La démocratie est comme l’eau, cet élément vital dont personne ne peut se passer. Mais quand l’eau n’est pas canalisée, elle fuit, elle court, elle court, comme la maladie d’amour… Alors au secours, appelez le plombier le plus proche, les flots de démocratie risquent de tout emporter!
Voilà à quoi j’ai pensé en mettant les pieds à Paris par temps de crise. Les démocrates sont en fureur. Tout le monde croise le fer avec tout le monde. La tension est partout.
Le gouvernement élu veut que le peuple bosse deux années de plus, avec (si j’ai bien compris, parce qu’il est parfois dur de comprendre) une retraite qui passe de 62 à 64 ans. Bon, si vous demandez même à un employé modèle de faire une rallonge de deux heures, il fera la grimace, et vous maudira peut-être en secret, alors deux ans… Et on ne parle pas du gars «au bord de la retraite», qui n’en a plus que pour une semaine ou un jour: deux ans, cela fait beaucoup, et c’est la crise de nerfs assurée…
Mais dans un monde où l’espérance de vie s’allonge, où l’on doit se montrer solidaire, et donc travailler et cotiser plus longtemps, la solution finira bien par ressembler à la formule: «Il faut ce qu’il faut».
Cela dit, et pour revenir à nos amis français, je n’ai pas d’avis sur la question, je viens d’une société où l’on voit les choses différemment: on ne parle pas de retraite, mais de vieillesse, et quand vous êtes tout petit on vous dit déjà : «Alors toi, quand tu seras vieux, tu te tourneras vers la prière, vers Dieu».
Chez moi, on ne parle pas trop des «points» de la retraite, mais de ceux qui vous rapprochent du paradis. Ce sont les «hassanates» (bonnes actions) derrière lesquelles on doit courir, surtout au-delà de la barrière de 40-50 ans. La perspective n’est pas la même.
Voilà, je suis décalé. Je me retrouve dans un beau quartier qui croule littéralement sous les immondices. Il faut zigzaguer entre les sacs-poubelle, on circule le nez bouché. Je saute quelques pâtés de maisons et me retrouve dans un quartier populaire, mais propre, sans «zbel». Comment expliquer, passez-moi le terme, cette hérésie? J’ai demandé et on m’a répondu : «Le quartier 1 dépend de la mairie pour le ramassage des déchets, et comme les employés sont en grève… Quant au quartier 2, c’est le privé qui fait le ramassage. C’est clair?».
Non mon ami, ce n’est pas clair, pas pour moi, je viens du Maroc…
Je ne vais pas vous parler des rats, qui sont une conséquence lointaine (ou directe, cela dépend des quartiers) de ces débordements de démocratie. Au bistrot, un employé filtre les entrées. Pourquoi? «Parce que les employés en grève peuvent venir et tout saccager». Ah bon ?
Les manif’ sont légion et certaines ressemblent à une mêlée de rugby. Il y a toujours un épicentre, les pancartes et les fumigènes s’envolent comme le ballon ovale, avec des trajectoires bizarres.
Jusqu’où tout cela s’arrêtera-t-il?
J’ai suivi l’une de ces mêlées, de place en place, j’ai marché et marché. Avant de me réfugier au bistrot le plus proche, pour continuer de suivre le «spectacle» de loin. Au nom de la démocratie, ici débordante et fuyante, je commande un bon plat et choisis la position du spectateur qui joue la neutralité, comme face à un choc Wydad-Raja, le genre de match à hauts risques, où il vaut mieux se tenir à l’écart.
Bon courage à tous et, comme on dit, que le meilleur gagne!