Naufragés sur les côtes du Sahara: le cas de La Louise

Mouna Hachim.

ChroniqueLorsque le navire marchand français La Louise échoua sur les côtes du Cap Boujdour, c’est bien le sultan Sidi Mohammed ben Abd-Allah qui fut sollicité pour obtenir la libération des membres de l’équipage…

Le 01/02/2025 à 11h00

Dans divers traités, dits de paix et d’amitié, conlus entre le Royaume du Maroc et les nations occidentales, des dispositions étaient spécifiquement prévues pour garantir la protection et la délivrance des ressortissants ayant fait naufrage sur les côtes, en particulier celles de l’Oued Noun, des régions avoisinantes et bien au-delà.

Ce qui constitue une reconnaissance implicite de la souveraineté marocaine, ainsi qu’un symbole éclatant de l’autorité du Sultan, qui a le pouvoir de prendre des décisions à travers toute l’étendue de son territoire.

Parmi les traités où figure le cas des naufragés, se trouvent ceux signés avec l’Espagne en 1861 ou avec la Grande-Bretagne en 1856.

Cette clause, fréquemment mentionnée, relative notamment aux naufragés dans les lointaines régions du Sud, est parfois expliquée par les anciens mythes européens qui alimentaient l’imaginaire des marins.

Le Cap Boujdour n’était-il pas baptisé par les Européens ‘Cap de la Peur’, constituant pour eux la limite méridionale du monde à ne pas franchir?

Des légendes y voyaient une sorte de mer des ténèbres peuplée de monstres fabuleux, jusqu’en 1434, date de l’arrivée du premier Européen, l’explorateur portugais Gil Eanes, après que l’infant du Portugal, Henrique (le Navigateur), a lancé une expédition avec pour mission de dépasser le cap, ouvrant la voie à des explorations lointaines dont l’objectif était de «chercher l’or se trouvant au-delà du cap Bojador, sur des mers où personne n’avait jamais navigué».

Cependant, nul n’était à l’abri des périls qui rodaient en pleine mer ou le long des côtes.

La nuit du 26 au 27 décembre 1775, La Louise, naviguant sous le pavillon de France, fait naufrage dans la région de Cap Boujdour.

C’est «un navire de Nantes de soixante-dix tonneaux, affrété pour le compte du sieur Bouflier, qui se livre à la traite des Noirs qu’il va chercher en Angola», écrit Maxime Rousselle dans son ouvrage «Médecins, chirurgiens & apothicaires français au Maroc».

Nous pouvons lire par ailleurs le détail de cette mésaventure et les ballets diplomatiques qui s’ensuivirent dans la Revue Hespéris-Tamuda: «Le capitaine et vingt hommes de l’équipage purent gagner la côte, mais furent capturés par les habitants du pays et vendus deux ou trois fois comme esclaves. Au mois d’avril 1776, le chargé d’affaires de France au Maroc, Chénier, eut connaissance de l’accident et apprit que les naufragés se trouvaient sur les bords de l’oued Noun, dans la plus déplorable situation. Il s’adressa immédiatement au sultan, Sidi Mohammed ben Abdallah et lui demanda d’agir en faveur de ses compatriotes

Au sujet de ces mêmes événements, Maxime Rousselle précise: «Dès qu’il a confirmation de la nationalité du navire perdu, conformément au traité de 1767, Louis Chénier, dans l’exercice de ses fonctions, en rend compte aussitôt au sultan du Maroc, Sidi Mohamed ben Abdallah, en le priant de faire rechercher et secourir les naufragés, puisque cette région est sous sa juridiction.»

C’est ainsi que le Souverain obtint leur libération, les logea dans le Mellah de Marrakech, et, désireux d’obtenir en échange des Marocains retenus esclaves sur les galères de Malte, envoya à la Cour de France son émissaire, Tahar ben Abd-el-Haqq Fennich.

En octobre 1778, notre ambassadeur embarque à Tanger et, trois mois plus tard, arrive à Paris, accompagné des marins libérés, soit un total de 16 membres de l’équipage de La Louise, du matelot Crochemore d’un autre navire et de trois déserteurs de Sebta.

Sans oublier les six chevaux offerts en cadeau à Louis XVI qui reçut le diplomate salétin, muni d’une lettre royale, en audience solennelle le 22 janvier à Versailles.

Seulement, ce qui semble avoir animé les débats dans les cabinets ministériels et les salons parisiens, en lieu et place du sort des captifs et des termes de leur échange, est la forme de la lettre chérifienne appelant Louis XVI le «Chef des Français», au lieu d’«Empereur de France».

Ce qui sera ensuite réglé d’un commun accord aboutissant à la formulation: «Le plus grand des Chrétiens, l’Empereur de France», tandis que le Sultan avait «les titres et qualités du plus grand des Musulmans, l’Empereur du Maroc et du Maghreb».

L’affaire des captifs avait, pour sa part, de «beaux» jours encore devant elle.

Entre autres illustrations, on peut conclure avec l’incident du naufrage de l’Esmeralda, survenu à 180 milles au sud du Cap Noun à la suite duquel l’Espagne se fonda sur l’article 38 du traité du 20 novembre 1861 pour solliciter la libération des marins, adressant une requête en ce sens au Sultan.

Par Mouna Hachim
Le 01/02/2025 à 11h00

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