Parlement: des dossiers sensibles étouffés

L'hémicycle du Parlement. 

L'hémicycle de la première Chambre du Parlement, à Rabat. . DR

Revue de presse À l’approche de la fin de la législature, le Parlement laisse derrière lui un bilan marqué par l’enlisement de dossiers majeurs et l’enterrement de rapports d’enquête pourtant attendus par l’opinion publique. Entre conflits d’intérêts, pressions de lobbies économiques et absence de mécanismes de reddition des comptes, l’institution législative peine à remplir pleinement son rôle. Cet article est une revue de presse tirée du quotidien Al Akhbar.

Le 28/12/2025 à 18h51

À l’approche de la fin de la législature actuelle, plusieurs dossiers sensibles demeurent bloqués au Parlement. Il s’agit notamment de rapports élaborés par des commissions thématiques ou d’enquêtes portant sur des affaires ayant suscité une vive controverse dans l’opinion. Selon le quotidien Al Akhbar de ce lundi 29 décembre, des lobbies influents de l’institution législative auraient exercé de fortes pressions sur les députés afin d’enterrer ces rapports et d’empêcher leur publication.

Parmi les dossiers concernés, le rapport préparé par la commission parlementaire d’enquête sur les carrières de sable et de marbre. Comme d’autres rapports précédents, tout aussi oubliés, ce document a été enterré sous la pression de lobbies regroupant des exploitants de carrières, parmi lesquels se trouvent des parlementaires bénéficiant eux-mêmes de licences considérées comme une rente. La commission avait pourtant révélé la persistance de ces pratiques dans des carrières d’exploitation de minerais, ainsi que des opérations de pillage et de détournement des matériaux extraits, sans que les quantités réelles issues de ces carrières, pourtant autorisées, ne soient déclarées. Ces pratiques causent des pertes financières considérables pour le Trésor public, estimées à près de 900 millions de dirhams par an au titre des redevances dues, écrit Al Akhbar.

Les conclusions de la commission sont sans appel: l’activité de l’exploitation des carrières est étroitement liée à une économie de rente, ce qui impose un renforcement global de la gouvernance, avec davantage de transparence, l’instauration de pratiques de concurrence libre et loyale, ainsi qu’une simplification et une clarification des procédures régissant cette activité. Le rapport indique également que certains opérateurs sont devenus un modèle préoccupant, concernant cette rente économique, devenue structurelle.

La baisse des recettes fiscales n’est pas, dans ce contexte, surprenante, d’autant que des parlementaires influents possèdent eux-mêmes des dizaines de carrières, et forment des lobbies influents au Parlement, où ils n’hésitent pas à défendre leurs intérêts particuliers. L’un des cas les plus révélateurs, à ce propos, concerne un député très connu de la région de Marrakech-Safi, présenté comme le leader d’un lobby influent dans cette activité, où il est accusé de piller aussi bien du sable à l’intérieur des terres, que le long des côtes. Plus grave, ce lobby aurait réussi, sous les gouvernements précédents, à imposer des amendements aux lois de finances ayant conduit à une réduction des redevances appliquées aux matériaux extraits des carrières, a-t-on lu dans Al Akhbar.

Ces dérives ont contribué à transformer le Parlement en un espace de défense d’intérêts privés plutôt qu’en une institution au service de l’intérêt général. Après le scandale dit des «frqchias», des intermédiaires qui avaient profité d’aides publiques, ainsi que d’exonérations fiscales et douanières liées à l’importation de moutons et de bovins, un conflit ouvert a éclaté entre députés pour l’obtention de sièges dans la commission d’enquête parlementaire chargée d’examiner ce dossier. Plusieurs élus auraient en effet bénéficié directement de ces opérations d’importation par le biais de sociétés enregistrées à leurs noms, ou à ceux de leurs enfants et de leurs épouses, rappelle Al Akhbar.

Par ailleurs, un certain nombre de parlementaires propriétaires de grandes exploitations agricoles siègent au sein du groupe thématique chargé d’évaluer le Plan Maroc Vert, alors même qu’ils ont bénéficié des subventions accordées dans le cadre de ce programme. La question centrale demeure donc la suivante: pourquoi le règlement intérieur de la Chambre des représentants, qui interdit clairement les situations de conflit d’intérêts, n’est-il pas appliqué? Ce règlement oblige pourtant toute députée ou tout député ayant un intérêt personnel lié à un projet ou une proposition de loi, ou à une commission d’enquête ou mission d’investigation parlementaire, à en informer le président de la Chambre avant l’ouverture des débats ou le lancement des travaux concernés.

Il interdit également aux élus d’utiliser ou de divulguer des informations obtenues dans l’exercice exclusif de leurs fonctions à des fins d’intérêt personnel ou au profit de groupes particuliers. En pratique, ces dispositions semblent vouées à rester lettre morte, tant que des élus, détenteurs de fortunes issues de ces activités continuent d’occuper des sièges au Parlement et d’exploiter cette institution pour défendre leurs intérêts particuliers.

Par La Rédaction
Le 28/12/2025 à 18h51