Le gouvernement El Othmani ne tient plus qu’à un fil. Très ténu de surcroît. La preuve par les titres de la presse arabophone de ce mercredi 30 janvier: «Ramid plante le dernier clou dans le cercueil de la charte de la majorité gouvernementale» (Al Akhbar), «La majorité gouvernementale sur un volcan: chaudes empoignades entre RNI et PJD» (Al Massae), «Le clash gouvernemental!» (Al Ahdath Al Maghribia), «Ramid tire la balle de la délivrance sur le gouvernement» (Assabah).
Le gouvernement est en train de payer cher la «fracture» créée en son sein par la crise des commerçants. Une crise qui risque de le faire tout simplement tomber, croit savoir Al Akhbar, au vu des interminables accusations à travers lesquelles se lapident mutuellement les dirigeants du Rassemblement national des indépendants et ceux du Parti de la justice et du développement. Dernière salve en date, celle tirée par Mustapha Ramid, ministre d’Etat PJDiste chargé des Droits de l’Homme, dans une lettre adressée, via Facebook, à Aziz Akhannouch en sa qualité de président du RNI.
Dans cette missive, dont Al Akhbar publie de larges extraits, le quotidien écrit que Ramid rappelle que le RNI a fait partie des deux gouvernements dirigés par le PJD, dans lesquels il était le titulaire des portefeuilles du Commerce et des Finances. Une façon de dire que tout ce qui concerne les impôts et autres factures électroniques qui sèment actuellement la zizanie parmi les commerçants sont le fait de ministres RNIstes. Chiche, répond Al Akhbar, qui estime que la sortie facebookienne de Ramid est tout simplement une violation flagrante de la charte de la majorité gouvernementale qui a imposé une certaine éthique dans les rapports entre tous les partis la composant.
Allant plus loin, Al Massae estime que la guerre des mots entre le PJD et le RNI a atteint aujourd’hui son paroxysme et pris un «dangereux tournant». Rien qu’entre samedi et lundi derniers, le journal a successivement recensé les sorties d’Ahkannouch contre Saâd-Eddine El Othmani, de Talbi Alami contre Benkirane, puis le communiqué du 27 janvier du RNI, suivies de la sortie depuis le Sous-Massa, de Saâd-Eddine El Othmani contre le RNI, la passe d’armes de lundi au Parlement entre le groupe PJDiste, critiquant le Plan Maroc vert, et Aziz Akhannouch, puis la lettre ouverte de Mustapha Ramid. Dans cette dernière missive, le bras droit de Saad-Eddine El Othmani demande au RNI de choisir entre deux choses. Soit responsabiliser chaque ministre dans les crises qui relèvent de son département, et dans ce cas c’est le RNI qui serait responsable de la crise des commerçants, soit responsabiliser solidairement tout le gouvernement, et dans ce cas la responsabilité est collective.
C’est donc en réponse au communiqué du RNI du 27 janvier, qui accuse les deux derniers gouvernements dirigés par le PJD d'être derrière la crise des commerçants, que Ramid a écrit: «Votre parti est impliqué dans les deux gouvernements. Et la réalité est que le problème des commerçants est lié à deux secteurs que votre parti gère. Par conséquent, si le gouvernement est solidairement responsable, et c’est le cas, l’examen montre que le parti qui gère les secteurs de l’économie, des finances, de l’industrie et du commerce détient la plus grande et lourde responsabilité dans ce dossier.»
Pour sa part, Al Ahdath Al Maghribia, qui affirme que Ramid lui a déjà confié que la crise des commerçants relève de la responsabilité de tout le gouvernement, ajoute néanmoins que sa lettre à Akhnannouch est d’autant plus inattendue et déplacée qu’un autre ministre du PJD avait affirmé au même journal, lundi dernier, que le secrétariat général du parti de la Lampe avait décidé de ne pas répondre au dernier communiqué du parti de la Colombe. Dans un geste d'apaisement?
Non, répond Assabah, qui estime que Ramid, qui a souvent boycotté les réunions du Conseil du gouvernement et celles des partis de la majorité gouvernementale, a choisi de s’exprimer à nouveau en dehors des canaux institutionnels. Assabah, qui considère que le gouvernement El Othmani est devenu plus que jamais précaire et commence même à donner des signes d’implosion, révèle que plusieurs dirigeants du RNI lui ont affirmé que la lettre de Mustapha Ramid ne resterait pas longtemps sans réponse.
Comme quoi, et au vu du rythme effréné qui caractérise le pugilat actuel entre le PJD et le RNI, on peut parier à coup sûr sur un proche KO gouvernemental.