Des émigrés clandestins rejoignent Daach

Revue de presseKiosque360. De nombreux Marocains issus de petites villes ont opté pour l’émigration clandestine pour trouver une issue à leur vie précaire. Certains rejoignent l’organisation terroriste de l’Etat islamique Daach.

Le 29/01/2015 à 06h45

Les réseaux guettant les jeunes Marocains voulant émigrer clandestinement dans des pays européens tels que l’Italie et l’Espagne en vue de les recruter pour combattre au sein de l’organisation de l’Etat islamique (Daach), pullulent sur le Web. Nombreux sont ceux qui ont succombé à la tentation et ont rejoint les zones de combats.

Al Massae, dans son édition du jeudi 29 janvier, rapporte les témoignages de familles de jeunes issues de la région de Kasba Tadla ayant réussi à émigrer en Europe et qui ont fini par rejoindre Daach. Et d’autres encore qui, au lieu d’y aller, ont pris la direction de la Syrie ou de l’Irak.

L’exemple le plus édifiant que cite le journal est celui d’un jeune (20 ans) qui vivait dans un quartier populaire de Kasba Tadla et qui a été enrôlé par les Daach. «Il nous appelle tous le samedis pour s’enquérir de nous, me suppliant d’arrêter de pleurer et de ne pas me soucier de son sort parce que, dit-il, il fait le jihad», confie la mère au journal.

Le père du jeune Daachien explique comment son fils s’était radicalisé. «Il travaillait en temps que veilleur de nuit. Il menait une vie paisible jusqu’au jour où il a assisté aux funérailles de son ami tué Syrie. Depuis, il s’est métamorphosé», raconte-t-il.

Par la suite, le jeune manifestait son désir d’aller en Syrie. Sa famille a opposé un veto formel. Ses amis ont également essayé de le dissuader d’entreprendre une aventure sans lendemain.

Quelle fût grande la surprise de la famille en apprenant qu’il était parti en Syrie en compagnie de 8 jeunes de la ville. «Il m’a informé qu’il allait chercher du travail dans une autre ville. Il a pris ses affaires et nous a salués avant de disparaître pour de bon. Une semaine après, il nous a appelés pour nous dire qu’il était en Syrie, nous demandant pardon. La police nous a auditionnés à son sujet», révèle le père avec beaucoup d’amertume.

L’internet, un moyen de «recrutement»

Al Massae raconte aussi une histoire non moins malheureuse. Celle d’un dénommé Abou Marwa qui vivait à 15 kilomètres de Kasba Tadla, dans la commune rurale Ouled Said L’Oued. Après un séjour à Casablanca où il a épousé une fille salafiste, il est retourné à son village. Il vendait des livres et était en bons termes avec tout le monde. Mais, lui aussi, a surpris son entourage et ses connaissances en partant combattre en Syrie. Là bas, il a acquis une grande notoriété grâce à ses discours enflammés diffusés sur YouTube où il apparaissait kalachnikov à la main. Abou Marwa est mort au combat en août 2013, laissant derrière lui, une femme et deux enfants dont l’aîné a 15 ans.

Après son décès, son frère Abdelmeksoud qui vivait en Italie, a tout abandonné pour rejoindre la Syrie, vraisemblablement affecté par la sort de son frère. «L’internet a joué un rôle important dans l’embrigadement d’Abou Marwa. Mais le plus grand problème est que depuis son décès, notre village est pointé du doigt par les habitants des régions avoisinantes, le surnommant Daach. Même les conducteurs des taxis font de même», regrette Mohamed Hansali, un acteur associatif interrogé par le journal. Et de rappeler les chiffres du ministère de l’Intérieur selon lesquels 254 jihadistes marocains ont trouvé la mort dans les zones de combat, dont 219 en Syrie et 35 en Irak. Le nombre des Marocains combattant des ces deux pays serait de 1203. 218 parmi eux avaient été condamnés pour terrorisme.

Les femmes ne sont pas en reste. Al Massae cite le cas d’une femme du village Ouled Said L’Oued ayant tout tenté pour obtenir un passeport pour rejoindre son mari en Syrie. Elle a pu obtenir le document après avoir enlevé le voile, et est partie rejoindre Daach.

Interrogé par le journal, le secrétaire général de l’Organisation marocaine des droits de l’homme, Khalid Abdellatif, estime que la région de Kasba Tadla est devenue un pourvoyeur de jeunes Marocains vers la Syrie.

«A mon avis, ce phénomène d’enrôlement des jeunes pour combattre aux côtés de Daach pose un grand point d’interrogation. Surtout que les jeunes de la région ont toujours, pour la plupart, caressé le rêve d’émigrer en Espagne ou en Italie», s’interroge ce droit-de-l’hommiste.

Par Abdelkader El-Aine
Le 29/01/2015 à 06h45