L’histoire se répète. Et plus rapidement que l’on ne pouvait s'y attendre. Hier, c’était le président algérien et, aujourd’hui, c’est le chef du Polisario qui disparaît subitement pendant dix jours sans que personne ne sache rien sur lui. Dans les deux cas, les services de renseignement algériens sont à l’œuvre, seuls sur la scène, à interpréter cette pièce qui relève de l’absurde, commente le quotidien Assabah dans son édition du lundi 26 avril. «Ghouili» a subitement disparu depuis le jour de la mort de son chef de la gendarmerie et la blessure grave de l’un de ses bras droits. Et depuis, tout le monde, dans les camps de Rabouni, ne cesse de s’interroger sur le sort de Brahim Ghali, écrit l’auteur d’une chronique publiée par le quotidien sur le sujet.
Le général Chengriha, chef de l’armée algérienne, ne s’est jamais douté que les médias allaient pouvoir percer le secret qu’il s’est tant évertué à protéger de la maladie de Brahim Ghali. L’histoire débute avec une visite du général à la résidence du chef du Polisario. Constatant qu'à l’évidence l’état de santé de ce dernier était plus grave qu’il ne le croyait, il a décidé son transfert à l’hôpital d'Aïn Neâdja, à Alger, puis dans un centre oncologique privé. Le système de santé algérien étant ce qu’il est, l’idée de transférer le chef des séparatistes dans un établissement hospitalier européen s’est imposée d’elle-même. Après le refus catégorique de l’Allemagne de le prendre en charge, l’Algérie s’est rabattue sur l’Espagne où son protégé a été interné dans un hôpital de Saragosse, sous une fausse identité.
Mal lui en a pris. Tous ceux, dans les camps et ailleurs, qui ont cru en la fantomatique RASD, ont dû faire face à cette dure réalité: son «président» avait été contraint de voyager pour se soigner sous une fausse identité, tout comme le font les barons du crime organisé. Et une fois que la presse a dévoilé tout ce manège, ce sont plusieurs victimes du sinistre centre de détention d’Errachid, dans les camps de Tindouf, qui ont réclamé justice et exigé que leur tortionnaire soit jugé. Brahim Ghali est d’ailleurs poursuivi, depuis des années, par la justice espagnole (Audiencia Nacional) pour, entre autres, génocide, crime contre l’humanité, détention arbitraire, torture, assassinats et viols.
Dans cette mise en scène, c'est bien l’Espagne qui se retrouve dans une mauvaise situation. Et pour cause. Des associations basées en Espagne, des anciens détenus de la prison d’Errachid et un expert espagnol menacé de mort demandent la tête de Brahim Ghali, écrit, de son côté, le quotidien Al Ahdath Al Maghribia dans son édition du même jour. Bien sûr, relève, pour sa part le quotidien Al Akhbar dans son édition du même jour, en permettant l’admission du chef du Polisario dans l’un de ses hôpitaux, l’Espagne vient de déclencher une crise diplomatique avec le Maroc. En tout cas, au moment où la justice espagnole enquête sur cette affaire et sur la fausse identité du chef des séparatistes, les prémices d’une crise entre les deux pays sont déjà là.
L’Espagne, écrit Al Ahdath Al Maghribia, a bien tenté de minimiser l’impact de cette décision, mais le mal est fait. En effet, écrit le quotidien, la cheffe de la diplomatie espagnole a soutenu que les relations avec le Maroc ne seraient pas affectées par cette affaire. «Cela n'empêche pas et ne perturbe pas les excellentes relations que l'Espagne a avec le Maroc», a dit Arancha Gonzalez Laya lors d'une conférence de presse. Le Maroc, souligne-t-elle, est un «partenaire privilégié» de l'Espagne sur le plan économique, politique, migratoire, des entreprises et dans la lutte contre le changement climatique ». Et «cela ne changera pas».
Rabat ne semble pas voir les choses sous cet angle. Selon Al Akhbar, le ministère des Affaires étrangères a, en effet, convoqué l'ambassadeur espagnol pour exprimer «une incompréhension et une exaspération» et «demander des explications», après l'accueil en Espagne du chef du Polisario.
Dans les camps, conclut le chroniqueur d’Assabah, on se réjouit déjà, du côté des détracteurs de «Ghouili» -et ils sont nombreux-, de sa maladie. Ces derniers y trouvent une occasion en or pour se reprendre et reprendre leur influence sur les camps et, surtout, dans les rouages et l’organisation du pouvoir. Quant aux services de renseignement algériens, il semble qu’ils sont dans une piètre situation. Aussi, note Assabah, leur seul souci est-il, aujourd’hui, de trouver une façon de se tirer de cette situation avec le moins de dégâts possible.