Un matin à Rabat, les habitants d’un quartier populaire ont découvert un carton posé près d’un arrêt de bus. À l’intérieur, trois chiots grelottants, abandonnés au milieu de la nuit. «On ne savait pas quoi faire… alors on leur a donné du lait, en attendant qu’une association passe», raconte Aïcha, une riveraine émue. Comme tant d’autres, elle a déjà vu défiler les chiens faméliques et les chats blessés, errant sans espoir.
Demain, peut-être, ces animaux ne seront plus condamnés à disparaître dans l’indifférence. Une réforme en cours entend organiser leur prise en charge avec deux types de structures, à savoir des centres publics, pilotés par les communes, et des centres privés, agréés et contrôlés.
L’objectif est on ne peut plus clair: ne plus laisser les animaux errants livrés à eux-mêmes. Désormais, ils seront recensés, transportés par des moyens adaptés, nourris, soignés, vaccinés, stérilisés et identifiés par puce électronique. Une manière de mieux les protéger, mais aussi de garantir la santé et la sécurité des citoyens, nous expliquent les initiateurs du projet de loi 19.25, actuellement en cours d’adoption.
Un cadre précis pour les centres publics
Les nouveaux centres de soins, établis au niveau des bureaux communaux de santé, devront assurer des conditions de vie adaptées aux animaux recueillis. Ils auront pour missions de recenser et rassembler les animaux errants, de les transporter par des moyens appropriés, de les enregistrer et d’évaluer leur état de santé comme leur comportement. Ils accueilleront également les animaux dont les propriétaires souhaitent se défaire.
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Une fois admis, les pensionnaires seront nourris, soignés, vaccinés et protégés des épidémies. Pour limiter leur reproduction, notamment celle des chats et des chiens, le recours à la castration sera systématisé. La loi prévoit aussi des situations extrêmes. Lorsque la souffrance sera irréversible, quand un animal sera atteint d’une maladie incurable ou représentera un danger, ces centres pourront pratiquer l’euthanasie.
Ces structures ne se limiteront pas à l’hébergement temporaire. Elles devront relâcher les animaux dans leur milieu naturel lorsque cela sera possible, ou les confier à des adoptants, associations ou particuliers, gratuitement ou contre compensation. Elles auront également pour rôle de sensibiliser la population au bien-être animal et aux risques de maladies transmissibles à l’homme.
Un texte réglementaire viendra préciser les critères de création de ces centres par les communes, ainsi que les règles d’hygiène et de sécurité applicables.
Supervision vétérinaire et partenariats associatifs
Selon le projet de loi, chaque centre public fonctionnera sous la supervision d’un vétérinaire communal. En cas de non-disponibilité, un vétérinaire privé, désigné par le président du conseil communal et lié par contrat, aura à assumer cette tâche.
Les communes pourront par ailleurs conclure des conventions avec des associations de la société civile pour exercer certaines missions. Ces associations devront remplir des conditions strictes: être en situation juridique régulière, avoir pour objectif la protection des animaux errants et disposer de ressources suffisantes. Les accords préciseront la durée de la mission, les modalités de prestation, les délais à respecter, les mécanismes de suivi ainsi que les cas de résiliation ou de suspension.
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Cette réforme prévoit aussi la création de centres par des personnes morales de droit privé. Ces structures ne verront le jour qu’avec une autorisation délivrée par la commune où elles s’implantent. Le cahier des charges fixera des normes techniques adaptées à leur capacité d’accueil, des obligations en matière d’équipements, des règles d’hygiène, de sécurité et de prévention des risques, ainsi que les qualifications requises du personnel.
Les autorisations, délivrées pour une durée de cinq ans et renouvelables, ne seront accordées qu’aux structures légalement constituées et affichant la protection animale comme objectif central. Les centres devront informer les communes de tout changement affectant leurs conditions de fonctionnement dans un délai maximum de trente jours.
Comme pour les établissements publics, un vétérinaire privé, lié par contrat, supervisera les missions exercées.
Contrôles, sanctions et fermeture
Pour garantir le sérieux du dispositif, une commission de contrôle visitera chaque centre au moins une fois par an. Son rapport sera transmis à l’autorité administrative compétente et au conseil communal concerné.
En cas d’infraction aux conditions légales ou au cahier des charges, une mise en demeure sera adressée au centre, avec obligation de corriger les manquements dans un délai fixé. Si aucune mesure corrective n’est prise, l’autorisation pourra être retirée. Les animaux seront alors transférés vers d’autres centres, situés dans la même commune ou dans une autre.
Enfin, lorsqu’un centre souhaite volontairement cesser ses activités, il devra en informer la commune au moins quatre mois avant la fermeture, afin d’organiser le transfert des animaux.
En attendant que cette réforme voie pleinement le jour, les habitants continuent d’improviser des gestes de solidarité, comme Aïcha et ses voisins ce matin-là. Mais si le projet de loi 19.25 est appliqué avec rigueur, demain, ce carton abandonné au bord d’un trottoir ne sera plus le seul horizon de ces chiots. Ils auront une chance d’être recueillis, soignés, adoptés. Une chance, surtout, de ne plus être invisibles.








