Qu’un magistrat émette un jugement d’expulsion contre les services du ministère de l’Intérieur est «une première» en soi. Que ce jugement soit couplé à une ordonnance d’exécution en référé, avec obligation de supporter les frais de justice, s'apparente à une révolution. Selon le quotidien Assabah, qui rapporte cette information dans son édition du lundi 16 mai, les faits se sont déroulés dans un centre rural relevant de la province de Guercif.
Le président du tribunal de première instance de Guercif a ainsi ordonné l’arrêt immédiat des travaux de construction du nouveau siège du pachalik, ainsi que ceux des logements de fonction du pacha et du caïd-chef de cercle dans la commune de Saka, avec obligation de vider le chantier sans tarder. En effet, le terrain sur lequel ont été entamées les deux constructions n’est pas une propriété du domaine public et encore moins celle du ministère de l’Intérieur.
Les propriétaires du terrain, qui ont intenté une action en justice, en référé, ont pu établir, en s’appuyant sur les registres de la Conservation foncière, que le terrain sur lequel les services du ministère de l’Intérieur avaient entrepris les travaux leur revenait en héritage.Le tribunal, se basant sur les preuves fournies par les propriétaires, a donc ordonné, en toute logique, l’arrêt immédiat des travaux et l’évacuation les lieux.
Dans les détails, cette affaire, qui a défrayé la chronique locale, remonte à début 2013. Elle comporte également, outre sa dimension judiciaire, plusieurs infractions au code de l’urbanisme. Ainsi, une commission technique s’est réunie pour choisir le site des deux constructions, soit celui du siège du pachalik et celui des logements de fonction, suite à une ordonnance du gouverneur de la province. Le chantier a été ouvert sur la base d’un PV dressé par cette commission dans laquelle siège, entre autres, la délégation provinciale du ministère de l’Habitat et de la politique de la ville à Taza. Ce qui a d'ailleurs poussé, rapporte le journal, les propriétaires à accuser cette délégation de «couvrir cette opération d’appropriation illégale de biens d’autrui» par les services du ministère de l’Intérieur. Et ce, sachant que le terrain en question avait fait l’objet d’une demande de titrisation publiée au Bulletin officiel en 1995.
Les services du ministère de l’Intérieur n’ont pas non plus pris la peine de consulter les registres de la Conservation foncière pour s’assurer que le terrain en question serait libéré. Plus que cela, ils se sont basés sur des plans de relevés topographiques non authentifiés par les services concernés au sein de la commune.De même, les plans de construction n'ont pas non plus été authentifiés par la commission chargée des grands projets. D’autant que, poursuit le journal, ce projet de construction ne respecte pas les lois de l’urbanisme, le dossier le concernant ne comportant aucune fiche technique dûment cachetée par une commission de veille chargée du contrôle de l’urbanisme.