collectif citoyen prônant la non-violence, se retrouve ainsi éclaboussé par des débordements qui semblent l’avoir dépassé. Derrière les slogans et les appels au changement, des groupes animés par un esprit de vengeance et de destruction se sont emparés de l’espace public, brouillant les frontières entre protestation légitime et dérive anarchique.

Une partie des dégâts enregistrés à Inzegane après les émeutes du mardi 30 octobre 2025. Capture d'écran.

À l’heure où nous mettions en ligne, aucun bilan des dégâts enregistrés n’avait encore été établi, mais les images en disent long sur une escalade dangereuse et des protestations échappant à tout contrôle de la part des initiateurs.

Les mêmes scènes se sont répétées à Aït Amira, près d’Agadir, où des véhicules, notamment de la Gendarmerie royale, ont été endommagés. Des débordements ont également été enregistrés à Béni Mellal et Oujda, ville où, aux actes de violence se sont ajoutées des rumeurs voulant semer panique et colère. Dans la soirée du même mardi, des mensonges ont commencé à circuler sur les réseaux sociaux, affirmant qu’un manifestant aurait trouvé la mort après avoir été percuté par un véhicule des forces de l’ordre lors des protestations. Très vite, les autorités régionales ont réagi pour mettre fin à cette polémique et ont catégoriquement démenti tout décès lié à l’incident. La personne concernée a immédiatement été prise en charge et se trouve actuellement sous suivi médical, dans un état jugé stable. Son pronostic vital n’est pas engagé.

Une partie des dégâts enregistrés à Inzegane après les émeutes du mardi 30 octobre 2025. Capture d'écran.

Mardi soir, le collectif GenZ212 publiait un communiqué indigné regrettant ces graves dérapages, rappelant les motifs premiers des protestations. «La santé pour tous, une éducation digne de l’être humain et une vie décente pour tous les Marocains sans exception» et l’impératif respect par les manifestants de «trois principes clairs: pas de paroles injurieuses ni d’insultes, pas de désordre ni de destruction des biens publics ou privés et pas de recul sur la voie pacifique». Un appel qui semble ignoré par certains, motivés par leur seul instinct d’émeutiers.

Rappelons que le même mardi en fin d’après-midi, la majorité gouvernementale a tenu une réunion exceptionnelle consacrée à ces événements. L’exécutif a insisté sur son «écoute attentive» et sa détermination à privilégier le dialogue institutionnel et public pour répondre aux attentes sociales. Le gouvernement a salué la retenue des forces de l’ordre et réaffirmé que seule la concertation permet de traiter durablement les problématiques nationales. Le secteur de la santé a été identifié comme un terrain de convergence entre les revendications des jeunes et les chantiers déjà engagés: modernisation des infrastructures hospitalières, création de pôles territoriaux, renforcement des effectifs médicaux. Le gouvernement reconnaît toutefois que les résultats de ces réformes ne seront visibles qu’à moyen terme, et se dit ouvert aux initiatives parlementaires et aux propositions de la société civile.

Si le gouvernement s’est dit ouvert au dialogue, le frein majeur reste que le collectif GenZ212 n’est ni identifié ni identifiable et ne peut donc servir de vis-à-vis. L’absence d’un leadership comme le caractère spontané et non encadré de sa mobilisation rendent impossible tout dialogue ou toute médiation. «Nous continuerons à revendiquer nos droits légitimes jusqu’à la réalisation de la justice sociale à laquelle nous aspirons», écrit le groupe. Tout est de savoir comment et par quels mécanismes. En attendant, et vues les scènes de violence d’hier, l’adhésion de l’opinion publique au mouvement est quelque peu entamée. La majorité écrasante des Marocains, qui pouvaient comprendre les revendications sociales des manifestants, ne tolérera pas que des fauteurs de trouble mettent leurs quartiers à sac. La violence comme les artisans du trouble à l’ordre public ne passeront pas.

Par Tarik Qattab
Le 01/10/2025 à 07h02