Le projet royal de généralisation de la protection sociale aura été l’un des chantiers qui ont le plus marqué l’évolution du Maroc. «La généralisation de la protection sociale, initiée par Sa Majesté le roi Mohammed VI, s’impose comme une réforme sociétale d’une portée exceptionnelle. Cette initiative constitue un pilier fondamental de l’État social et un levier important pour l’amélioration du fonctionnement de l’État providence», affirme, dans une déclaration pour Le360, Hamza Saoudi, économiste senior au Policy Center for the New South (PCNS), spécialiste, entre autres, des questions liées aux inégalités et à la pauvreté dans les pays en développement.
«Une des forces de cette réforme réside dans la prise de conscience collective et l’engagement des hautes autorités publiques, visant à étendre la protection sociale à l’ensemble des citoyens, et ainsi promouvoir une inclusion socio-économique accrue», souligne-t-il.
Lire aussi : Le roi Mohammed VI: l’aide sociale directe activée fin 2023 et élargie à d’autres couches sociales
Ce projet est l’aboutissement d’une approche globale que le Souverain a initiée depuis le début de son règne et qui vise l’édification d’une société plus égalitaire, et qui a donné lieu au lancement de plusieurs programmes sociaux.
Il s’agit notamment de l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH), le Régime d’assistance médicale (Ramed), le Programme de réduction des disparités territoriales et sociales, les programmes d’appui à la scolarisation des enfants, notamment le programme «Tayssir», et le programme d’aides directes aux femmes veuves en situation de précarité.
Ces différentes initiatives ont permis de réduire les taux de pauvreté, de vulnérabilité et d’abandon scolaire, et d’ouvrir l’accès d’une large frange de citoyens aux services de base. En effet, au cours des 25 dernières années, le niveau de vie moyen des Marocains a plus que doublé et le taux de pauvreté a chuté, passant de près de 15% au début des années 2000 à environ 1,7% en 2020, relève notre interlocuteur.
Les quatre piliers de la réforme
Le projet de généralisation de la protection sociale est venu consolider ces acquis afin de réduire les risques économiques et sociaux, surtout pour les catégories les plus vulnérables. Il repose sur quatre piliers définis par le Souverain dans son discours à l’occasion de l’ouverture de la session législative du 9 octobre 2020, et consignés dans une loi-cadre relative à la protection sociale (n° 09-21), promulguée le 23 mars 2021.
Le premier est l’élargissement de la couverture médicale obligatoire à fin 2022, pour que 22 millions de bénéficiaires supplémentaires puissent accéder à l’assurance maladie obligatoire (AMO) couvrant les frais des soins, des médicaments et d’hospitalisation. Le deuxième est la généralisation des allocations familiales dont bénéficieront près de sept millions d’enfants en âge de scolarisation, au cours des années 2023 et 2024.
Le troisième pilier de ce projet est l’élargissement, au cours de l’année 2025, de l’affiliation aux régimes de retraite, à travers l’intégration d’environ 5 millions de personnes actives qui ne disposent actuellement d’aucune couverture liée à la retraite. Enfin, le quatrième est la généralisation, dès 2025, de l’indemnité pour perte d’emploi au bénéfice des personnes ayant un emploi stable.
Lire aussi : Etat social: comment le roi Mohammed VI consolide le nouveau projet de règne
La décision de consacrer une loi-cadre à cette réforme vise à en garantir une application optimale et une mise en œuvre saine et à assurer sa continuité et sa pérennité. Pour ce faire, les engagements des pouvoirs publics consistent à assurer la coordination des interventions de toutes les parties prenantes concernées par la généralisation de la protection sociale, en tant que priorité nationale, de veiller au développement des aspects liés à la gestion et à la gouvernance des organismes de sécurité sociale.
Il s’agit aussi de garantir la convergence des régimes de protection sociale et de prendre toutes les mesures d’ordre législatif, réglementaire, institutionnel et financier qui permettraient la mise en œuvre de la généralisation de cette protection. Et ce, en tenant compte du principe de l’équilibre financier de ces régimes, qui impose de garantir l’équilibre structurel entre les ressources et les cotisations d’une part, et les dépenses et les prestations rendues d’autre part.
Les principaux défis à relever
En fait, insiste Hamza Saoudi, «la mise en œuvre d’un système de protection sociale universel et durable au Maroc nécessite une approche globale et coordonnée, équilibrant l’expansion de la couverture, l’amélioration de la qualité des prestations et la viabilité financière».
Trois principaux défis doivent être relevés, souligne-t-il. Le premier est la qualité des prestations qui doit être d’un bon niveau pour répondre aux besoins des bénéficiaires. Le deuxième est l’accessibilité et l’équité des soins de santé, afin de satisfaire la demande croissante en matière de soins, tout en garantissant un accès équitable aux services dans les zones urbaines et rurales. Le troisième est la durabilité financière pour optimiser l’allocation des ressources, élargir les bases de contribution et diriger des impôts ciblés vers les soins de santé.
De plus, ajoute le spécialiste, «pour assurer le succès de cette réforme ambitieuse, il est crucial de renforcer la confiance du public par une communication efficace, en garantissant la qualité des services, et en mettant en avant les avantages et les progrès réalisés». Le gouvernement doit également, poursuit-il, «élaborer une stratégie complète pour formaliser l’économie informelle, intégrant efficacement les travailleurs indépendants, dont l’effectif est estimé à près de 3,9 millions de personnes».
Lire aussi : La solidarité post-séisme et la protection sociale élargie au cœur du discours royal à l’ouverture du Parlement
En outre, pour éviter une augmentation de l’endettement, notre interlocuteur prône une approche intégrée qui doit équilibrer les besoins de couverture à court terme avec les impératifs de durabilité à long terme. Il note aussi qu’il est essentiel de bien comprendre le problème de l’évasion et de non-conformité d’une partie des entreprises du secteur privé en matière de couverture de leurs salariés par les systèmes de protection sociale.
«Ces mesures sont déterminantes pour la réussite de l’intégration des nouveaux travailleurs indépendants au système et pour atteindre l’objectif ambitieux d’étendre la protection sociale à tous les citoyens d’ici 2025», conclut-il.
Des résultats probants
Le chantier, qui suit son cours, a déjà donné lieu à des réalisations probantes. Ainsi, depuis le 1er décembre 2022, l’AMO de base a été généralisée. Les bénéficiaires du régime Ramed, soit 4 millions de familles, ou plus de 10 millions de citoyens, ont été basculés vers le système AMO, avec un budget de 9,5 milliards de dirhams (MMDH) par an, supporté par l’État.
De plus, selon un bilan présenté par le gouvernement en avril dernier, 2,4 millions de professionnels non salariés ont été inscrits, ouvrant la voie à 6 millions de bénéficiaires et ayant droit pour accéder à l’AMO de base. De même, un système supplémentaire «AMO Achamil», destiné aux personnes capables de s’acquitter des cotisations et qui n’exercent aucune activité rémunérée ou non, a également été mis en place.
Il y a lieu enfin de noter que tous les textes juridiques et réglementaires encadrant ce chantier ont été préparés et promulgués. Le coût de la mise en œuvre de ce chantier national est estimé à 25 MMDH pour l’année 2024, à 29 MMDH pour l’année 2025 et à 29 MMDH à l’horizon 2026.