Affaire Mchiouer: ce que la défense entreprend pour rapatrier le corps, et pourquoi le pouvoir algérien maintient l’omerta

Les Marocains Bilal Kissi, au premier plan, et Abdelali Mchiouer, tués le 29 août 2023 par la marine algérienne.

Le 01/11/2023 à 14h00

VidéoPlusieurs courriers et demandes formelles adressés à l’ambassade d’Algérie en France et à différents ministères algériens… La défense de la famille d’Abdelali Mchiouer, vacancier marocain tué par la marine algérienne l’été dernier, frappe à toutes les portes pour récupérer son corps, pris en otage en Algérie. Mais le bien-fondé de leurs démarches est étouffé par la sourde indifférence du pouvoir algérien, le dossier étant désormais l’apanage de l’armée du voisin.

La douleur de la perte d’Abdelali Mchiouer est encore dans tous les cœurs. Chaque tentative pour rapatrier son corps se heurte à un refus. Face à l’absence de réponses et au silence oppressant de l’administration algérienne, chaque jour devient un rappel cruel de l’impuissance de sa famille face à un régime intraitable. «Loin de se résigner, la défense redouble d’efforts pour obtenir justice», rassure Hakim Chergui, l’un des avocats de la famille.

De courriers en demandes formelles, de l’ambassade d’Algérie en France aux ministères algériens… toutes les portes sont sollicitées. Mais l’écho de leurs démarches est réprimé par l’intransigeance d’un régime sourd à la souffrance humaine.

«En dépit des nombreuses initiatives entreprises depuis le décès d’Abdelali Mchiouer, la famille demeure sans réponse. Malheureusement, aucune évolution positive n’a été constatée dans cette affaire. Ma démarche pour être reçu par l’ambassadeur algérien ici (en France, NDLR) n’a malheureusement pas abouti», explique l’avocat. La question est: pourquoi l’Algérie ne restitue-t-elle pas le corps d’Abdelali Mchiouer? Pour Me Chergui, tout semble indiquer que l’affaire est gérée sous la tutelle de l’armée algérienne, habituée à la loi du silence. Cette hypothèse suggère un clivage entre le pouvoir militaire et le pouvoir politique en Algérie, cette affaire relevant du statu quo de l’armée.

«Une explication plausible serait que le dossier est géré sous la tutelle de l’armée. Comme c’est le cas pour la plupart des armées dans le monde, elle semble préférer maintenir ce que l’on appelle l’omerta, c’est-à-dire la loi du silence», fait-il observer, estimant que «le pouvoir politique algérien n’ose pas s’immiscer dans cette affaire perçue comme relevant exclusivement de la compétence de l’armée. Ce dossier pâtit de cette dichotomie entre pouvoirs militaires et politiques en Algérie et met, peut-être, en lumière la prééminence du pouvoir militaire sur les autres institutions nationales».

«C’est l’intervention de l’armée qui phagocyte l’ensemble du dossier»

Si des rapatriements de corps entre l’Algérie et le Maroc se sont déjà produits par le passé, l’affaire Mchiouer est unique en raison de l’intervention de l’armée. Cette particularité semble être la clé de la complexité du dossier. «Nous ne sommes pas dans le juridique, nous sommes dans l’extra-juridique (...) À mon avis, c’est l’intervention de l’armée qui phagocyte l’ensemble du dossier», insiste l’avocat. Une stratégie judiciaire internationale reste donc envisageable, bien que confidentielle à ce stade.

Alors que la famille Mchiouer tente de naviguer dans l’obscurité du deuil, un cri résonne fort et clair: «rendez-nous notre fils». Face à l’intransigeance et à l’indifférence, celle-ci s’accroche à l’espoir d’une justice qui pourrait un jour triompher du silence oppressant. Seul le temps, et peut-être la persévérance, dira si ce cri du cœur trouvera un écho.

Par Hajar Kharroubi et Youssef El Harrak
Le 01/11/2023 à 14h00