«Certificat de qualification au mariage»: une panacée pour la réduction des divorces ou une chimère?

Un futur marié signant le contrat de mariage. (Photo d’illustration)

Le 19/11/2024 à 18h54

VidéoAlors que les mises en garde se multiplient face à la montée des cas de divorce au Maroc, le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a récemment laissé entendre à la Chambre des conseillers que son ministère étudie certaines initiatives pour y remédier. Il a notamment évoqué la «préqualification» des futurs mariés à la vie conjugale. Mais de quoi s’agit-il exactement?

La déclaration du ministre de la Justice lors d’une séance de questions orales à la Chambre des conseillers, concernant ce qu’il a appelé le «certificat de qualification au mariage», n’est pas passée inaperçue. Cette initiative a suscité de nombreuses réactions parmi les citoyens, qui s’interrogent notamment sur les modalités de sa mise en œuvre et les critères retenus pour évaluer l’éligibilité et la capacité des futurs mariés.

Le360 a posé ces questions au ministère de la Justice, qui a précisé que cette initiative n’est, pour l’instant, qu’une idée dont l’efficacité devra encore être étudiée.

Une source officielle au ministère a fait savoir que cette idée est née des propositions de plusieurs organismes et institutions, à l’occasion des consultations sur l’amendement du Code de la famille.

Elle consiste, a-t-elle expliqué, à exiger des personnes sur le point de se marier de suivre des formations les préparant à cet engagement. Il s’agit, précise notre interlocuteur, de leur faire prendre conscience de leurs droits et devoirs légaux, de leur inculquer les compétences de communication nécessaires pour réussir la relation conjugale et prévenir les conflits susceptibles de la détériorer.

À la fin de la formation, les participants reçoivent un certificat les autorisant à conclure un contrat de mariage, note-t-il.

Bien qu’aucune décision n’ait encore été prise quant à l’entité chargée de cette mission, notre source a laissé entendre qu’elle pourrait éventuellement être confiée aux adouls, aux conseils locaux des oulémas, ou à une autre entité à désigner ultérieurement.

En réponse à une question orale à la Chambre des conseillers concernant les mesures prévues par le ministère pour faire face aux taux élevés de divorce, le ministre de la Justice a tenu à minimiser la gravité des chiffres circulant à ce sujet.

250 cas de divorce par jour

Révélant qu’environ 250 cas de divorce sont enregistrés quotidiennement au niveau national, Abdellatif Ouahbi a estimé que ce chiffre ne constitue pas une véritable crise, surtout que le taux de mariage atteint 240.000 cas par an, ce qui, selon lui, reflète une amélioration des conditions économiques et sociales des Marocains.

Toutefois, il a souligné l’importance de renforcer les dispositifs de réconciliation et de simplifier les procédures de divorce, notamment en organisant des audiences à huis clos afin de protéger la vie privée des époux.

Par ailleurs, cette idée de préqualification des futurs mariés à la vie conjugale s’inspire des expériences réussies dans plusieurs pays, notamment en Malaisie, où l’ancien Premier ministre Mahathir Mohamad a lancé un programme ayant permis de réduire le taux de divorce de 32% à 7%. Des programmes similaires sont aujourd’hui proposés en Australie et en Europe et sont supervisés par des institutions spécialisées, comprenant des experts en charia, en psychologie et en sociologie.

En outre, divers types de programmes d’éducation au mariage existent: l’éducation matrimoniale destinée aux célibataires, l’éducation prénuptiale pour les personnes envisageant le mariage, le renforcement du mariage pour améliorer les compétences des couples déjà mariés, et la prévention du divorce, proposée aux couples en difficulté.

Entre optimisme et scepticisme

L’avenir du «certificat de qualification au mariage» dépend des prochaines discussions législatives concernant l’amendement du Code de la famille, mais aussi de sa perception par les citoyens, partagés entre deux attitudes divergentes à ce sujet.

Les partisans de cette idée estiment que la préqualification au mariage peut contribuer à réduire la désintégration familiale en sensibilisant les conjoints à leurs responsabilités et en leur fournissant les compétences nécessaires pour surmonter les défis quotidiens. Les sceptiques, quant à eux, s’interrogent sur la faisabilité de cette initiative, surtout si elle prend la forme d’une simple formalité qui ne s’attaque pas aux causes profondes des problèmes familiaux.

Par Miloud Shelh
Le 19/11/2024 à 18h54