Il nous a habitués à répondre à côté de la plaque quand les vraies questions lui sont posées. Mais là, il a fait fort. Le ministre algérien des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, a de nouveau préféré la fuite en avant plutôt que d’avouer les véritables crimes commis dans son pays à l’égard des migrants subsahariens. Des crimes que l’Organisation des Nations unies n’a pas manqué de dénoncer, et le mot est faible.
Tout a commencé mardi 22 mai dernier à Genève quand le Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme (HCDH) a intenté un véritable procès à l’Etat algérien. En cause, les expulsions massives de migrants et leur reconduction aux frontières sud du voisin de l’Est. Les victimes, faute de chiffres fiables, sont estimées à plusieurs milliers. Pire, le HCDH, et citant des victimes, parle également de conditions de détention inhumaines et dégradantes, de rafles systématiques et de la montée du racisme et de la xénophobie qu’une telle politique génère au sein de la société.
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Le plus souvent, les victimes ne sont même pas informées des raisons de leur détention. Et au moment de leur arrestation, elles n’ont droit ni à leurs documents ni à leur argent et encore moins à leurs affaires. Quand elles ne sont pas jetées dans des bases militaires ou des prisons transformées en «centres», elles sont vite expédiées aux frontières avec le Niger, sans aide ni nourriture et sous un soleil de plomb, rapporte l’ONU. Ravina Shamdasani, porte-parole du HCDH, parle, et sans détour, de «situation profondément alarmante» et «contraire aux obligations de l’Algérie» à l’international.
Ainsi pris en flagrant délit d’atteintes aux droits de l’Homme les plus élémentaires s’agissant des migrants, le régime algérien est comme sonné. Hier jeudi, et à l’occasion de la journée mondiale de l’Afrique, Messahel s’est bien gardé de commenter les critiques acerbes de l’ONU. C’est à peine s’il a évoqué le sujet, parlant de «flux migratoires illicites qui ont pris ces dernières années une propension alarmante» et les qualifiant de fléau, au même titre que le trafic de drogue et d’armes ou encore la traite d’êtres humains.
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Faute d’arguments, le ministre algérien des Affaires étrangères nous gratifie d’un amas de propos décousus sur les éternelles litanies que sont l’unité africaine, le développement Sud/Sud et le rôle ô combien essentiel qu’y joue l’Algérie. Admirez le «processus d'intégration économique de l'Afrique dans lequel elle (l’Algérie) s’est investie à travers «d'importants projets structurants» et les «projets régionaux intégrateurs» menés par un pays en mal de modèle économique pour sa propre survie. Des projets qui se conjuguent par ailleurs, et depuis des décennies, au futur avec la deuxième moitié du siècle pour perspective (agenda 2063). Ajoutez «la mise en œuvre de l'Architecture de Paix et Sécurité de l'Union africaine» ainsi que «la prévention et la gestion des conflits» menée par la seule Algérie à l’échelle du continent et le tour est joué.
Messahel croit-il vraiment que sa littérature fonctionne encore ou s’agit-il juste d’une tentative de cacher la part sombre des atteintes quotidiennes aux droits de l’Homme avec le tamis d’une rhétorique surannée? Ses propos ont en tout cas du mal à convaincre, même en interne. «Nonobstant son caractère exécrable de pays fermé, sa politique des visas octroyés à dose homéopathique, l’absence d’une loi d’asile (et d’immigration) et d’un dispositif d’insertion socioprofessionnelle des migrants, d’un Code de la nationalité accessible, l’Algérie accueille pourtant, tant bien que mal, quelque… 100.000 migrants subsahariens en situation irrégulière. Un miracle que l’histoire de la plaque africaine a décidément du mal à tolérer», lit-on chez le confrère El Watan.
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La gifle onusienne vient de surcroît rappeler une autre vérité. Celle du discours anti-migrant, consciemment xénophobe, voire raciste, de certains dirigeants algériens. N’est-ce pas le même Messahel qui avait affirmé, en juin 2017, que les migrants étaient une «menace pour la sécurité nationale»? N’est-ce pas Ahmed Ouyahia, à la tête d’un RND allié du FLN de Bouteflika & Co, et Premier ministre de la république algérienne, qui a déclaré en juillet 2017 que les migrants subsahariens sont «une source de drogue et de criminalité»? Le tout a une conséquence: une opinion publique en grande partie hostile aux migrants. Tant qu’à donner l’exemple, autant en donner un (très) mauvais. Quand le régime algérien assume ouvertement au plus haut niveau de l'Etat le racisme contre les Subsahariens, il ne faut pas s'étonner qu'une partie de la société lui emboîte le pas. Et cela, tout le continent africain le sait désormais.