Après une trêve estivale particulièrement courte, la rentrée judiciaire s’annonce brûlante dans les tribunaux du Royaume. À peine les audiences ont-elles repris que deux affaires retentissantes de corruption financière et de détournement de fonds publics se sont retrouvées au centre de l’actualité judiciaire. Leur point commun, indique le quotidien Al Akhbar dans son édition du vendredi 12 septembre: l’ampleur des montants en jeu et le profil des personnalités poursuivies.
La première affaire, examinée lundi dernier par la Chambre criminelle chargée des crimes financiers près la Cour d’appel de Rabat, implique Daniel Ziouziou, directeur d’une agence bancaire à Tétouan. Incarcéré et poursuivi pour détournement de plusieurs milliards de centimes, il est accusé d’avoir mis en place un système parallèle de transactions financières, échappant au contrôle de Bank Al-Maghrib.
Selon les investigations, les détournements auraient dépassé les 2,5 milliards de dirhams, une somme vertigineuse qui a secoué la direction centrale de la banque concernée. L’Union des banques, partie civile, a été admise à l’audience, ce qui laisse présager des confrontations judiciaires tendues dans les semaines à venir, précise Al Akhbar.
L’affaire a aussi révélé des ramifications inattendues, soit une relation suspecte entre le banquier mis en cause et une femme ayant bénéficié de transferts financiers massifs. Les enquêteurs s’interrogent sur la nature de ce lien, sur l’éventuel blanchiment à travers des investissements commerciaux et sur la possibilité que des fonds aient été transférés à l’étranger. Plus grave encore, l’argent public n’aurait pas été épargné. L’Association des œuvres sociales des fonctionnaires de la commune de Tétouan a constaté la disparition de plus de 5 millions de dirhams de son compte.
Le second dossier, non moins explosif, concerne Abdelmoula Abdelmoumni, ex-président de la Mutuelle générale des fonctionnaires (MGAPU), ajoute Al Akhbar. Incarcéré à la prison de Tamesna depuis le 22 mars 2024, il est poursuivi avec deux de ses proches collaborateurs pour détournement et dilapidation de fonds publics, falsification de documents et passation de marchés entachés d’irrégularités.
Le parquet général l’accuse d’avoir orchestré, durant sa présidence (2010-2019), un système opaque de gestion des finances de la mutuelle, qui compte plus de 400.000 adhérents parmi les fonctionnaires. Une enquête policière, suivie d’un audit interne, a mis au jour des irrégularités jugées graves, notamment autour de la fameuse affaire Ach-Chamil, un marché public qui aurait englouti plus de 400 millions de dirhams.
Lors de la dernière audience, la Cour a rejeté les demandes de mise en liberté provisoire déposées par l’ex-président et son premier collaborateur. En revanche, un troisième accusé, en raison de son état de santé critique, a été libéré provisoirement. Outre les anciens responsables de la mutuelle, l’affaire a également entraîné l’arrestation d’hommes d’affaires et d’un assureur soupçonné d’avoir bénéficié de marchés frauduleux.
Ces deux procès donnent le ton d’une rentrée judiciaire placée sous le signe de la lutte contre la corruption et les malversations financières. Ils soulèvent aussi de nombreuses interrogations: comment des détournements de telles ampleurs ont-ils pu passer sous les radars des organes de contrôle? Quels réseaux de complicité ont permis à ces systèmes de perdurer?
Si les audiences à venir permettront peut-être d’apporter des réponses, une certitude s’impose déjà. La justice marocaine s’apprête à vivre une rentrée mouvementée, sous l’œil attentif de l’opinion publique, avide de vérité et de reddition des comptes.







