Sahara: la stratégie américaine et le jeu «dangereux de l’Algérie» décryptés par un influent lobbyiste américain

Jason Isaacson, directeur des Affaires politiques de l’American Jewish Committee (AJC),

Revue de presseFigure influente du lobby AJC à Washington, Jason Isaacson confirme le durcissement de la position américaine face au jeu d’influence d’Alger. Entre continuité du soutien au Maroc sur le Sahara et avertissements clairs à l’Algérie, Washington affine sa stratégie. Cet article est une revue de presse tirée de Jeune Afrique.

Le 31/07/2025 à 19h21

Alors que l’envoyé spécial américain Massad Boulos menait une tournée régionale au Maghreb, les équilibres diplomatiques dans la région semblent sur le point de basculer. Dans un entretien exclusif accordé au magazine Jeune Afrique, Jason Isaacson, directeur des Affaires politiques de l’American Jewish Committee (AJC), l’un des lobbies les plus influents de Washington, décrypte sans détour cette recomposition géopolitique.

Pour Jason Isaacson, cette tournée, ainsi que l’escale algérienne, est tout sauf anodine. «Il n’est pas surprenant qu’un envoyé spécial américain axé sur l’Afrique du Nord s’arrête en Algérie. La relation États-Unis–Algérie, bien que peu chaleureuse, est un fait établi», constate-t-il. Mais le directeur politique de l’AJC tempère immédiatement. «Beaucoup d’amis du Maroc à Washington savent à quel jeu dangereux se livre l’Algérie: provoquer le Maroc, déformer les faits sur le Polisario, et s’aligner sur Moscou. Toute coopération devrait rester strictement économique et transactionnelle, avec des messages clairs pour inciter Alger à changer de cap», dit-il. Pour lui, la position de la Maison-Blanche sur la souveraineté marocaine sur le Sahara est claire comme de l’eau de roche. «Il n’y aura pas de retour en arrière», affirme l’expert à Jeune Afrique.

Un message qui s’inscrit dans la continuité de la reconnaissance du Sahara par Donald Trump, reprise depuis par le secrétaire d’État Marco Rubio et plusieurs ténors républicains. Isaacson ne cache pas que son organisation plaide pour un ancrage international plus large du dossier du Sahara. «Nous discutons avec des gouvernements européens et d’autres à travers le monde. Nous sommes optimistes pour un tournant dès cet automne aux Nations unies», afirme-t-il.

Isaacson ouvre la porte à un scénario plus offensif. «Je pense qu’il est possible que les États-Unis aillent plus loin en désignant le Polisario comme organisation terroriste. C’est quelque chose que nous défendons activement à l’AJC», précise-t-il. Une évolution qui, si elle se concrétise, constituerait un tournant majeur au Conseil de sécurité. Derrière le discours d’Isaacson se dessine également le projet d’une diplomatie américaine plus assumée au Maghreb. En vue, la perspective d’une visite de Donald Trump à Rabat. «Je crois qu’un tel déplacement aurait du sens. Le Maroc est un allié historique, le plus ancien partenaire de traité des États-Unis. J’aimerais le voir jouer un rôle proéminent lors du 250e anniversaire américain», affirme l’expert.

En face, Washington maintient un canal ouvert avec Alger. Une façade, selon Jason Isaacson, qui révèle la profondeur de la méfiance américaine vis-à-vis de la trajectoire géopolitique de l’Algérie. L’alignement grandissant d’Alger avec Moscou cristallise l’irritation de Washington, à un moment où la Russie tente de réinvestir l’espace africain. Pour ce proche des cercles républicains, il ne saurait être question de laisser croire à un rapprochement stratégique. Washington semble vouloir rappeler à Alger que ses marges de manœuvre sont étroitement surveillées. Selon Isaacson, la venue de Massad Boulos à Alger doit aussi être comprise comme un signal.

En filigrane, ce ton ferme reflète une ligne dure qui se dessine dans certains cercles de Washington. Les soutiens du Maroc aux États-Unis militent pour une pression plus explicite, voire pour un durcissement des positions au Conseil de sécurité. À mesure que la rivalité maroco-algérienne devient un dossier de grande puissance, les soutiens américains du Maroc se montrent plus audibles et plus actifs.

Au-delà de la question saharienne, l’Algérie est perçue comme un facteur d’instabilité potentielle au Maghreb, notamment dans sa capacité à perturber l’édifice sécuritaire régional. Les récentes manœuvres militaires communes avec Moscou, la multiplication des visites bilatérales à haut niveau avec la Russie ou encore la coopération énergétique renforcée entre Sonatrach et des groupes russes alimentent à Washington une ligne de crainte: celle de voir l’Algérie devenir une tête de pont stratégique de Moscou dans une région déjà fragilisée par les tensions au Sahel et la guerre en Libye. Isaacson souligne d’ailleurs l’enjeu de cette surveillance diplomatique: «ce sont des préoccupations sérieuses. Il faut que le canal diplomatique serve à rappeler des lignes rouges et à protéger la stabilité régionale».

Par La Rédaction
Le 31/07/2025 à 19h21