Quand le ministère de l’Éducation s’habille en fqih

Le ministre de l’Education nationale, Mohamed Saâd Berrada.

Revue de presseAlors que l’école marocaine doit relever de nombreux défis, le ministère de l’Éducation nationale mise sur le renforcement de l’éducation religieuse comme axe transversal. Une démarche qui pose la question de l’équilibre entre transmission des savoirs, formation citoyenne et place de la religion dans l’espace scolaire. Cet article est une revue de presse tirée du quotidien Assabah.

Le 25/07/2025 à 20h31

Le ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement primaire et des Sports, Saad Berrada, a révélé que son ministère déploie des efforts continus pour éduquer les jeunes aux valeurs religieuses, en mettant particulièrement l’accent sur le respect des cinq prières quotidiennes.

Relayé par le quotidien Assabah dans son édition du samedi-dimanche 26 et 27 juillet, le ministère ne cache pas que l’éducation religieuse n’est pas une matière scolaire comme les autres, mais une discipline transversale qui traverse toutes les autres matières, ainsi que l’ensemble des références légales et stratégies mises en œuvre dans le système éducatif.

Dans sa réponse à une question écrite à ce sujet, le ministre a indiqué que les efforts de l’école marocaine se traduisent par un ensemble d’initiatives pédagogiques et organisationnelles, ainsi que par l’aménagement des espaces et du temps scolaire.

Il a ajouté que ces efforts se manifestent également à travers le cadre légal, qui stipule le développement de la conscience religieuse de l’élève, et que le ministère a mis en place un arsenal juridique en ce sens. Ces efforts sont également mis en avant par le biais du levier 17 de la Vision stratégique 2015-2030, qui insiste sur l’importance particulière de l’éducation aux valeurs islamiques et recommande son intégration dans les différentes matières et pratiques éducatives.

L’article 2 de la loi-cadre stipule que l’école marocaine ne se limite pas à transmettre des connaissances académiques, mais qu’elle vise aussi à former l’apprenant pour qu’il devienne un citoyen vertueux, imprégné des valeurs islamiques, a-t-il poursuivi.

Cela soulève toutefois la question de l’utilité d’une telle politique, qui fait de la religion une matière transversale imprégnant l’école, l’enseignant, les activités et tous les aspects de la vie scolaire, s’interroge Assabah.

Le ministère et ses cadres peuvent-ils garantir que les savoirs scientifiques ne seront pas altérés par des références religieuses? «On constate en effet, bien souvent, dans les établissements scolaires, que certains enseignants recourent à des discours sur les miracles scientifiques du Coran, mêlant sciences et religion dans une confusion singulière, inconnue de l’histoire des sciences comme de celle de la religion elle-même», lit-on. Un pseudo-savoir apparu seulement ces dernières décennies, comme l’ont reconnu des théologiens et figures du mouvement islamique, parmi lesquels Saâdeddine El Othmani.

Il ressort clairement de la réponse du ministre que la religion n’est pas considérée comme une affaire strictement individuelle, mais bien comme une question publique prise en charge par des institutions d’État, qui veillent à l’inculquer dès l’école. Une démarche qui va à l’encontre des principes de l’État moderne et des institutions civiles, fondés sur la neutralité scientifique et la séparation entre science et religion. La religion dispose déjà d’institutions spécialisées pour en assurer la transmission: le ministère des Habous, les mosquées et les réseaux de communication qui leur sont dédiés.

L’annonce du ministre révèle une fois de plus la persistance d’une vision qui fait de l’école un prolongement d’autres institutions, au détriment de son rôle premier: former des esprits critiques, outiller les élèves pour comprendre le monde selon une approche rationnelle et scientifique.

En confiant à l’école la mission d’inculquer le respect des cinq prières et des valeurs islamiques dans toutes les disciplines, le ministère prend le risque d’instrumentaliser le savoir au profit d’une finalité idéologique. La confusion entre enseignement scientifique et références religieuses dessert la crédibilité et de la science et de la religion. La recherche scientifique suppose une méthodologie, des preuves, des hypothèses testables et réfutables; elle n’a jamais eu pour vocation de prouver une foi.

Par La Rédaction
Le 25/07/2025 à 20h31