À l’instar de tous les discours royaux qui soulignent la nécessité d’engager un effort de réflexion post-crises, de capitaliser sur les mobilisations nées en pareilles circonstances et de mettre judicieusement à profit les dynamiques qu’elles génèrent, le Roi, s’adressant aux représentants de la Nation et en guise d’introduction au discours d’ouverture de l’année législative actuelle, a tenu à exprimer des mots de recueillement à la mémoire des martyrs du séisme d’Al Haouz et à élever des prières pour le rétablissement des blessés.
Au-delà de l’expression de condoléances et de vœux de rétablissement, le Roi a mis en exergue les manifestations de solidarité spontanée dont les Marocains ont été les protagonistes et dont le monde entier, ravi et admiratif, s’est vivement félicité. Le Souverain s’est également arrêté sur les initiatives louables qui ont été engagées pour apporter toutes sortes d’aides et d’assistances (aides en nature, marques de compassion, campagnes de nettoyage, prise en charge psychologique…).
Ce déploiement de la société civile s’est opéré en parallèle avec l’action menée par le gouvernement et à laquelle ont contribué les différents départements ministériels concernés (Administration territoriale, ministères de la Santé et de l’Équipement, les services respectifs de la Sûreté nationale, des Forces auxiliaires et de la Protection civile…). Une mention spéciale a été également faite au rôle de premier plan joué par les Forces armées royales pour secourir et assister les populations sinistrées, transporter les victimes, soigner les blessés, assurer hébergement et nourriture aux personnes touchées, etc. Pour cela, l’institution militaire a fait usage de tout l’arsenal matériel dont elle dispose et a pesé de tout son poids (matériel moderne, manifestations d’une humanité débordante...).
La bonne gestion des répercussions de ce tremblement de terre s’est également illustrée à travers l’approche adoptée pour traiter la question des aides étrangères. Outre les messages de solidarité et de soutien, le gouvernement a reçu de la part de dizaines de pays des propositions d’aide et de solidarité. A cet égard, le Roi a remercié tous les pays pour l’appui exprimé au Maroc pendant cette pénible épreuve.
Pour dépasser ce drame, il a fallu plus que le simple recours aux moyens matériels disponibles. De fait, une telle performance a été possible plus particulièrement grâce à la manifestation des «valeurs marocaines authentiques», considérées comme le pilier essentiel de l’unité et de la cohésion de la société marocaine. Consacrées dans la Constitution, ce sont autant de valeurs nationales fédératrices (religieuses et spirituelles, patriotiques et celles de solidarité et de cohésion) auxquelles il faut rester fermement attaché eu égard aux vocations qui sont les leurs (raffermir l’unité nationale, renforcer la cohésion familiale, prémunir la dignité humaine, consolider la justice sociale) dans un monde changeant où la place des valeurs et des référentiels est en constante régression.
Dans le même esprit du discours du Trône qui a mis l’accent sur les «valeurs», le discours royal d’ouverture du Parlement a insisté de nouveau sur le rôle des valeurs dans l’expérience marocaine et leur articulation harmonieuse aux idéaux universels, considérés comme un patrimoine commun de l’humanité entière. Mises à l’épreuve à l’occasion du séisme d’Al Haouz, ces valeurs ont permis au pays de bien gérer les retombées de cette catastrophe naturelle et d’envisager sereinement la phase de reconstruction post-séisme.
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Forts de ces valeurs, et en dépit de l’ampleur de la catastrophe et de son bilan humain et matériel, les Marocains ont dépassé la crise avec un mental d’acier et envisagent aujourd’hui l’avenir avec assurance et optimisme. Parmi les innombrables valeurs portées par les Marocains, il convient de s’arrêter sur celles à vocation fédératrice qui caractérisent le Royaume dans un contexte régional et international fluctuant, où de nombreux pays n’ont plus aucune prise sur leurs sociétés, où ils se livrent assez souvent à des antagonismes identitaires, où ils adoptent une posture de repli en farouche opposition à toute forme d’altérité.
Parmi ces valeurs unificatrices, citons les valeurs religieuses et spirituelles que l’institution de la Commanderie des croyants veille à préserver en adoptant les préceptes du rite sunnite malékite, de la doctrine achaârite et du soufisme inspiré de l’approche d’Al-Jounaid Assalik. Se fondant sur ces piliers, un islam est né, qui prône le juste milieu, l’ouverture et la modération, qui élargit autant que possible le champ de l’Ijtihad et qui met en capacité de renouveler en permanence le discours religieux et d’adapter contextuellement la Fatwa. Ce modèle a fait florès dans la partie occidentale du monde musulman, permettant ainsi que les religions et les cultures coexistent pacifiquement et favorisant l’émergence, au Royaume du Maroc, d’une configuration singulière de vivre-ensemble entre musulmans et juifs.
Il y a lieu de citer également les valeurs de patriotisme autour desquelles s’est cristallisée la Nation marocaine depuis sa naissance. Au premier chef de celles-ci, viennent la forte symbiose entre le Roi et le peuple, soudés par un lien d’allégeance mutuelle, et l’adhésion unanime autour du Trône et de la personne du Souverain qui en est dépositaire. S’ajoute à cela l’attachement à «l’unité nationale et l’intégrité territoriale», qui constitue une composante historique essentielle du patriotisme à la marocaine.
Les valeurs de solidarité et de cohésion sociale inter-catégorielle, intergénérationnelle et interrégionale ne sont pas en reste. Celles-là mêmes qui font la force du corps social et de l’organisation spatiale, en se fondant sur la sanctuarisation de la famille marocaine, à travers la révision du Code de la famille et l’attribution d’une aide directe aux familles démunies et en situation de précarité.
Ces valeurs nationales soulignent la sacralité de la famille et des liens familiaux. Et parce que la famille constitue la cellule de base de la société, celle-ci, pour être saine, doit s’ériger sur le socle d’une famille à son tour saine et équilibrée. Par conséquent, si la famille se désagrège, la société perd son identité. Voilà pourquoi le Roi a toujours tenu à sanctuariser la famille, en mettant en chantier de grands projets et des réformes majeures (Code de la famille «Moudawana», aide sociale directe).
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En outre, le discours royal a fait un exposé éloquent de ces valeurs nationales, en insistant notamment sur le concept de famille et sur les liens familiaux et sociaux qu’il recouvre. Le discours royal d’ouverture de l’année législative se trouve ainsi articulé à la lettre royale adressée au chef du gouvernement concernant la révision du Code de la famille. L’objectif est de replacer le débat sur le Code de la famille dans son contexte naturel, en mettant en exergue la centralité de la famille dans le corps social. Il s’ensuit que tout discours sur la femme, l’enfant ou sur les relations conjugales et sur tous les autres sujets associés à la Moudawana, doit garder en vue «ce vaste horizon», celui de la famille et de la société marocaines.
Il s’agit également de rassurer tout le monde, en se prévalant des discours royaux sur le rôle du Commandeur des croyants et des limites à ne pas dépasser dans l’ijtihad (effort d’interprétation des textes religieux) («Je ne peux autoriser ce que Dieu a prohibé, ni interdire ce que le Très-Haut a autorisé»), et en tenant compte du souci constant du Souverain de réunir les conditions favorables pour renforcer la cohésion de la famille.
Il s’agit d’élaborer une nouvelle approche du sujet, qui soit fondée sur le rapport famille-société, celle-ci étant un simple miroir qui reflète la réalité de la famille. Pour exprimer ce lien organique, le discours royal a statué avec force qu’«une société saine s’érige sur le socle d’une famille saine et équilibrée. Corrélativement, si la famille se désagrège, la société perd son identité».
Le discours a aussi consisté en l’annonce de l’opérationnalisation en fin d’année du programme «d’aide sociale directe», en identifiant les franges concernées de la société ainsi que les finalités qui lui sont assignées. En outre, le programme a été inséré dans son cadre juridique de référence (la loi-cadre relative à la protection sociale), en soulignant les principes qui régissent sa mise en œuvre et en instaurant un mécanisme d’évaluation susceptible d’assurer son évolution.
Le programme «d’aide sociale directe», dont la mise en œuvre a été annoncée, est porteur de deux valeurs essentielles: une valeur nationale, car il vise à sanctuariser la famille marocaine et à préserver sa dignité, et une valeur de solidarité de portée sociale. Ainsi, le discours royal a élargi le cercle des bénéficiaires de ce programme afin de combattre la pauvreté et la précarité et, in fine, d’améliorer les indicateurs de développement social et humain et de mieux prémunir la société face aux urgences et aux fluctuations conjoncturelles.
Pour une mise en œuvre fructueuse de ce grand projet et compte tenu de ses finalités et des catégories qu’il vise, une bonne partie lui a été consacrée dans le discours royal qui a défini les catégories ciblées qui, outre les enfants en âge de scolarité, les enfants en situation de handicap et les nouveau-nés, couvrent les familles sans enfants en âge de scolarité, plus particulièrement celles ayant à charge des personnes âgées. Un cadre de référence du projet a été établi pour assurer sa mise en œuvre et garantir son évolution graduelle, tout en soulignant la nécessité de tirer le meilleur parti des importantes possibilités d’action offertes par les nouvelles technologies et en veillant à pérenniser les ressources de financement. Le Roi a également défini les principes qui sous-tendent ce projet tels que la solidarité, la transparence et l’équité, en s’attachant à accorder l’aide à celles et à ceux qui le méritent et en adoptant une bonne gouvernance.
Par ailleurs, le discours royal a défini le rôle qui revient aux institutions législative et exécutive dans la valorisation et la concrétisation des fondements de l’identité marocaine, en appelant le gouvernement à assurer la bonne mise en œuvre du programme d’aide sociale directe, en mobilisant les moyens matériels de sa réussite, en identifiant les catégories ciblées et en adoptant une approche inspirée des règles de la bonne gouvernance. De son côté, le Parlement est appelé à «rester constamment vigilant et mobilisé afin de défendre les Causes de la Nation et ses intérêts supérieurs», en vertu des attributions que lui confère la Constitution et compte tenu des rôles institutionnels qui lui sont dévolus.