L’ex-patron de la Central national intelligence (CNI), Jorge Dezcallar, sort de son silence et fait des révélations très édifiantes sur un chapitre mouvementé des relations hispano-marocaines. Dans une interview au quotidien espagnol «Publico», l’ex-chef du contre-espionnage espagnol nous apprend que le roi Mohammed VI ne tenait pas en haute estime l’ex-Chef de l’Exécutif espagnol. Sous son mandat, les relations bilatérales ont connu leurs moments les plus difficiles, la crise de l’ilot survenue en juillet 2002 étant l’illustration la plus retentissante de cette crispation.
«Je pense que les Marocains étaient un peu plus habitués au style de Felipe Gonzalez (Chef du gouvernement socialiste espagnol de 1982 à 1996, NDLR). Il leur disait un peu ce qui leur plaisait d'entendre et ensuite faire ce qui devait être fait», explique Jorge Dezcallar, précisant que le style du successeur de Felipe Gonzalez, José Maria Aznar, était plutôt exaspérant.
A preuve, cette confidence que Mohamed Benaïssa, alors ministre des Affaires étrangères et de la coopération, aurait faite à son «ami» Dezcallar. Evoquant le rapport entre le roi Mohammed VI et l’ex-patron du Parti populaire (PP), Maria Aznar, Jorge Dezcallar rapporte une anecdote que lui aurait relatée Mohamed Benaïssa. «Mohamed Benaïssa, alors chef de la diplomatie marocaine, m’a confié : le roi Mohammed VI a lancé, dans un accès de colère, à l’issue d’une entrevue avec Maria Aznar: «Cet homme est d’une arrogance inadmissible».
«Aznar est un homme politique qui n’a pas le sens de la mesure. Les réunions qu’il tenait avec les Marocains n’étaient pas faciles (…). Nous avions mille problèmes qui, malheureusement, étaient restés en suspens», déplore l’ex-patron du renseignement espagnol, précisant qu' au-delà de la coopération entre les services antiterroristes des deux pays, plusieurs questions d’intérêt commun étaient mises en veilleuse.
Sur la question de savoir si les services du renseignement marocains étaient au courant du projet d’attentat qui allait secouer Madrid, le 11 mars 2004, Jorge Dezcallar répond: «Non. Absolument pas. Le Maroc, je le connais bien. J’avais de bonnes relations avec ses services secrets. Nous parlions au téléphone presque deux jours sur trois. L’entente était bonne».
Seulement voilà, il s’est trouvé que l’Espagne était dirigée par José Maria Aznar. Tout le monde se rappelle que l'ancien «patron» du gouvernement de droite voulait faire croire que les attentats anti-Madrid (gare Atocha) devaient être instrumentalisés par ce gouvernement de droite pour s’assurer une reconduction à la tête de l’Exécutif espagnol. C’était pour cela que ce gouvernement en avait imputé la responsabilité au mouvement séparatiste basque ETA, alors que les véritables auteurs étaient des islamistes.
En somme, autant de contre-vérités à mettre au passif de l’ancien gouvernement Aznar. Et c’est un ex-haut commis de l’Etat, en l’occurrence l’ex-patron de la CNI, qui vient de les démasquer.