Beaucoup d’encre a coulé depuis la grâce accordée par Sa Majesté Mohamed VI à l’occasion du 25ème anniversaire de son accession au Trône. Cette encre a porté surtout sur la libération de certains journalistes, dont Taoufik Bouachrine, Souleimane Raissouni et Omar Radi.
Certains confondant «grâce» et «amnistie», d’autres regrettant cette grâce au motif qu’elle porterait atteinte aux droits des victimes.
Il y a tout d’abord lieu, pour mettre un terme à la confusion, de revenir sur la définition du mot «grâce» et de celui d’«amnistie» en droit marocain. La grâce est l’acte par lequel le Roi dispense un condamné de l’exécution de tout ou partie de sa peine. Elle peut concerner un individu ou être collective (visant une catégorie de détenus, ce qui a été le cas, entre autres, pour les trois journalistes).
L’amnistie, elle, est un acte législatif relevant de la compétence du Parlement. Elle est décrétée par une loi qui supprime le caractère d’infraction à certains faits et cette loi n’est pas individuelle, mais générale et impersonnelle.
Il n’a jamais été question d’amnistie pour les personnes concernées, surtout au vu de la gravité des faits pour lesquels la justice a rendu un verdict devenu définitif. Il n’a pas davantage été question de leur pardonner.
Toutefois, la justice étant passée et ayant joué son rôle, nous ne pouvons les condamner une nouvelle fois en les mettant au ban de la société. Nous ne sommes plus au Moyen Âge. L’intérêt des victimes aujourd’hui est qu’elles soient dédommagées de leurs préjudices, aussi graves et profonds soient-il.
Bien qu’il n’y ait pas de contrainte par corps en matière civile, contrairement aux déclarations de certains avocats sur le sujet, la contrainte par corps étant réservée aux seules créances du Trésor public, le Code de procédure civile prévoit des modes d’exécution des décisions portant sur les condamnations pécuniaires. À cet effet, bien que ces journalistes soient graciés du reste de leur peine d’emprisonnement à exécuter, ils ne pourront échapper aux condamnations civiles portant sur les préjudices des victimes.
Les défenseurs des victimes ne peuvent continuer à jeter la pierre comme un rituel de lapidation. Leur devoir et leur obligation sont d’aider ces dernières à se reconstruire et à aller de l’avant.