Quatre mois après la demi-finale de la coupe du Monde de football qui a opposé la France et le Maroc, le quotidien Libération revient sur cette rencontre, dans son édition du vendredi 5 mai, parce qu’elle a permis indirectement le démantèlement d’un groupe de néonazis des plus dangereux. Documents officiels à l’appui, le quotidien affirme que ces néonazis «ont voulu s’en prendre aux supporters marocains, le 14 décembre, à l’issue de la demi-finale de la coupe du Monde».
D’après le quotidien, les membres de ce groupe d’extrême-droite xénophobe se sont préparés et organisés, armés de poings américains et de matraques pour passer à l’action une fois le match terminé. La France se réveille donc sur une réalité qu’elle a souvent tenté d’ignorer. En 2023, s’indigne le quotidien, des groupuscules fascistes, dont certains vivent encore dans le culte d’Hitler, essaiment sur tout le territoire français, «nourrissant une haine pathologique des «Bougnoules» et des «Cohen»».
Reprenant les rapports des services de renseignement, le journal affirme que ces groupes ne sont pas encore nombreux, mais que «leur dynamique est ascensionnelle». Ce qui est néanmoins inquiétant. Ils sont issus de tous les milieux sociaux, depuis le simple employé de supermarché du coin, jusqu’au descendant d’une famille aristocratique. Le danger est donc réel de les voir prospérer, d’autant que «le climat politique actuel, qui tente de banaliser la montée de l’extrême-droite, leur est favorable».
Le lundi 12 décembre, soit deux jours avant le match, un message tombe sur la messagerie cryptée d’un groupe fermé de 49 membres qui se fait appeler «Training Crew». Le message dit ceci: «Mercredi à 20 heures, France-Maroc. RDV dès 20 heures au métro Pont-Cardinet. On sera nombreux, donc on s’étalera dans plusieurs (bars) autour de la place. Mobilisation générale, pour défendre notre drapeau face aux hordes de Marocains».
Le quotidien précise que cette boucle de messagerie est d’ordinaire réservée à l’organisation de séances d’entraînement entre membres. Mais cette fois, c’est bel et bien d’un appel à la mobilisation générale qu’il s’agit. Il est clair que les membres du groupe n’avaient pas l’intention de laisser parader les supporters de l’équipe nationale marocaine près de ce qu’ils considèrent comme l’un des symboles du patriotisme français, l’Arc de triomphe.
Selon les documents consultés par le quotidien, une quarantaine de personnes au total étaient mobilisées pour mener cette «opération». Mais la police a mis en échec leur raid, en cueillant un premier membre, cette même nuit du 14 décembre, dans un bar. Puis, 38 autres personnes ont été interpellées, «dont une quinzaine fichées S pour «Sûreté de l’État»». Ce 12 décembre déjà, après avoir intercepté le message de ralliement, la police avait déjà pu pister son émetteur et l’arrêter. D’origine aristocratique, ce jeune de 24 ans, adepte de bodybuilding, est leader d’un groupe d’ultras qui se fait appeler «Zouaves Paris». Rappelons à ce propos que les zouaves sont des unités françaises d’infanterie légère appartenant à l’Armée d’Afrique, au temps de la colonisation française.
Bref, depuis ce message, la police, en utilisant des technologies d’information et les caméras de surveillance, ont suivi les membres du groupe jusqu’à leur point de chute, le jour du match. Il s’agit d’un vaste bar, dans le XVIIe arrondissement, dont le propriétaire a assuré, lorsque la police l’a interrogé, que les membres du groupe ont suivi le match le plus calmement du monde. Une version des faits que des témoins ont démentie, parlant de réactions racistes du groupe à chaque fois qu’un joueur de couleur touchait le ballon.
Ce que la police a trouvé dans un sac à dos transporté par l’un des membres du groupe est fort révélateur. Il contenait tout le nécessaire pour une descente musclée: cagoules, spray lacrymo, ceintures en métal, poings américains, bâtons télescopiques et fumigènes. Des membres du groupe étaient également équipés de gants coqués, de coques de protection des parties génitales et de protège-dents.
Cela dit, la police ne sait pas où le groupe allait passer à l’acte. Cependant, et c’est sans doute un indice qui a été pris en compte, sur le téléphone d’un membre, un ancien militaire de 22 ans, une image représentant l’Arc de triomphe drapé des couleurs de la France avec la mention: «Fuck Maroc, Paris est à nous, Division Martel». Ces deux derniers mots en disent long sur la nature de ce groupe néonazi.
Le nom de cette entité d’extrême-droite fait, en effet, référence au chef militaire franc Charles Martel qui a défait l’armée musulmane, à Poitiers, en… 732. Bref, et si cette intervention musclée a été avortée à la dernière minute dans la capitale, conclut le quotidien, plusieurs autres villes ont connu, le soir de cette demi-finale Maroc-France, des violences éparses causées par des militants à coloration néonazie.