La voie du dialogue, après celle de la réconciliation, passe désormais à l’étape supérieure avec les populations du Rif. Ce geste royal marque non seulement la volonté de tourner la page des approches punitives, mais constitue un signal clair visant à privilégier la construction et l’inclusion dans une région marquée par un sentiment persistant d’abandon et de marginalisation. En s’engageant dans le développement du territoire et en asséchant les «marécages de pauvreté», l’État se donne les moyens de contrer les forces opportunistes, qui prospèrent dans ces eaux troubles en vendant des rêves illusoires.
La mise en œuvre d’une politique de développement territorial, caractérisée par la nouveauté et l’efficacité adaptées aux spécificités locales, conforme au nouveau paradigme instauré par le roi Mohammed VI -la voie du développement en lieu et place de la punition, devrait reposer sur trois piliers fondamentaux: l’amélioration des infrastructures, la stimulation de l’économie locale et la promotion d’une gouvernance participative qui inclut toutes les voix citoyennes, y compris celles qui se sentent marginalisées.
Le Rif devrait bénéficier davantage de l’amélioration du niveau d’équipement en infrastructures que connaît le Maroc. Des initiatives telles que la construction de nouvelles voies d’accès, l’amélioration de la qualité des routes et des transports, l’édification de nouveaux petits ports et installations sanitaires sont essentielles pour désenclaver la région et faciliter son intégration dans l’économie nationale. Le développement des technologies de l’information et de la communication est également primordial. Un accès rapide et fiable à Internet peut ouvrir des opportunités économiques inédites et permettre à la jeunesse rifaine de participer à l’économie numérique, réduisant ainsi le sentiment d’isolement.
Le développement de l’économie locale est un autre levier essentiel. Le Rif, longtemps considéré désavantagé par sa topographie, peut se transformer grâce aux moyens modernes en riche région agricole, touristique et artisanale. Son potentiel demeure largement inexploité. La récente législation sur la culture du cannabis ouvre de nouvelles opportunités, mais pas uniquement. Les nouvelles tendances du tourisme rural et de montagne sont à exploiter, accompagnées d’une valorisation plus intelligente du patrimoine artisanal. Un soutien accru à ces secteurs, via des programmes de formation, un financement approprié, des incitations fiscales et des investissements directs, pourrait créer des emplois, réduire le chômage et renforcer la résilience économique de la région.
Les avancées en matière de démocratie locale doivent également favoriser la promotion d’une gouvernance participative, essentielle pour garantir que les populations locales se sentent incluses dans le processus de prise de décision. Les politiques de développement doivent être élaborées en consultation avec les communautés locales, en tenant compte de leur identité culturelle et de leurs aspirations. La gouvernance régionale doit être à l’écoute, voire intégrer dans la décision les représentants de toutes les couches sociales, y compris les jeunes et les femmes, pour favoriser l’inclusion.
Le développement et l’inclusion sont la réponse la plus appropriée au populisme de figures comme Nasser Zefzafi, personnage sans réflexion construite ni formation académique significatives, qui a eu néanmoins le mérite (c’est souvent le cas des systèmes de pensée populiste) de poser certaines bonnes questions, sans bien sûr leur apporter les bonnes réponses. Le populisme prospère dans des environnements de désespoir et de méfiance envers les institutions. En répondant aux besoins réels des populations et en démontrant un engagement authentique envers leur bien-être, l’État peut priver ces acteurs de la base sur laquelle ils construisent leur rhétorique.
En parallèle, le Maroc pourrait tirer des bénéfices considérables sur la scène internationale. En adoptant une approche plus inclusive et axée sur le développement, le Maroc envoie un message fort de stabilité et de modernisation. Cela renforcera son image mondiale, attirera les investisseurs étrangers et ouvrira de nouvelles opportunités économiques. En montrant sa capacité à gérer les tensions internes de manière constructive, le Maroc pourrait aussi améliorer ses relations diplomatiques et renforcer ses partenariats internationaux.
Par ailleurs, il est essentiel d’être moins clément avec certaines élites locales opportunistes, que l’on pourrait qualifier de «courtiers de crise», qui ont exploité les tensions dans la région pour se positionner comme les seuls défenseurs des intérêts du Rif. En adoptant une approche de développement et d’inclusion, l’État mettrait à nu leur manque de vision et de solutions concrètes pour les problèmes de la région. Cela démontrerait qu’il est possible de défendre les intérêts du Rif sans recourir à la confrontation ou à la manipulation des frustrations populaires.
Les populations du Rif ont contribué à forger l’image positive de la personnalité marocaine, faite de fierté, d’endurance et de solidarité. Leur histoire et leur identité culturelle devraient être mieux reconnues et valorisées pour servir le développement des populations locales. Une reconnaissance culturelle, dans ses dimensions linguistique, patrimoniale et coutumière, favoriserait une meilleure intégration dans l’ensemble national et une inclusion accrue.
La grâce royale et les initiatives de développement territorial constituent une opportunité précieuse pour construire un avenir meilleur pour le Rif. En adoptant une approche inclusive et en reconnaissant les frustrations légitimes des populations locales, l’État serait en position favorable pour chasser les «courtiers de crise» qui exploitent la misère et le désespoir. Signant par là une nouvelle avancée pour le Maroc.