Neuf jours après le discours du Trône dans lequel le roi Mohammed VI a appelé le président algérien à l’ouverture des frontières maroco-algériennes et à l’établissement de relations de confiance entre les deux pays, une réponse claire de Tebboune se fait toujours attendre.
Dans une interview accordée dimanche soir à deux médias locaux, et dont les grandes lignes ont été rapportées ce lundi matin par l’agence de presse algérienne (APS), le président Tebboune, questionné sur la main tendue par le Maroc pour rouvrir les frontières entre les deux pays, a plutôt laissé transparaître son désarroi face à l’initiative du Maroc. Celle qui a consisté à ne pas répondre à la surenchère engagée par l’Algérie suite aux attaques à répétition de la junte militaire et au rappel pour consultations de son ambassadeur à Rabat, le 18 juillet dernier.
«Un diplomate marocain a fait des déclarations graves, suite à quoi nous avons convoqué notre ambassadeur à Rabat pour consultations, et avons avisé d’aller plus loin, mais aucune réaction n’a émané du Maroc», a répondu Tebboune. Il se réfère bien évidemment aux propos d’Omar Hilale, représentant permanent du Maroc l’ONU, sur la Kabylie, exprimés le 15 juillet dernier lors de la récente réunion des Pays non-alignés. Or, ce dernier n’a fait que répondre au ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, qui y a soulevé le dossier du Sahara marocain, alors que cette rencontre devait être consacrée exclusivement aux répercussions de la pandémie de Covid-19.
Le régime algérien fait semblant de ne pas être au courant de la provocation qui a induit la réaction du représentant du Maroc à l’ONU. A moins que ce régime obsolète ne se soit trop habitué à détenir l’exclusivité de porter des coups de canif à l’intégrité territoriale du Royaume.
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D’ailleurs, l’un des deux journalistes qui interviewaient Tebboune ce dimanche lui a rappelé le bien-fondé du «parallèle» fait entre la Kabylie et le Sahara marocain, le poussant à se barricader dans sa litanie habituelle, ressassant que le dossier du Sahara est «entre les mains des Nations unies, devant le comité de décolonisation».
Qualifiant l’Algérie, qui a pourtant créé et alimente ouvertement ce conflit factice depuis 46 ans, de simple «observateur», il a annoncé «la disposition de l’Algérie à abriter toute éventuelle rencontre entre la République sahraouie et le Maroc», «et à mettre à leur disposition tous les moyens nécessaires».
Il ne faut surtout pas pouffer de rire. De quels moyens parle Tebboune? De ceux dont il prive les élites algériennes qui meurent asphyxiées dans les hôpitaux-mouroirs de l’Algérie alors qu’un avion présidentiel est mis à la disposition du chef d’une bande de mercenaires pour le transporter en Espagne? De ceux avec lesquels la junte continue à tenir sous perfusion une soi-disant république qui ne peut pas tenir une semaine, sans le soutien financier, militaire et diplomatique de l’Algérie, alors même que l’effondrement de ce pays semble désormais inévitable.
Notons au passage que Tebboune n’a pas parlé d’une rencontre entre le Polisario et le Maroc, mais entre ce qu’il nomme la République sahraouie et le Royaume.
Provocation? Maladresse? Une folie, tout court, comme l’a suggéré l’ancien ministre algérien Noureddine Boukrouh, qui connaît parfaitement bien Abdelmadjid Tebboune, avec qui il a siégé par le passé dans la même équipe gouvernementale, et qui a récemment averti les Algériens que la place de Tebboune n’est pas à la présidence, mais dans un «asile pour aliénés mentaux».
Cette manie maladive s’est manifestée également lorsque Tebboune a affirmé que la «diplomatie algérienne a retrouvé sa véritable place», alors que toutes les récentes sorties de son nouveau-ancien ministre des Affaires étrangères ont échoué, surtout celle concernant la crise du barrage de la Renaissance opposant l’Ethiopie d’un côté, l’Egypte et le Soudan de l’autre. Tebboune entérine ainsi cette manie du régime algérien qui navigue à vue et reconnaît à chaque fois ses errements une fois qu’il change de capitaine. Il aurait fallu que Lamamra remplace Boukadoum pour que Tebboune reconnaisse l’échec de la diplomatie algérienne. Il en sera de même pour Lamamra quand son successeur sera nommé.
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Même en parlant des multiples problèmes auxquels est confrontée l’Algérie en interne, cette sortie médiatique a été également mise à profit par Tebboune en vue de faire étalage d’une nouvelle série de fausses promesses grandiloquentes pour calmer la colère des Algériens.
Ainsi, selon lui, des mesures ont été prises pour faire face au déficit en eau potable, dont il a promis qu’elle sera disponible à partir de l’été 2022, quand des usines de dessalement d’eau de mer seront achevées. Inchallah!
Pour l’oxygène, qui manque cruellement aux hôpitaux algériens, débordés par la recrudescence du nombre de malades de Covid-19, il a tout simplement affirmé que cette matière est disponible en abondance, et que «le problème est d'ordre organisationnel et non de moyens». Cela s’appelle au mieux une fuite en avant. Au pire, la politique de l’autruche.
Tebboune a aussi promis une imminente «immunité collective» des Algériens contre la pandémie, prétendant que l’Algérie produira le vaccin chinois dès septembre prochain, et le Russe à la fin de cette année. Donc, on apprend que le vaccin chinois sera produit avant le Russe. Septembre, c’est demain. Et de toute manière, Tebboune a habitué les Algériens à des promesses oiseuses auquel personne ne croit.
Jonglant à nouveau avec les faux chiffres de l’économie, il a fixé le niveau «des réserves de change à près de 44 milliards dollars». Un chiffre qui ne change pas depuis bientôt deux ans, alors même que la balance commerciale déficitaire ne peut être comblée que par les réserves de change. Tebboune a fait miroiter «une reprise de l'économie nationale qui a enregistré un taux de croissance de 3,8% et des niveaux d'exportation jamais atteints depuis 25 ans». Quand on sait que les hydrocarbures représentent 98% des exportations algériennes et qu’ils ont baissé de 40% l’année dernière, on se demande comment Tebboune a pu établir ce record des exportations, inégalé depuis un quart de siècle. Il a aussi promis de maintenir les obstacles aux investisseurs étrangers pour ne pas livrer, selon lui, le pays à ces derniers. Mais quel investisseur étranger a envie d’investir, hors la rente des hydrocarbures et quelques très rares secteurs aux revenus garantis, dans un pays qui ne dispose même pas d’un système bancaire, digne de ce nom.
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Après toutes ces promesses, Tebboune s’est lancé dans une violente diatribe contre les militants du Hirak encore emprisonnés, leur déniant le statut de prisonniers d’opinion, car ils auraient attaqué l’armée algérienne à travers les slogans «Etat civil et non militaire» et autres «Généraux à la poubelle»…, affichés sur leurs pages Facebook.
Il a ainsi défendu l’armée algérienne, qualifiée d’«épine dorsale de l’Etat algérien» et de «protectrice de la cohésion nationale» contre «l'utilisation des réseaux sociaux pour la diffamation et l'injure». «Les auteurs de ces crimes ne sont pas des détenus d'opinion», a-t-il réitéré, reconnaissant même que chaque jour plusieurs personnes sont arrêtées à cause de publications sur les réseaux sociaux.
L’attaque de Tebboune contre les réseaux sociaux est en cohérence avec celle du chef d’état-major, le général Chengriha, qui ne rate pas une occasion pour vilipender Facebook, YouTube et Twitter, soupçonnés d’être les fers de lance d’une «guerre de quatrième génération» contre l’Algérie. Il ne faut surtout pas s’étonner que la junte militaire accentue davantage l’autarcie d’un régime qui vit hors de son temps. Elle se prépare visiblement à rendre difficile l’accès des Algériens aux réseaux sociaux.