Beaucoup l’appellent Ssi Aziz. Ses proches collaborateurs parlent d’un «boss», dont le niveau d’exigence n’a d’égal que son humanisme et sa générosité. Ceux qui l’ont côtoyé louent sa modestie, son dynamisme, son pragmatisme et son efficacité. Aziz Akhannouch a décidemment bonne presse. L’homme, classé parmi les plus grandes fortunes du continent, a été aussi de bonne fortune pour un département des plus stratégiques du Royaume. Ce fameux secteur primaire…
© Copyright : Youssef El Harrak - Le360
Saâd-Eddine El Othmani est le troisième chef de gouvernement que le ministre de l’Agriculture et de la Pêche a vu défiler depuis 2007. Le super-ministère de Aziz Akhannouch a été même renforcé dans cette dernière législature, pour englober le département des Eaux et Forêts. Un nouveau champ d’action, dans lequel Akhannouch a déjà pu laisser sa marque: il a mis à profit ce mandat pour installer une nouvelle Agence nationale des eaux et forêts.
Une structure qui devrait faire oublier l’archaïsme du Haut-commissariat, qui gérait jusqu’à récemment un domaine forestier recélant un potentiel encore mal exploité. «Comme à son habitude, Akhannouch ne s’est pas contenté de légiférer, mais a surtout couplé cette nouvelle agence à une stratégie nationale forestière», nous explique un député qui a été membre du comité restreint formé au sein de la Chambre des représentants, une structure qui a permis l’adoption de ce texte législatif en un temps record.
Lire aussi : Vidéo. Agriculture: comment Aziz Akhannouch entend protéger les céréales "made in Morocco"
Manœuvrer habilement dans le circuit législatif est un des atouts du ministre, qui en est à sa quatorzième année à arpenter les couloirs du Parlement. Rien que pour le plan Maroc Vert, 4 500 textes réglementaires ont été adoptés. «L’efficacité de ses équipes, qu’il a su fidéliser et renforcer, lui permet d’optimiser son temps dans l’hémicycle», nous explique une source proche du staff d’Akhannouch. Et de poursuivre: «c’est un des rares ministres à pouvoir caser, en une seule journée, deux réunions au sein de deux commissions devant les deux Chambres, une séance plénière pour le vote d’une loi qu’il porte et de faire en sorte que le texte en question soit transmis dans la soirée même à l’autre Chambre. Vous ne pouvez pas imaginer le déploiement d’énergie que tout cela implique».
Cette efficacité est à relier au mindset de l’entrepreneur qu’a toujours été Aziz Akhannouch. D’autant plus que l’homme ne lésine pas sur les moyens pour mener à bien les projets qu’il entreprend, quitte à y mettre de sa fortune personnelle. «Je n’ai jamais été rémunéré en tant que ministre. Je prends souvent à ma charge mes propres voyages, ainsi que ceux de mes collaborateurs. Tant que je le peux, j’évite de laisser les difficultés et les lourdeurs administratives entraver la célérité et l’efficacité de mes équipes», nous avait-il déclaré précédemment.
Accords & plansCe dernier mandat d’Akhannouch a coïncidé avec l’arrivée à échéance des accords entre l’Union européenne et le Royaume concernant l’agriculture et la pêche. Et cette fois-ci, le négociateur est même arrivé à décrocher l’inclusion des Provinces du Sud dans ces traités. Une première, mais surtout une grande bataille que le Maroc a remportée. «Les équipes du ministère de l’Agriculture et de la Pêche ont travaillé main dans la main avec celles des départements des Affaires étrangères et de l’Intérieur pour apporter une réponse aux requêtes des instances européennes, qui voulaient s’assurer du consentement de la population locale», se rappelle Akhannouch, lorsqu’il évoque ce moment marquant du quinquennat.
Lire aussi : Ministères passés au crible – EP6: Nasser Bourita, le visage d’une diplomatie offensive et décomplexée
Son début de mandat a aussi coïncidé avec le lancement d’un nouveau plan des plus ambitieux, lié au monde rural. Il s’agit du Plan de réduction des disparités territoriales et sociales (PRDTS), qui trouve son inspiration dans la sollicitude royale envers les zones enclavées. Là encore, la conduite a été exemplaire. Prévoyant 50 milliards de dirhams d’investissements, mobilisés par différents départements ministériels et institutions publiques dont le Fonds de développement agricole, cette vision métamorphose actuellement le monde rural. Ecoles, centres de santé, routes et pistes rurales, alimentation en eau potable et électricité… Plus de 7 000 projets ont d’ores et déjà changé la physionomie du monde rural.
© Copyright : Youssef El Harrak - Le360
L’année 2020 avait été marquée par l’arrivée à terme du Plan Maroc Vert. Une des premières visions stratégiques lancées par le Royaume lors de son premier mandat de ministre. Son déploiement depuis 2009, et surtout son pilotage, qui s’est bonifié au fil des années, ont été déterminants. «Le secteur de l’Agriculture a été révolutionné par Aziz Akhannouch», affirme Youssef Alaoui, président de la Fédération interprofessionnelle du secteur avicole. «Mener un travail par objectif est une approche qui arrange les entrepreneurs. C’est ce qu’a permis le Plan Maroc Vert dont les bilans d’étapes ont à chaque fois permis de recadrer les mesures et les objectifs. Cela a été d’autant efficace que la représentativité des différentes filières a été améliorée avec l’adoption, en 2018, de la loi sur les interprofessions», ajoute-t-il.
Il faut reconnaître que les résultats du Plan Maroc Vert sont plus que probants: montée en puissance des investissements, augmentation de la production et des chaînes de valeur des différentes filières, amélioration des conditions de vie des agriculteurs…
© Copyright : Youssef El Harrak - Le360
Le succès de cette stratégie agricole a été encore plus visible avec la crise sanitaire du coronavirus. Alors que les frontières ont été fermées, et la mobilité réduite au strict minimum, les marchés marocains sont restés bien achalandés en produits agro-alimentaires. C’est que la sécurité alimentaire du Royaume a été érigée en priorité nationale depuis plusieurs années. «Nous sommes aujourd’hui autosuffisants en fruits, en légumes, en lait, en viande. Et nous couvrons à peu près 50% de nos besoins en céréales et en sucre», nous explique une source au ministère de l’Agriculture.
Mais il a aussi fallu faire preuve de tact et de courage décisionnaire durant cette période de crise. Car le challenge n’a pas été facile pour continuer à approvisionner les grandes surfaces, prises d’assaut par les Marocains qui appréhendaient les conditions d’un confinement forcé. «Des mesures inédites ont été déployées, comme une réorientation temporaire de la chaîne de distribution pour approvisionner directement les grandes surfaces sans passer par le marché de gros, ou encore le ralentissement des exportations de certaines denrées, pour prioriser le marché national», nous explique un cadre dans un groupe de grande distribution.
© Copyright : Youssef El Harrak - Le360
La réussite de la vision agricole est telle, que c’est la seule qui a jusqu’ici amorcé une deuxième phase. Quelques semaines à peine avant le confinement, Aziz Akhannouch a présenté devant le souverain «Generation Green 2020-2030». Inspirée, conçue et élaborée conformément aux orientations royales, pour la mise en œuvre de plans stratégiques sectoriels de nouvelle génération, elle vient consolider un ensemble d’acquis du Plan Maroc Vert. «Le don d’Akhannouch est de concevoir des stratégies sectorielles qui s’inscrivent en convergence avec les autres chantiers structurants lancés par le souverain. Que ce soit avec le plan national de l’eau, le programme d’appui et de financement des entreprises, ou encore la feuille de route pour le développement de la formation professionnelle, des complémentarités sont décelées et des synergies sont à libérer avec Generation Green», commente un professionnel du secteur.
Lire aussi : Aziz Akhannouch: «Le RNI ne vend pas d'illusions aux Marocains»
Cette nouvelle vision vise désormais l’émergence d’une nouvelle classe moyenne agricole. 350 à 400 000 ménages additionnels accéderont à cette classe moyenne, à travers des incitations élargies et ciblées, de manière à améliorer leurs revenus.
Il y a un hic, toutefois: Akhannouch ne sera plus là pour poursuivre le déploiement de cette nouvelle vision agricole. Lui, aspire à de nouvelles ambitions pour le prochain mandat électoral. Mais on peut lui faire confiance: au cas où celui qui est aussi le président du Rassemblement national des indépendants (RNI) deviendrait chef du gouvernement, il veillera à assurer la continuité de «Generation Green»…