Casablanca: plongée dans l’enfer du souk Al Massira, entre trafics, vol et loi du plus fort

Le souk al Massira à Casablanca.

Le souk al Massira à Casablanca.

Revue de presseLe marché informel d’Al Massira, à Casablanca, est un lieu où règnent le désordre, le vol et la violence. Commerçants et clients y évoluent dans la peur, imposée par des bandes de délinquants. Cet article est une revue de presse tirée du quotidien Assabah.

Le 26/06/2025 à 22h47

Dans le chaos du marché informel d’Al Massira, à Casablanca, tout semble à vendre: des objets les plus insignifiants aux biens de valeur, en passant par des produits volés, voire interdits. Sur fond d’anarchie urbaine, le lieu s’est transformé en un véritable repaire pour voleurs et délinquants, qui imposent leur propre loi au nez et à la barbe des autorités, contraintes à des interventions répétées pour rétablir l’ordre, indique le quotidien Assabah dans son édition du vendredi 27 juin.

Les récupérateurs de déchets, surnommés localement bouâara, règnent en maîtres sur ce marché désorganisé. Ils y vendent un bric-à-brac souvent improbable, allant jusqu’à proposer des médicaments périmés ou ramassés intacts dans les poubelles: sirops, antidouleurs, voire antibiotiques. Le plus étonnant reste qu’ils trouvent preneur, parfois par simple compassion pour la précarité visible des vendeurs, lit-on.

Mais cette compassion peut rapidement tourner à l’agacement, voire à la peur, lorsque ces mêmes récupérateurs deviennent agressifs avec les clients, pour des motifs souvent futiles. Une affaire fait particulièrement parler dans le quartier: celle d’un vendeur qui aurait investi une maison incendiée, désertée par son propriétaire, pour en faire une sorte de galerie commerciale de fortune, exposant des objets déconcertants et bon marché.

Flâner à Al Massira n’est pas sans risque. Le marché est devenu le terrain de jeu favori des pickpockets, qui opèrent seuls ou en bandes organisées. Dans les cas les plus élaborés, des complices distraient la victime pendant que d’autres s’emparent de son téléphone ou de son portefeuille, avant de disparaître sans laisser de trace, alerte Assabah.

Autre phénomène préoccupant, l’implication croissante de mineurs dans ces réseaux de vol. En cas d’arrestation ou d’intervention d’un passant, ces jeunes n’hésitent pas à se montrer violents, refusant toute forme d’autorité. Face à cette montée en puissance, les services de police organisent régulièrement des descentes pour neutraliser les auteurs.

À Al Massira, il n’est pas rare que les victimes de vol retrouvent leurs biens, exposés en toute impunité sur les étals du marché. Certains préfèrent racheter leur téléphone ou leur sac volé à bas prix, plutôt que de passer par la police. Comme ce jeune homme qui, après s’être fait agresser sous la menace d’une arme blanche, a retrouvé sa sacoche... qu’il a pu récupérer pour 20 dirhams seulement, face à un vendeur conciliant, mais visiblement complice.

Les soupçons se portent souvent sur les bouâara, accusés de revendre les objets dérobés à certains commerçants. Un cas emblématique illustre cette mécanique. Deux portières de taxi volées ont été retrouvées sur une charrette, dissimulées sous des déchets. Le stratagème a été déjoué par la police.

Au-delà du vol, la violence s’est institutionnalisée. Des individus imposent des «droits de passage» ou des «taxes» aux marchands les plus modestes, sous peine d’intimidation. Même les conducteurs de triporteurs, qui assurent le transport entre le marché et les quartiers périphériques comme Al Fadl ou Lahraouiyine, doivent verser un «droit de stationnement» informel à un malfrat local. Le tarif? Cinq dirhams par passage. Ceux qui refusent s’exposent à des représailles physiques ou à l’expulsion du site.

Par Walid Ayadi
Le 26/06/2025 à 22h47