Les élections communales de 1997 ont failli faire avorter le projet du PJD en tant que parti politique, affirme Abdelilah Benkirane dans un entretien accordé à un chercheur dans le cadre de la préparation de sa thèse de doctorat, rapporte le quotidien Akhbar Al Yaoum dans son édition du week-end des 11 et 12 juin.En effet, feu Abdelkarim El Khatib, alors patron du MPDC (Mouvement populaire démocratique et constitutionnel), avait interdit la participation aux élections locales de 1997 aux militants du MUR (Mouvement unicité et réforme). Ceux-ci venaient d’intégrer le parti et allaient le phagocyter, quelques mois plus tard, pour en faire l’actuel PJD.
Selon Abdelilah Benkirane, il fallait alors couvrir au moins 24.000 circonscriptions électorales alors que le parti, même avec le renfort des nouvelles recrues du MUR, ne pouvait en couvrir que 4.000. Le docteur El Khatib, affirme-t-il, a vu ce chiffre comme une «insulte» envers le MPDC et a donc décidé que le parti ne pouvait participer aux élections avec moins de 50% de couverture des circonscriptions électorales, de même qu’il était contre l’idée de présenter le premier venu sous les couleurs du parti pour atteindre ce taux de couverture.
Les islamistes, nouvellement pris sous l’aile de ce politicien chevronné, ne l’entendront pas de cette oreille. Ainsi, dès que leur processus d’intégration politique a été enclenché, ils ont décidé de s’imposer et d'aller à la conquête des sièges électoraux. Les deux parties en sont donc arrivées à une brouille qui allait remettre en question tout le processus de rapprochement, encore à ses débuts, entre le MPDC et le MUR.
Feu El Khatib était même à deux doigts de laisser tomber tout le projet, affirme Benkirane. Et pour monter son intransigeance, il était allé jusqu’à boycotter les réunions des instances dirigeantes du parti. Les islamistes du MUR ont dû faire le dos rond. Cependant, ils ont quand même fini par se présenter à ces élections, mais en tant que candidats Sans appartenance politique (SAP). Au final, sur les 6.000 candidats à avoir bravé les directives du chef du parti pour se présenter, une centaine à peine a pu remporter un siège.
Ce n’est d’ailleurs pas la première point de discorde entre les islamistes du MUR et leur parrain politique. Benkirane relève, dans ce même entretien, que lors des débats relatifs à la Constitution de 1996, les islamistes du MUR étaient pour un vote favorable, alors que feu El Khatib avait exprimé des réserves. Et il n’était pas le seul! Bien plus, poursuit Benkirane, le patron du MPDC avait même reçu, alors, un appel téléphonique l’incitant à voter contre le projet de la Constitution. Ce qui a provoqué le premier clash entre Benkirane et feu El Khatib.
Cela dit, insiste l’actuel Chef de gouvernement, ce qui gênait les islamistes, ce n’était pas tant la nature des réformes constitutionnelles que la manière de travailler au sein du parti. En fait, Benkirane et ses amis n’admettaient pas que des décisions prises en dehors du parti et de ses instances décisionnelles leur soient imposées sans qu’ils n'aient leur mot à dire.
Dans cet entretien, Benkirane a également affirmé avoir été tenté, lui aussi, de mettre fin à cette expérience en sa qualité de patron du MUR, mais il a fini, lui et les siens, par faire des concessions. Bref, il était évident que les deux hommes ne s’entendraient pas. C’est pour cela que Saadeddine El Othmani a été appelé à la rescousse, prenant la place de Benkirane. C’est d’ailleurs pendant cette période qu'El Othmani a été élu secrétaire général du PJD.