On nous aurait donc menti sur l’universalité des droits de l’Homme, sur l’esprit des Lumières occidental, sur les fondements de la démocratie et leur cœur battant que sont la liberté de manifestation et d’expression?
Jugeons par nous-mêmes!
«L’universalité, explique un rapport de l’ONU dédié à la question, signifie que tous les êtres humains jouissent des mêmes droits fondamentaux du seul fait de leur humanité, où qu’ils vivent et qui qu’ils soient, indépendamment de leur statut ou de toute caractéristique particulière.»
A voir la catastrophe humanitaire infligée à Gaza et le blanc-seing délivré à Israël, qu’on nous permette d’en douter!
Depuis l’offensive sanglante du Hamas qui a fait plus de 1.300 victimes israéliennes, c’est toute la population de Gaza qui endure un châtiment collectif et une vengeance aveugle.
Le bilan ne cesse de grimper mais, aux dernières nouvelles, l’armée israélienne a tué plus de 3.500 civils dont un tiers d’enfants, autant de femmes, des employés de l’ONU, des médecins, des secouristes, des otages…
Les infrastructures civiles ne sont pas en reste entre hôpitaux visés, ambulances, boulangeries, écoles, mosquées, églises telle la grecque-orthodoxe Saint-Porphyrios, fondée en 1160 et dont une partie de la structure s’est effondrée sur la tête des réfugiés musulmans et chrétiens…
Quand on connaît en plus la tragique réalité de la bande de Gaza même par «temps ordinaires»!!!
Une prison à ciel ouvert qui a la forme d’une étroite bande côtière, coincée d’un côté par la mer sous contrôle israélien (ainsi que l’espace aérien); de l’autre, encerclée entièrement par une clôture en béton.
Dans ce territoire le plus densément peuplé au monde sont enfermées 2,3 millions de personnes dont près de la moitié sont des enfants et les trois quarts formés de réfugiés ou de descendants de réfugiés chassés de leurs terres ancestrales, après la Nakba de 1948.
Ce sont ces mêmes populations piégées dans cette enclave qui se retrouvent la cible de bombardements massifs israéliens et d’un blocus total, alors que l’économie était déjà exsangue sous le poids de l’embargo imposé après la prise de contrôle par le Hamas en 1907, ainsi que sous le poids de la dépendance de l’aide humanitaire et du bon vouloir du geôlier israélien qui décide, à sa guise, d’ouvrir ou de fermer les portes de sa survie avec le monde extérieur.
Comment un Etat, qualifié de «plus démocratique de la région», peut-il exercer impunément cette barbarie inacceptable sur le plan moral, bombardant sans répit et privant des populations entières de l’approvisionnement en produits de première nécessité au mépris du Droit international et des Conventions de Genève?
Comment les démocraties occidentales peuvent-elles non seulement laisser faire mais, en plus, l’assurer de leur «soutien inconditionnel» sous prétexte d’une «riposte» au Hamas, alors que ce sont essentiellement les populations civiles qui en souffrent dans leur chair; tandis qu’en Cisjordanie -autre «bantoustan» étouffé sous le poids des colonies illégales, soumis aux restrictions de circulation avec leur lot quotidien d’humiliations- ce ne sont pas moins de 77 civils qui ont été tués depuis le 7 octobre alors qu’elle est placée sous la juridiction de l’autorité palestinienne et non celle du Hamas?!
Témoin comme nous tous d’un monde qui se délite, je refuse de me laisser enfermer dans une vision binaire opposant un bloc contre un autre, les deux ayant leur lot d’égoïstes, de pleutres, de justes, de braves…
Dans ce capharnaüm, plusieurs voix tentent en effet de se faire entendre, tels ces intellectuels du Collectif juif décolonial qui luttent «pour la fin de l’apartheid et de l’occupation en Israël-Palestine».
La journaliste israélienne Amira Haas, vivant en Cisjordanie et connue pour ses colonnes dans le quotidien Ha’aretz, se demande pour sa part: «Comment le monde peut-il rester les bras croisés et assister au massacre israélien à Gaza?»; tandis que l’historien israélien Raz Segal affirme: «Ce à quoi nous assistons actuellement à Gaza est un cas d’école de génocide».
Nous avons bien vu aussi des manifestations à Athènes, à Berlin, à Londres, à Barcelone, à Montréal, au Capitole où des manifestants, dont des rabbins, ont pris d’assaut le bâtiment qui sert de siège au Congrès, exigeant un cessez-le-feu à Gaza et marquant par la même occasion un fossé entre les élites gouvernementales et les citoyens ordinaires.
Exceptions notables au niveau européen avec la ministre espagnole Ionne Belarra, secrétaire générale de Podemos, qui a déclaré: «Nous avons besoin de sanctions économiques exemplaires contre Netanyahu et tous les responsables du génocide du peuple palestinien dans la bande de Gaza.»
Pour moins que ça, dans «la patrie historique des droits de l’Homme», des personnalités ont été jetées en pâture au milieu d’une sorte de maccarthysme terrifiant qui s’abat sur quiconque ose rappeler les crimes d’Israël, refuse de se soumettre aux diktats ou montre ne serait-ce qu’une compassion humaine pour les populations martyrisées.
En plein plateau télévisé, le chanteur Enrico Macias appelle, tout de go, à «dégommer physiquement» les Insoumis.
Pour avoir publié sur les réseaux sociaux: «Toutes nos prières pour les habitants de Gaza, victimes une fois de plus de ces bombardements injustes qui n’épargnent ni femmes ni enfants», le footballeur français Karim Benzema est lynché médiatiquement par plusieurs personnalités publiques, accusé sans preuves par le ministre de l’Intérieur de liens avec les Frères musulmans, pendant qu’une sénatrice propose que ce natif de Lyon soit déchu de sa nationalité française et que lui soit retiré le Ballon d’or.
Si ce n’était pas tragique, ça tournerait guignol!
Ajoutons-y l’interdiction des manifestations pro-Palestine, poussant la criminalisation du soutien à cette cause jusqu’à verbaliser les citoyens pour port de Keffieh!
A ce propos, dans l’enceinte du parlement européen cette fois, un député espagnol vient de se voir interdire de porter cette fameuse écharpe lors d’un débat sur Gaza.
C’est dire où va se nicher la censure et comment s’affichent les complicités au grand jour!
75 ans après la déclaration universelle des droits de l’Homme, que reste-t-il des incantations si ce n’est la fin d’un mythe avec un goût d’amertume.