Moulay Hicham cultive l’image d’un intellectuel démocrate. Un intellectuel d’abord, démocrate ensuite. Dans ses interventions, il fait un usage forcené de la terminologie savante des universitaires. Ses passages sur les plateaux télés peuvent être assimilés à une parodie d’un discours abscons de chercheurs qui ont passé le plus clair de leur temps dans les bibliothèques. Le côté jargonneux du prince n’épargne pas “ses“ écrits non plus. On dirait qu’à défaut de se faire entendre par la clarté des idées, Moulay Hicham chercher à en imposer par un vocabulaire qui appartient à la corporation des universitaires. Pourtant, cette manie jargonneuse du prince s’accompagne d’une espèce d’omerta sur ses diplômes universitaires. Le dernier épisode de sa tentative d’inscrire un doctorat sous la férule de Tariq Ramadan à Saint Antony’s College, dépendant de la célèbre université d’Oxford en Angleterre, pousse légitimement à chercher à connaître le parcours universitaire de celui se proclame partout comme le prince intellectuel.
Un master orphelin
Lorsqu’on s’intéresse de près au parcours académique de Moulay Hicham, on se rend compte que celui-ci ressemble plutôt au cursus d’un étudiant par intermittence. Le parfait dilettante de la recherche universitaire. D’après sa biographie officielle qui orne le site de sa fondation éponyme, le prince a tout d’abord obtenu en 1985 un «Bachelor of Arts» en sciences politiques à Princeton. Il a hiberné ensuite 10 ans avant de décrocher en 1997 un «Master of Art» à l’International Policy Studies (IPS), dépendant de l’université américaine Stanford. Quand on sait que la durée maximale d’un master ne dépasse pas deux années, on ne peut que s’étonner de la manière fantaisiste dont le prince appréhende les études universitaires. Stricto Sensu, le diplôme le plus élevé obtenu par Moulay Hicham est un master, car, depuis 1997, le prince a fait parler de lui dans les universités par de généreux dons, mais n’a pas décroché d’autres diplômes.D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si le prince expédie sans commentaire ses diplômes américains et préfère davantage s’épancher sur l’institut d’études transrégionales qu’il a créé à Princeton et le mécénat universitaire dispensé par la fondation Moulay Hicham, dont le siège est bizarrement domicilié dans le paradis fiscal du Liechtenstein. Dans son CV, le prince est volontiers volubile sur sa participation à la mission de paix onusienne aux côtés de Bernard Kouchner. Laquelle mission n’a pas encore révélé tous les secrets sur les «exploits» réalisés par le prince au Kosovo.
A défaut de diplômes, des titres pompeux
Pour mieux comprendre la stratégie universitaire du prince et le crédit qu’il accorde à l’autorité des universités, il faut dénombrer les titres qu’il se donne. Le es qualité du prince dénote la fois sa soif d’un titre professoral et la difficulté à l’acquérir sans le diplôme qui va avec. A partir de 2007, Moulay Hicham s’est entiché d’une panoplie de titres universitaires. Il a commencé à se présenter comme «chercheur invité», puis «professeur consultant» au «Center on Democraty, Development, and the Rule of Law» de l’université Stanford, «membre consultatif à l’institut Freeman Spogli pour les études internationales», ou encore comme «conseiller» du réseau «American Middle Eastern Network for Dialogue at Stanford». Entre ces quatre titres que le prince a du mal à placer sur ses cartes de visites, il manque Le Titre, celui de Professeur avec un P en majuscule – la seule distinction aux USA qui correspond au grade éponyme. Car le nom commun «professeur» est très souvent utilisé aux Etats-Unis comme une formule de courtoisie qui n’a strictement rien à voir avec la nomenklatura professorale américaine, commençant à la base par le grade de «Lecturer» (étudiant-chercheur), en passant par ceux de «Professeur Assistant» et «Professeur Associé», avant d’accéder au sommet de la pyramide, incarné par le titre de «Professeur» et «Professeur Emérite».Plus grave : comme le mentionne noir sur blanc le site électronique de l’International Policy Studies à Stanford, cet institut délivre un «master of art» enseigné à plein temps sur deux ans, qui n’ouvre nullement la voie à la préparation du Phd. En d’autres termes, il s’avère qu’avant d’être repêché par Tariq Ramadan au Saint Antony’s College, Moulay Hicham n’a jamais bénéficié de l’habilitation l’autorisant à effectuer des recherches universitaires. Seule cette habilitation ouvre la voie pour inscrire un doctorat. On se demande par quel tour de passe-passe le prince va escamoter l’habilitation et passer directement au doctorat.
Homme d’action ou de réflexion ?
Moulay Hicham aime à rappeler de façon obsessionnelle qu’il est le «cousin germain du roi du Maroc». L’attachement de Moulay Hicham à décliner comme «une marque déposée» son cousinage avec le souverain marocain, illustre justement cette tendance du prince à vouloir briller dans le sillage du roi. L’image d’intellectuel qu’il se forge n’a d’intérêt que grâce à ce cousinage qu’il rappelle de façon systématique. En d’autres termes, ce qui intéresse tant les universitaires que les médias, c’est le caractère «original» du cousin germain du roi du Maroc qui joue aux penseurs et aux intellectuels. A défaut de ce cousinage, Moulay Hicham sombrerait dans l’anonymat ou serait juste un nom parmi des milliers de donateurs généreux aux universités. Pourtant en terme de parcours universitaire, le prince aurait dû prendre exemple sur ses deux cousins germains qui ont soutenu dans les règles de l’art des doctorats d’Etat avant d’atteindre la trentaine, alors que le prince quinquagénaire entrera probablement dans le Guinness des doctorants les plus âgés s’il met autant de fantaisie à soutenir son Phd que son Master.Mais plus sérieux: le prince sait ou devrait savoir qu’il existe une ligne infranchissable entre le domaine des chercheurs universitaires et celui des acteurs politiques. Moulay Hicham est un acteur politique qui mobilise toute son énergie à parrainer et financer les personnes qui ont des griefs contre le Maroc et ses institutions. Cet homme d’action devrait se résoudre à accepter qu’il ne sera jamais un homme de réflexion. Indépendamment du fait qu’il en soit capable ou pas, son agenda est éminemment politique. Et la politique ne fait jamais bon ménage avec la recherche universitaire.