El Jadida: de retour sur les bancs, des femmes combattent l’analphabétisme

Dans une classe de lutte contre l'analphabétisme à El Jadida (S.Bouchrit/Le360).

Le 01/11/2025 à 15h46

VidéoÀ El Jadida, le programme d’alphabétisation et de post-alphabétisation reprend de plus belle cette année, rassemblant des femmes de milieux modestes décidées à apprendre à lire et à écrire. Portée par l’Agence nationale de lutte contre l’analphabétisme (ANLCA), l’initiative s’inscrit dans une dynamique nationale visant à éradiquer l’analphabétisme d’ici 2029, encore estimé à 24,8% aujourd’hui.

Dans une salle modeste mais vibrante d’énergie, des femmes — souvent mères de famille ou de milieux défavorisés— tracent leurs premières lettres sur des cahiers soigneusement alignés. Pour beaucoup, c’est une découverte; pour d’autres, le retour à un rêve longtemps différé.

«Le changement est immense», confie l’une des participantes, un sourire timide mais fier aux lèvres. «Aujourd’hui, on lit les panneaux, on aide nos enfants à faire leurs devoirs, on comprend mieux ce qui nous entoure.» Mère de deux enfants, elle dit avoir retrouvé confiance en elle grâce à ces cours: «J’ai beaucoup appris, surtout le Coran, et c’est ce qui comptait le plus pour moi.»

À ses côtés, une autre femme raconte son parcours: «Je n’ai jamais été à l’école. Je n’avais même jamais vu une salle de classe», confie-t-elle. Depuis qu’elle a rejoint le programme, sa vie a changé: «Cette année, c’est ma deuxième année, et je sens qu’il y a de l’espoir.» Elle montre fièrement les lettres qu’elle sait désormais tracer — son nom, ceux de ses enfants, les indications des arrêts de bus. «Aujourd’hui, je peux lire le Coran, reconnaître les panneaux dans la rue… c’est un grand pas pour moi», souffle-t-elle. Son rêve, désormais: apprendre un métier. «On voudrait suivre une formation en couture ou en broderie, par exemple, apprendre beaucoup de choses qui pourraient nous être utiles», ajoute-t-elle, pleine d’espoir.

Face à elles, Amina, l’encadrante, incarne patience et bienveillance. Dans sa classe, l’alphabet se déploie au milieu des sourires et des éclats de rire. «Ce sont des femmes qui n’ont pas eu la chance d’aller à l’école quand elles étaient jeunes», explique-t-elle. «Aujourd’hui, elles reviennent chercher ce qu’elles avaient dû laisser, avec une détermination incroyable.»

Le programme repose sur un apprentissage progressif, allant des bases de la lecture et de l’écriture aux premières notions de calcul. «Nous commençons par les lettres, puis nous apprenons à former des mots et à les lire», détaille Amina. «Ensuite, nous passons au calcul: addition, soustraction, et cette année, nous allons aborder la multiplication et la division», ajoute-t-elle.

Au-delà des salles de classe, cette initiative s’inscrit dans une ambition nationale. Présent lors du lancement officiel du programme à El Jadida, Houssine Barakat, délégué régional de l’ANLCA, souligne l’importance de cette mobilisation collective. «Cette action s’inscrit dans la dynamique nationale de lutte contre l’analphabétisme, portée par une mobilisation collective et continue», déclare-t-il. «Pour cela, nous collaborons avec plus de 43 associations dont celle de Chabab Lghad (à l’origine de cette classe de post-alphabétisation) en plus de plusieurs partenaires institutionnels», ajoute-t-il.

L’objectif, ambitieux mais clair, est de faire reculer le taux d’analphabétisme, aujourd’hui à 24,8%, d’ici 2029, avant de l’éradiquer totalement. «Le défi est grand, mais avec la détermination de tous, nous pouvons y parvenir, sous la conduite éclairée de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, pour un Maroc lecteur et éduqué», conclut Houssine Barakat.

Dans cette salle d’El Jadida, chaque mot prononcé, chaque lettre tracée est une victoire: une victoire sur le silence, sur le temps perdu, et sur l’idée que l’apprentissage a un âge. Ici, ces femmes redonnent un sens au mot «avenir» — un avenir qu’elles écrivent désormais de leurs propres mains.

Par Ryme Bousfiha et Said Bouchrit
Le 01/11/2025 à 15h46