Alors que le Maroc traverse une période marquée par de profondes turbulences économiques et sociales, le Rassemblement national des Indépendants (RNI) donne l’impression d’un parti verrouillé, organisé autour d’un seul homme: Aziz Akhannouch. Le parti jouit d’une stabilité organisationnelle où toute la structure, du centre jusqu’aux antennes régionales, converge vers un soutien inconditionnel à son président, qui s’apprête à briguer un troisième mandat sans la moindre opposition interne, indique le quotidien Al Ahdath Al Maghribia dans son édition du vendredi 20 juin.
À l’approche du congrès national du RNI, aucune candidature alternative à celle d’Akhannouch n’a émergé, et le calendrier même du congrès a été précautionneusement fixé avant les élections législatives, contrairement aux précédents congrès. Tout indique que le RNI cherche à s’assurer que son président actuel reste aux commandes pour mener une nouvelle campagne électorale en 2026, consolidant ainsi un culte de la personnalité qui ne dit pas son nom.
L’ascension d’Akhannouch à la tête du RNI, en octobre 2016, s’est faite dans un contexte d’instabilité politique, écrit le quotidien. Profitant de l’échec d’Abdelilah Benkirane à former une coalition, Akhannouch est parvenu à tirer son épingle du jeu, sans que le RNI ne soit à l’époque une force électorale majeure (seulement 37 sièges au Parlement). L’ex-ministre de l’Agriculture, riche homme d’affaires, a su capitaliser sur ce vide pour prendre le contrôle du parti.
Depuis lors, il l’a transformé en machine électorale à son service, comme en témoigne son succès inattendu lors des élections de 2021, où le RNI est arrivé en tête avec 102 sièges. Ce succès, s’il marque une rupture dans le paysage politique marocain, doit également être analysé à l’aune de moyens colossaux mobilisés, d’un marketing politique intense et d’un vide laissé par la débâcle du PJD.
Réélu en mars 2022 à la tête du parti sans concurrence, Akhannouch a bénéficié d’un contexte politique post-victoire électorale, renforçant sa stature mais aussi les doutes sur l’existence d’un véritable débat démocratique au sein du parti. Le discours officiel met en avant la continuité du «chemin de la confiance» et du «chemin du développement», concepts flous portés comme des slogans, sans véritables contre-pouvoirs internes ni bilan critique.
Le prochain congrès, prévu avant les législatives de 2026, s’inscrit dans cette même logique de verrouillage. Aucun suspense, aucune surprise: tout semble orchestré pour reconduire Akhannouch à la tête du RNI, au moment même où son bilan à la tête du gouvernement est sévèrement critiqué par l’opinion publique, sur fond de vie chère, de sécheresse et de crise sociale.
Akhannouch, chef du gouvernement, concentre les responsabilités mais aussi les critiques. Son gouvernement est perçu comme distant, technocratique, et peu en phase avec les urgences sociales. Pourtant, au sein du RNI, aucune voix discordante ne s’élève. La culture du consensus autour du chef vire à l’étouffement du débat politique. Pire, en misant sur l’absence totale de concurrence interne, le parti montre qu’il préfère la sécurité de l’autoritarisme partisan à l’émulation démocratique.
À l’approche du congrès national du RNI, la question n’est pas tant de savoir si Akhannouch sera réélu, mais plutôt de s’interroger sur ce que cette reconduction dit du fonctionnement interne du parti. Peut-on réellement parler de démocratie partisane lorsque le leadership ne fait l’objet d’aucun débat, d’aucune remise en question? En verrouillant le parti à double tour, Akhannouch prépare une nouvelle conquête du pouvoir, mais affaiblit la vitalité démocratique de son propre camp.








