Je reviens d’un voyage à Moulay Bousselham, petite station balnéaire coincée entre Rabat et Tanger où le temps semble suspendu. Coincée, ce mot veut dire quelque chose. Comme tant d’autres localités du royaume, Moulay Bousselham donne cette impression étrange d’être bloquée, à l’arrêt. Toutes ces petites cités attendent quelque chose, que quelqu’un peut-être se lève et, de sa main, essaie de faire tourner l’horloge du temps…
Moulay Bousselham a un énorme potentiel touristique et écologique, entre lagunes et réserves naturelles pour de nombreuses espèces d’oiseaux. C’est ce que disaient les dépliants touristiques du temps du protectorat, il y a un siècle et des poussières. Et c’est ce qu’on continue de dire aujourd’hui, sans rien voir venir.
Le lieu a longtemps existé en tant que moussem, avec un mausolée où les gens du Gharb et d’ailleurs viennent chercher la baraka. Plus tard, avec le protectorat, une petite station balnéaire s’est greffée sur le paysage, avec de jolies maisons coloniales, simples et accueillantes. Nous avons là un parfait mélange entre tradition et modernité, le passé et le présent, l’utile et l’agréable. Que de promesses. Mais tout cela est théorique.
Moulay Bousselham est donc un lieu de spiritualité et de villégiature. Estivants et pèlerins s’y mêlent. Il y a une belle promesse, encore une, de mixité sociale.
Enfants, on connaissait tous cet air, cette formule: «Moulay Bousselham ya rich n’am», en référence à la promesse des plumes d’autruche que l’on peut trouver dans le coin. Cette promesse est tenue puisque, dans le souk à l’entrée de la plage principale, vous allez forcément croiser, à un moment ou à un autre, un jeune homme poussant une autruche de ses deux mains, comme on pousse une voiture en panne…
Pittoresque, voilà le fin mot. Ce mix improbable entre le rural et l’urbain a, malgré tout, du charme. Mais, derrière le folklore et l’exotisme, on se pose des questions. La promesse écologique, qui fait partie des arguments de vente du site, vole en éclats quand on retrouve, pas loin de la réserve biologique appelée «Merja zerga» (baie ou lagune bleue), des «plages» entières d’ordures et de déchets ménagers. C’est triste à en pleurer. Spectacle ahurissant.
Renseignements pris, le problème, m’explique-t-on, est ancien. Cela fait plusieurs années que l’on attend une solution, un miracle, qui n’arrivent pas. Les déchets prolifèrent et menacent directement la biodiversité tant louée du site…
Cette petite cité, qui pourrait être un bijou combinant à merveille les plaisirs du «souk» et ceux de la plage, est si mal entretenue, malgré les efforts de quelques bonnes volontés. Elle ressemble à un enfant abandonné, perdu, bloqué au milieu de la route, qui attend que quelqu’un lui prenne la main…
La seule lueur d’espoir vient d’une petite corniche, une promenade, construite à la sortie de la ville, avec des lampadaires, des bancs et des magasins… vides. Alors, la promenade est fermée, tout est prêt, mais tout est vide, on attend une inauguration…
Quand on demande, on apprend que cela fait des mois, voire des années, que le projet attend d’être inauguré. Mais attendre quoi?