Une nouvelle preuve, une de plus, de la discorde entre le clan présidentiel et le Département du renseignement et de sécurité. Et c’est un ex-colonel du DRS, Mohamed Khalfaoui, qui vient de l’apporter, lors de l’émission matinale «Qahwa ou Journal» sur Ennahar TV.
L’officier à la retraite évoque, sur le plateau de l’émission animée par le journaliste Mohamed Osmani, une volonté délibérée d’«amoindrir l’efficacité des services de sécurité au lieu de les renforcer».
En effet, depuis son retour en 2013 de son séjour médical à l’hôpital militaire Val-de-Grâce, à Paris, où il se faisait soigner d’un fâcheux AVC, le président Abdelaziz Bouteflika multiplie les coups d’estocade à l’encontre de ce département clef du renseignement et de la sécurité algériens. Dernier en date, la dissolution du Groupe d’Intervention Spéciale (GIS), l’une des dernières cartouches a ainsi été retirée au patron du DRS, le général-major Mohamed Médiène, alias «Tewfik».
Autre preuve de la méfiance que l’actuel locataire du palais El Mouradia ressent à l’égard du premier responsable du DRS, le rattachement de la sécurité présidentielle à la Garde républicaine (GR).
Les différentes dissolutions qui ont touché à des directions multiples du DRS posent dans les faits, relève l’ex-officier Khalfaoui, «un problème de coordination entre les différents services».
Ce remue-ménage, savamment orchestré par le président Bouteflika, viserait à réduire au minimum toute capacité de manœuvre ou de nuisance du général-major Mohamed Médiène, qui avait une puissance telle qu’il pouvait faire et défaire les gouvernements sans affronter la moindre velléité de résistance.
Le plan du président Bouteflika, qui se préparerait, selon l’institut US d’études géopolitiques à quitter le pouvoir en 2016, Stratfor, consiste justement à empêcher le DRS d’empiéter encore sur la platebande du clan Bouteflika et remodeler l’échiquier politique au gré de son jeu d’influence.
Il s’agit ainsi d’un clash de deux volontés : celle de Bouteflika qui voudrait à tout prix perpétuer son héritage et celle du DRS qui souhaiterait garder la main haute sur le pouvoir.
DRS : Plan de sape orchestré par le clan Bouteflika
«Si la dissolution de certains services relève du correctif normal dans le fonctionnement de tout appareil, la manière dont les choses ont été faites est, elle, anormale», explique l’officier retraité du DRS, Mohamed Khalfaoui.
La «manière», voilà qui devrait poser problème. Mais non car, l’enjeu est ailleurs. Il est vrai que cette «manière» a été on ne peut plus précipitée, voire cavalière. Mais il ne faut pas perdre de vue le déclin du président Bouteflika et l’obsession qui le taraude de trouver, sans tarder, l’homme de confiance qui pourrait lui succéder et ainsi préserver les intérêts de son clan rapproché et plus généralement de l’oligarchie qui occupe le pouvoir depuis l’indépendance de l’Algérie à l’aube des années soixante.
L’homme sait pertinemment ce que ses lieutenants attendent de lui : préparer sa succession sans le moindre problème, qui soit le DRS ou autre.
Seulement voilà, l’opération n’est pas aussi aisée que le clan Bouteflika pourrait le penser.
Quand le président joue avec le feu
Au rythme où le processus de «mise au pas» du DRS avance, il faut craindre que la réaction de «l’homme le plus secret» de l’Algérie, le général-major «Tewfik», ne soit aussi brutale. Le patron du DRS, produit pur jus du KGB (soviétique), est rompu aux coups fourchus et il n’est donc pas exclu qu’il en porte un bien dur au président partant et à son frère Saïd, conseiller à la présidence algérienne.
Le patron du DRS n’en est pas à son premier coup. Il a déjà montré de quoi il pourrait être capable en déclenchement l’opération «Mains propres», -campagne de lutte anti-corruption visant les apparatchiks de l’establishment algérien, dont il paie aujourd’hui les frais.
D’ailleurs, c’est l’une des raisons qui ont poussé Bouteflika à «couper les ongles» de l’ancien homme fort du renseignement algérien.
A cet effet, l’ex-colonel du DRS ne cache pas les relents personnels de ce clash Bouteflika-Mohamed Mediène. Selon lui, il existe des « intimidations claires entre personnes».
«Tout observateur ne peut occulter le problème de personnes mais on ne met pas en péril la sécurité du pays pour des différends personnels», met-il en garde.
Voilà donc où le bât blesse. Libre au président de « renforcer sa sécurité, c’est légitime. Mais de là à déstabiliser les autres services au moment où le ministre de l’Intérieur évoque des dangers internes et externes, cela pose problème et il est de nature à faire perdre confiance aux citoyens», martèle l’ex-officier du renseignement.
Une «confiance», ou ce qu’il en reste. Entre un régime corrompu jusqu’aux ongles et le citoyen algérien, voilà bien longtemps que le courant ne passe pas. Vous avez dit «confiance» ?