Ma nièce Sarah se marie vers la mi-mai du côté d’Antibes. Ce n’est pas une nouvelle d’importance planétaire, j’en conviens, mais pour la famille, ça compte. Pour son père, le mariage de sa fille unique est l’évènement d’une vie.
Il s’agit donc pour lui, habitant de Mohammedia, d’obtenir un visa pour se rendre en France afin d’assister à la noce.
Paisible retraité, ayant dirigé pendant des années une des grandes entreprises du pays, présentant toutes les garanties exigées par la République, ayant fait toutes ses études là-bas, ayant de surcroît trois enfants -Sarah et ses deux frères- qui ont la nationalité française, on pourrait penser que sa demande de visa et son obtention ne poseraient aucun problème.
C’est sans compter, hélas, avec les magouilleurs.
Lorsqu’il entre sur le site sur lequel il doit prendre rendez-vous pour déposer sa demande de visa, après avoir fait la course d’embûches, il voit s’afficher sur l’écran un calendrier qui présente cette caractéristique assez déconcertante: on ne peut «cliquer» sur aucune date.
C’est frustrant. C’est le supplice de Tantale. Les dates sont là, à portée de main, on peut les toucher sur l’écran, on peut les badigeonner à la chaux, on peut taper dessus à coups d’iguane congelé, on peut tout leur faire. Impavides, hautaines, elles se refusent.
Je ne connais pas l’explication de ce mystère. Il semblerait que des magouilleurs arrivent à truster toutes les dates -mais comment?- et à les revendre 2.000 dirhams pièce. On vend des dattes, se disent les magouilleurs, pourquoi pas des dates? C’est le progrès.
Ça me rappelle que dans une grande ville du Royaume, pour refaire la carte grise d’un véhicule, il fallait, jusqu’à une date récente, donner quatre cents dirhams à un fonctionnaire parfaitement identifié -«tu vois le gros type, là-bas? C’est le fameux A… C’est à lui qu’il faut glisser les billets». A. semblait intouchable puisqu’il paradait dans les bureaux, précédé de sa panse bien nourrie. Loin de se cacher, il semblait être fier de son statut quasi officiel de magouilleur.
La question que je me pose, naïf que je suis, est celle-ci: puisque tout le monde est au courant de ces trafics, pourquoi ne fait-on rien?
Si vous connaissez la réponse, veuillez avoir l’obligeance de me la donner ci-dessous. Et merci, comme dirait l’autre.
Mais faites-le avant la mi-mai, hein? Après, ce sera trop tard: ma nièce Sarah sera mariée et son père l’aura accordée à son fiancé via Teams ou Zoom -et sans avoir croqué les dragées ni bu les bulles.
Ce serait triste, non?